Dans le Rojhi­lat (Kur­dis­tan iranien), les kur­des sont con­fron­tés au régime islamiste des mol­lahs. Les Kol­bers, ces tra­vailleurs pau­vres nomades sont régulière­ment abat­tus par l’ar­mée, au nom de la lutte con­tre la con­tre­bande entre l’I­rak et l’Iran.

En Iran, près 7 mil­lions d’habi­tants sont Kur­des. La minorité du Rojhi­lat (situé à l’Ouest de l’I­ran) représente près de 10 % de la pop­u­la­tion irani­enne. Par­mi les tra­vailleurs pau­vres se trou­vent les Kol­bers que l’on nomme aus­si koul­bars en langue kurde. L’o­rig­ine du terme vient du mot “koul” sig­nifi­ant le “dos” et “bar” ren­voy­ant à la notion de “trans­port”. De manière lit­térale, ce sont des per­son­nes qui trans­portent des marchan­dis­es sur leur dos. Sou­vent com­parés aux Sher­pas népalais, pour leur mode de tra­vail rude, ils tra­vail­lent dans des con­di­tions de tra­vail très sim­i­laires. À l’in­star de leurs cama­rades népalais, ils restent très peu con­nus, mal­gré leur impor­tance sociale dans le tis­su social en Iran.

Ils char­ri­ent des objets élec­tron­iques, du tis­su, du thé et par­fois de l’al­cool. Ils tra­versent la fron­tière entre l’I­ran et l’I­rak, avec des ani­maux, sou­vent la nuit, de peur de se faire repér­er par les mil­i­taires iraniens. Ils fran­chissent les cours d’eau comme les riv­ières risquant l’hypothermie. Dans une région par­ti­c­ulière­ment mon­tag­neuse, le pas­sage des dif­férents cols se fait sous un épais man­teau blanc en coton, dans des tem­péra­tures néga­tives. L’un des som­mets, les plus hauts sur leur pas­sage est le Kuhe Haji Ebrahim. Il cul­mine à 3 587 mètres d’alti­tude. Durant leur périple, dont les con­di­tions peu­vent par­fois être extrêmes, ils doivent égale­ment faire face aux restes de la guerre Iran — Irak, à savoir les mines anti-per­son­nelles dis­séminées le long de la fron­tière durant les années 80, par les deux armées.

Sou­vent oubliés, ces échanges com­mer­ci­aux se réalisent aus­si entre la Turquie et l’I­ran. Dans le cadre des rela­tions bilatérales ten­dues entre Erdoğan et Rohani, tout comme son prédécesseur, il n’est guère éton­nant que les con­di­tions restent très similaires.

Kolbers

Au-delà d’un périple dan­gereux et risqué à chaque voy­age, les Kol­bers subis­sent les tirs, la con­fis­ca­tion et la destruc­tion de leurs biens par les Gar­di­ens de la Révo­lu­tion. Ces derniers tirent égale­ment sur les ani­maux en guise de repré­sailles, ou par­fois les brû­lent, jetant les car­cass­es sur le bord des routes. La ques­tion de la lutte con­tre la con­tre­bande est régulière­ment évo­quée par les sol­dats du régime ou les forces de l’or­dre. Il s’ag­it du “cadre juridique” et “légal” de l’op­pres­sion con­tre les tra­vailleurs par l’armée.

La ques­tion du libre-échange des marchan­dis­es a été ten­tée par le régime de Téhéran à tra­vers l’ou­ver­ture de la fron­tière. Les points entre Pen­jwen et Mari­van, et Qalat Dizah et Bané ont servi de références à cette expéri­ence. Cepen­dant, l’ac­cord voulu par le gou­verne­ment a été refusé par le par­lement iranien à tra­vers un impeach­ment. De ce fait, les autori­sa­tions con­cer­nant le tra­vail des Kol­bers don­nées par le régime sont dev­enues caduques. La ten­ta­tive d’in­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion (et surtout de con­trôle) du tra­vail des Kol­bers a fait chou blanc, les con­di­tions n’ont pas changé, la répres­sion s’est inten­si­fiée petit à petit.

Dans une volon­té de dis­crim­i­na­tion impor­tante de la part du régime iranien, on assiste à des actes racistes con­tre les tra­vailleurs kur­des sous des pré­textes totale­ment fal­lac­i­eux (sic). Entre le 8 au 15 novem­bre 2013, Evin Osmani, une jeune kurde âgée de 17 ans a été abattue dans ce cadre, alors qu’elle se trou­vait sim­ple­ment avec son futur époux. En effet, leur véhicule a été visé par des forces de l’or­dre cen­sées com­bat­tre la “con­tre­bande”. Elle est décédée un jour plus tard des suites de ses blessures (une balle dans la colonne vertébrale).

Plus récem­ment, le 14 octo­bre 2016, “les gar­di­ens de la Révo­lu­tion” ont ouvert le feu sur un con­voi de Kol­bers touchant grave­ment Ahmad Nazari. Les forces islamistes ont empêché les pre­miers soins. De ce fait, son état s’est empiré, Ahmad est décédé durant le tra­jet le menant sur la route de l’Hôpital.

Ce qu’il con­vient d’ap­pel­er “mas­sacre” oublié des Kol­bers, per­dure, met­tant en avant des ques­tions eth­niques, cul­turelles et de classe. Dans l’om­bre des mon­tagnes, les balles lais­sent des corps sans vie, dont  le sang ruis­selle dans les val­lées du Rojhillat. Selon le Réseau pour les Droits de l’Homme au Kur­dis­tan (Kur­dis­tan Human Rights Net­work – KHRN), au moins 439 tra­vailleurs frontal­iers ont été tués ou blessés dans l’exercice de leur activ­ité par les forces armées irani­ennes, depuis 2011. Ce chiffre très approx­i­matif con­tin­uera d’aug­menter pro­gres­sive­ment. Il demande un sur­saut de con­science afin de mieux faire con­naître leur existence.

Pierre Le Bec


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