Le très conservateur hebdomadaire britannique The Spectator a lancé un concours qui fait du buzz pour protester contre Recep Tayyip Erdogan et aussi Angela Merkel.
Celle-ci, sur demande d’Erdogan, a cédé et autorisé l’ouverture d’une poursuite pénale à l’encontre d’un comédien, Jan Böhermann, pour un poème lu dans une émission de la chaîne ZDF, le 31 mars.
Même si la poésie mérite un meilleur traitement que celui que lui a infligé Böhermann, qui là, il faut le reconnaître, a trempé sa plume dans le pire des caniveaux, cela n’aurait dû en principe pas faire plus de bruit que certaines émissions consternantes de télévisions européennes à numéros.
Un extrait du poème de Böhermann donne une idée sur le reste…
Même le pet d’un cochon a une meilleure odeur.
Il est l’homme qui frappe des filles
Et porte des masques en caoutchouc.
Il aime baiser des chèvres
Et opprimer des minorités.
Mais c’était donc sans compter sur Erdogan, qui a lui même propulsé en l’air une crotte en principe destinée à rester sur le trottoir. Au Kedistan, on prend même soin de les recouvrir…
Voilà donc la procédure pour “injures” déclenchée.
L’article 103 du Code Pénal d’Allemagne, permet en effet de juger le comédien, pour « insulte à un homme d’Etat étranger ». L’article prévoit trois ans de prison, mais si « l’insulte » a un objectif de calomnie, la peine peut aller jusqu’à 5 ans.
Voilà pourquoi un Douglas Merry, “journaliste” du The Spectator, a annoncé dans un billet publié sur le site du magazine, qu’un concours de poèmes insultants contre Erdogan était désormais ouvert et que le gagnant serait récompensé de 1000£. Tout le monde peut tenter sa chance en envoyant son “oeuvre”.
En annonçant l’ouverture du concours, Douglas Merry, a encouragé les poètes et poétesses confirmé(e)s ou en herbe, à écrire des poèmes satiriques de cinq vers, « en étant aussi insultants que possible » contre Erdogan qu’il qualifie de « despote ». Il va falloir faire mieux que Böhermann… Que le “Spectator” espère une couverture médiatique, bien au delà de la “dénonciation” du régime AKP, nous n’en doutons pas. Cet auteur, dont on découvre par ailleurs le combat “anti migrant” en lisant ses papiers, sait sans doute ce qu’il fait.
Notons encore que ce Douglas Murray, écrivain, journaliste écossais, développe un point de vue néo-conservateur et exprime une opinion critique envers l’islam plus xénophobe que théologique. Il avait déjà critiqué par ailleurs le Premier Ministre britannique David Cameron, pour son soutien à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Un référendum se déroulera le 23 juin prochain aux Royaume Uni, au sujet de l’Europe. Le palmarès du “concours” sera annoncé avant le référendum du 23 juin. Ceci explique sans doute aussi cela.
Souvenons nous qu’une dirigeante d’un parti d’extrême droite français avait pris la parole au Parlement Européen pour critiquer l’accord UE/Turquie sur les “migrants” dans des termes et avec une démarche analogue à celle de fait du The Spectator. Derrière une façade violemment critique, se glisse une détestation xénophobe de la Turquie, et d’une bonne partie des populations du Moyen Orient, et non pas seulement une dénonciation des régimes politiques totalitaires et de leurs dirigeants.
Et quelles que soient nos détestations du “personnage” Erdogan, nous ne mêleront pas nos voix à celles d’une droite européenne identitaire, qui pourtant est la même que celle qui a amené les dirigeants européens à transformer le continent en bunker anti réfugiés. Et nous ne pouvons que dissuader celles et ceux qui ici ou en Turquie, pourraient vouloir par colère légitime, nourrir une bête aussi immonde que celle qu’ils voudraient fustiger.
Et si nous disons aussi cela, c’est qu’après lecture de la presse turque qui rend compte de ce concours, nous avons constaté que même celle dite “plus démocratique”, n’offre aucun recul, ni analyse sur le fusil dont le coup est parti. L’ennemi de mon ennemi… n’autorise pas pour nous à marcher dedans… ça peut porter malheur.
Pourtant, si vraiment la fibre poétique vous habite et que vous vouliez vous en servir pour “habiller” le Sultan, nous sommes preneurs par ailleurs.
Au Kedistan, nous avions par contre apprécié la vidéo du comédien Thomas Wiesel, vue près de 100 mille fois sur Facebook en une semaine. Alors les chats vous l’offrent en bonus, pour terminer sur une autre note..
“Je me suis acheté une caméra. Et j’ai même fait une tentative de montage pour rajouter 2–3 images. Tout ça pour me moquer du président turc qui aime pas qu’on se moque de lui. Merci de saluer cet effort, ne serait-ce que pour le gag des kebabs et des chiottes turques, et le fait que je me sois muni d’un accessoire pour me couvrir de ridicule à la fin.” dit Thomas, en publiant cette vidéo.
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L’image à la une : (fin mars 2010) Merkel offre à Erdogan son regard admiratif et une colombe de la Paix, confectionnée en papier par une petite fille de 9 ans. Quant à Erdogan, non, il ne récite pas un poème pour Angela, mais fait un discours comme d’habitude…