Des décrets con­tin­u­ent à être pub­liés et à cham­bouler toute la Turquie. Après les 5 pub­liés il y a quelques jours, en voici trois autres. Ces nou­veaux décrets de l’état d’urgence ciblent large­ment les universitaires.

2346 uni­ver­si­taires, dont 19 sig­nataires de la péti­tion pour la paix, ain­si que des mem­bres d’ Eğitim-Sen, le syn­di­cat de l’Enseignement, ont été licen­ciés par ces mesures décrétées, en mode “état d’urgence”.

Ces licen­ciements seraient effec­tués à par­tir de listes com­plaisam­ment  fournies par les directeurs des uni­ver­sités. L’é­tat d’ur­gence scélérat fait le reste.

A l’U­ni­ver­sité de Kocaeli : 19 sig­nataires de la péti­tion sont licen­ciés dont Prof. Dr. Onur Hamza­oğlu, Prof. Dr. Nilay Etil­er, Prof. Dr. Kuvvet Lor­doğlu, Doç. Yücel Demir­er, Yar. Doç. Hakan Koçak, ain­si que Aynur Özuğurlu, Bur­cu Yakut Çakar, Derya Keskin Demir­er, Güven Bakırez­er, Hülya Kendir Özd­inç, Mehmet Rauf Kesi­ci, Özlem Özkan, Ümit Biçer, Adem Yeşilyurt…

Can­dan Badem de l’Université de Mun­zur, fait aus­si par­tie du lot. Cet his­to­rien qui revendique depuis des années son athéisme et son marx­isme avait été mis en garde à vue après le coup d’Etat, accusé de faire par­tie de la con­frérie du prêcheur Gülen… La police avait trou­vé un livre de Gülen, lors de la perqui­si­tion effec­tué dans son bureau… dans sa bib­lio­thèque… A pro­pos de l’ac­cu­sa­tion à son encon­tre, Can­dan déclarait : “Je suis recon­nu comme athée et marx­iste, je me demande com­ment ils vont faire pour me trans­former en un Güleniste. » Quelques jours plus tard, remis en lib­erté sous con­di­tion, il tweet­tait : “Le fait d’être athée et marx­iste m’a été utile pour la pre­mière fois dans ma vie. Il y avait ça aus­si sans doute dans mon destin.”

Mais, dans la rafale suiv­ante, il se trou­ve licencié…

A l’Université d’Ankara, Abdül­celil Kaya, Ahmet Ozan Değer, Aysun Gezen, Esra Dabağcı, Gülseren Adak­lı, İlkay Kara, Nail Dertli, Onur Can Taş­tan, mem­bres d’Eğitim-Sen. La plu­part des uni­ver­si­taires tra­vail­laient sur des thé­ma­tiques comme « l’idéologie », « poli­tiques sociales », « fas­cisme », néolibéral­isme, « l’histoire du syn­di­cal­isme » et « les grèves des métallos ».

A l’U­ni­ver­sité de Gazi, Betül Yarar et Kemal İnal, pris pour cible et men­acés, limogés après leur sig­na­ture de la péti­tion, font par­tie des uni­ver­si­taires licen­ciés également.

A l’Universite de Niğde, Neza­hat Ezgi Oral Soy­daş, Vahdet Mesut Ayan, Yasin Durak, Fat­ma Gül Eryıldız, Diyar Yıl­maz, à l’Université d’Adıyaman, Abdur­rah­man Aydın, et à l’Universite d’Anatolie Ertuğrul Uzun ont été licenciés.

A L’université de Hacette­pe, le fait que des uni­ver­si­taires mem­bres de l’ancien con­seil admin­is­tra­tion soient vic­times des licen­ciement a attiré beau­coup d’attention.

La liste des noms con­tin­ue à enfler…

Aysun Gezen, chercheuse en Sci­ence-Poli­tiques de l’Université d’Ankara, a déclaré sur une chaîne télévisée, que les uni­ver­si­taires sol­liciteront tous les moyens légaux pour défendre leur droits. Aysun, qui est égale­ment co-secré­taire d’Eğitim-Sen à Ankara :

A l’Université d’Ankara, il y avait déjà des chercheurs et enseignants qui ont été mis en garde à vue, suite à l’attaque de la police, sur l’ordre du directeur. J’en suis une. Une liste a été établie à par­tir de cette inter­ven­tion. Le directeur a fourni la liste des uni­ver­si­taires qui ont été bat­tus, trainées au sol et arrêtés. Nous con­cevons ces pra­tiques comme un désir d’anéantir le per­son­nel pro­gres­siste de l’université, une opéra­tion, pré­tex­tant l’organisation FETÖ, pour éloign­er tout uni­ver­si­taire qui ne se soumet pas. Nous sommes absol­u­ment con­tre ces déci­sions. Nous ne per­me­t­trons pas la mise en ordre des uni­ver­sités de cette façon.

