L’enquête sur l’assassinat du chroniqueur en chef du jour­nal Agos, Hrant Dink, con­duite par Gökalp Kökçü, Pro­cureur de République à Istan­bul, aboutit à des con­stats met­tant con­crète­ment à jour la respon­s­abil­ité de l’Etat.

Hrant, auteur et jour­nal­iste d’o­rig­ine arméni­enne, avait été assas­s­iné le 19 jan­vi­er 2007, par Ogün Samast, un nation­al­iste turc de 17 ans, orig­i­naire de Tra­b­zon, devant les locaux de son jour­nal Agos à Istanbul.

Depuis que le dossier avaient été pris en charge par le Pro­cureur Kökçü, les détails et les preuves ont été à nou­veau véri­fiées. Le bureau du pro­cureur ayant observé des man­ques a repris tous les élé­ments du dossier en profondeur.

Au moment où Hrant entre à la banque et celui où il quitte les lieux, man­quent les enreg­istrements des caméras de sécu­rité pour­tant exis­tantes. Le dossier con­tient pour­tant un doc­u­ment de reg­istre qui stip­ule que ces enreg­istrements ont été four­nis. Par ailleurs, les enreg­istrements télé­phoniques du Bureau des Ren­seigne­ments de la Direc­tion de la Sécu­rité, du 2007, l’année de l’assassinat et l’année précé­dente sont égale­ment absents du dossier, car ces don­nées ont été détru­ites en 2011 sur l’ordre de Ramazan Akyürek, alors directeur du bureau. Les recherch­es ont été ori­en­tées donc vers les sta­tions relais des réseaux mobiles.

Il a été décou­vert, que les antennes relais mobiles instal­lées autour du lieu du crime, le jour de l’assassinat, avaient été déplacées peu de temps après. Mal­gré ce déplace­ment  géo­graphique, les reg­istres des appels télé­phoniques ont pu être obtenus du TIB (La direc­tion de la télé­com­mu­ni­ca­tion) sur la demande offi­cielle du Procureur.

Selon les obser­va­tions, il a été con­staté que Ogün Samast, l’assassin de Hrant, avait effec­tué trois com­mu­ni­ca­tions télé­phoniques depuis une cab­ine proche des lieux, juste avant l’assassinat.

On con­state égale­ment une aug­men­ta­tion très impor­tante du nom­bre de com­mu­ni­ca­tions entre les unités de gen­darmeries et police d’Istanbul et de Tra­b­zon, après l’arrivée de Samast à Istan­bul. Or il s’agit d’u­nités qui n’ont aucun lien hiérar­chique ou géo­graphiques, ou opéra­tionnel, pour néces­siter ces com­mu­ni­ca­tion intens­es et par­fois de très longue durée.

Une par­tie de ces com­mu­ni­ca­tions on été effec­tuées via des lignes GSM. Une per­son­ne, dont les ini­tiales sont sig­nalées comme Z. I., qui fai­sait son ser­vice mil­i­taire à Tra­b­zon, avait acheté 180 lignes GSM et une par­tie de celles-ci avaient été dis­tribuées à des fonc­tion­naires et employés de ren­seigne­ments. Les appels de ces derniers, sont entrés dans les reg­istres télé­phoniques, car les employés util­i­saient les cartes GSM sur leur pro­pres appareils télé­phoniques en rem­plaçant momen­tané­ment leur carte SIM personnelle.

Lors des analy­ses com­para­t­ifs des reg­istres télé­phoniques et les enreg­istrements des caméras de sécu­rité, le bureau du Pro­cureur a observé que Samast (l’as­sas­sin) était suivi par 6 fonc­tion­naires de ren­seigne­ments en civ­il. Ils étaient sur les lieux de l’assassinat et ils tenaient Samast sous sur­veil­lance croisée. Un des fonc­tion­naires a déjà été iden­ti­fié ; il était alors, sous-offici­er au siège de la Gen­darmerie de la Ville d’Istanbul.

Suite à l’étude des reg­istres d’appels, le nom d’Erhan Tun­cel revient comme un des hommes clé. Erhan Tun­cel, bien que licen­cié par le Bureau de Ren­seigne­ments de Tra­b­zon le 23 novem­bre 2006, donc enreg­istré dans les doc­u­ments d’Etat “offi­cielle­ment” comme n’ayant plus de lien avec les ren­seigne­ments, a con­tin­ué à com­mu­ni­quer régulière­ment avec le Bureau de Ren­seigne­ments de Tra­b­zon. Jusqu’au jour de l’assassinat, 34 con­ver­sa­tions télé­phoniques ont été enregistrées.

Tout porte donc à croire que les ser­vices de ren­seigne­ments turcs n’ig­no­rait pas grand chose des pro­jets de l’as­sas­sin de Hrant Dink et qu’ils en furent témoin. De là à penser que la “cible” arrangeait bien des affaires, et que le “ren­seigne­ment” a lais­sé faire, nous nous per­me­t­tons de franchir le pas, les preuves devenant acca­blantes. La jus­tice ira-t-elle jusqu’au bout, à l’heure où l’E­tat pro­fond est au cen­tre de toutes les inter­ro­ga­tions sur les attentats ?

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