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153 étu­di­ants inscrits faisant leurs études dans les pays étrangers, soupçon­nés d’être mem­bres ou d’avoir des liens avec FETÖ et PYD ont été désinscrits.

Par­al­lèle­ment, le nom­bre de fonc­tion­naires licen­ciés à dépassé les 50.000. Les passe­ports des licen­ciés sont sup­primés. Selon les nou­veaux décrets les passe­ports des époux/ses des per­son­nes dont les passe­ports sont sup­primés pour­ront être sup­primés à leur tour, “si le Min­istère d’in­térieur en voit la nécessité”.

Les cartes de jour­nal­iste per­ma­nentes de 115 jour­nal­istes ont été retirées.

Les biens appar­tenant aux mairies, à des admin­is­tra­tions liées aux mairies, soupçon­nées de “sou­tien direct ou indi­rect aux organ­i­sa­tions ter­ror­istes ou d’actes ter­ror­istes ” seront con­fisqués par le super­viseur de la région concernée.

Tous les milieux sont touchés par les opéra­tion de purge.

Vous vous sou­venez peut être du lieu­tenant colonel Mehmet Alkan, dont Kedis­tan par­lait dans l’ar­ti­cle “La guerre des cer­cueils”. Le mil­i­taire, qui avait poussé un cri de dés­espoir et de colère lors des funérailles de son frère au mois d’août l’an­née dernière, en dis­ant “Qui est son assas­sin ? Qui est à l’origine de sa mort? Com­ment se fait-il que ceux qui par­laient hier de proces­sus de « réso­lu­tion » dis­ent main­tenant ‘la guerre coûte que coûte’ ? Ils n’ont qu’à aller faire la guerre eux-mêmes !”  Nous apprenons aujour­d’hui, que Mehmet Alkan a été éjec­té de l’armée…

Il a été mis fin aux ser­vices des admin­is­tra­teurs mis en place avant les décrets, pour pren­dre en charge des insti­tu­tions accusées d’avoir des liens avec les organ­i­sa­tions ter­ror­istes. Ces organ­ismes seront ven­dus et liq­uidées par le TMSF (Fonds d’as­sur­ance-dépôts d’épargne).

Der­rière ces char­rettes, par décrets, on boule­verse et sou­vent détru­it la vie de familles, l’avenir immé­di­at de chercheuses, chercheurs. Le coup d’é­tat civ­il se pour­suit. Celles et ceux qui ergoteraient encore sur la nature du régime et nous ser­vent tou­jours des “en voie de dur­cisse­ment autori­taire”, devraient y regarder de plus près, en sachant que rien n’est encore terminé.

Le régime, délibéré­ment, se coupe et se prive de ses meilleurs chercheurs en sci­ences sociales par exem­ple, leur préférant des “béni oui oui” capa­bles de décervel­er les futurs étu­di­antEs… Nom­bre d’a­vancées dans la réflex­ion sur l’his­toire même de la Turquie (et on con­naît le rôle et l’im­por­tance des refoulés géno­cidaires) seront réduites à néant ou devien­dront con­fi­den­tielles. On peut imag­in­er la teneur des pub­li­ca­tions dans les années à venir…

Nous savons que quelques unEs, recher­chées et pris­es pour cibles, avaient décidé déjà de quit­ter la Turquie, et trou­ver asile dans des uni­ver­sités européennes ou améri­caines. Nous en avons récem­ment croisé quelques unEs, à qui nous ouvrirons bien­tôt notre mag­a­zine, avec grand bon­heur. La dias­po­ra turque et kurde va s’en­richir en par­tie con­tra­dic­toire­ment de ces “purges”… Le com­bat va pou­voir continuer.

Pour celles et ceux qui se voient con­fis­quer toute pos­si­bil­ité de départ, c’est une longue marche qui commence.


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