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Le per­son­nage de Brecht, issu de “la bête”, sem­ble se clon­er depuis plusieurs décen­nies. Bol­sonaro, Orban, Salvi­ni, Trump, Duterte, Erdoğan, la liste serait plus longue encore.

Et tous ont été, peu ou proue, désignés par le “peu­ple” à l’is­sue de proces­sus insti­tu­tion­nels élec­toraux dits “démoc­ra­tiques”, se déroulant sur fond de crise de con­fi­ance poli­tique, d’iné­gal­ités économiques fla­grantes, fac­teurs de bour­sou­flures pop­ulistes, et forte­ment iden­ti­taires. Dans cha­cun des cas, des boucs émis­saires ser­vent de gal­vanisa­teurs nation­al­istes, les dis­crim­i­na­tions aidant.

Les médias d’in­for­ma­tion et de diver­tisse­ment, qui ont, très sou­vent, été mis en coupe réglée par des groupes financiers, favor­ables aux affaires et au marché, suiv­ent ce mou­ve­ment, en même temps que se déverse, à vannes ouvertes, le meilleur et le pire, dans le grand monde numérique d’In­ter­net, lui organ­isé aujour­d’hui en silos, et dom­iné par des groupes hégé­moniques qui prospèrent avec les “infor­ma­tions et don­nées”, celles de leurs con­som­ma­teurs piégés. Le tuyau inter­net  est donc désor­mais pincé en de très mul­ti­ples endroits, et totale­ment colonisé par des coloss­es financiers propriétaires.

L’ap­par­ente lib­erté d’in­former des réseaux soci­aux n’est plus que le liant de la dés­in­for­ma­tion et des grandes ori­en­ta­tions du marché, tout comme les élec­tions insti­tu­tion­nelles sont les soupa­pes qui désamor­cent à inter­valle réguli­er les crises, ou leur don­nent une issue… Tou­jours pas de “grand com­plot”, ni de mar­i­on­net­tistes qui tir­eraient les ficelles, mais plutôt coag­u­la­tion d’in­térêts con­ver­gents dans un monde de pré­da­tion et d’ac­cu­mu­la­tion, selon la posi­tion où l’on se trouve.

La remon­tée des droites extrêmes, de “la bête”, dans cette fin de quart de siè­cle, avec ses aspects majeurs comme le racisme, la pho­bie du “grand rem­place­ment”, “la perte des valeurs”, est-elle dans un tel con­texte irréversible ?

Cer­tains analy­sent l’échec tout relatif du “trump­isme” comme une pos­si­ble résilience du cap­i­tal­isme libéral face à des forces et des choix poli­tiques obscu­ran­tistes qui le déséquili­br­eraient durable­ment et avec lui l’é­conomie mon­di­al­isée, la livrant ain­si aux rap­ports de forces sans “régu­la­tions” mul­ti­latérales. Autrement dit, la men­ace cli­ma­tique, ses déséquili­bres à court terme, les pandémies, les con­séquences économiques de la mon­di­al­i­sa­tion à marche for­cée et les nou­veaux rap­ports de forces créés, deman­dent, pour le “marché”, plus une régu­la­tion con­certée que des replis sou­verain­istes, fac­teurs d’af­fron­te­ments généralisés.

La con­cen­tra­tion du Cap­i­tal s’ac­com­mode mal du repli sur soi, puisqu’elle agit désor­mais mon­di­ale­ment, en exploitant les dif­féren­tiels de développe­ment à l’échelle de la planète. Un Trump n’a donc pas réus­si la greffe entre idéolo­gie lib­er­tari­enne et pop­ulisme fas­cisant de base. Un Bol­sonaro sem­ble lui aus­si devoir être rejeté à moyen terme, bien qu’il n’ait pas mis en oeu­vre l’idée d’un “Brésil first”, mais plutôt celle d’une ouver­ture au cap­i­taux à tous vents, (en par­ti­c­uli­er pour le busi­ness de l’a­groal­i­men­taire), pour le pil­lage des ressources, facil­ité par un gou­verne­ment cen­tral autoritaire.

L’idée de pouss­er les feux d’un cap­i­tal­isme sauvage, cha­cun chez soi, appuyé par des total­i­tarismes locaux en phase avec un nation­al­isme pop­u­laire exac­er­bé, se heurtera tou­jours à la mon­di­al­i­sa­tion de la finance, seule bouée de sauve­tage pour le main­tien des taux de prof­it, et qui fait fi des fron­tières. Ce n’é­tait pas encore totale­ment le cas à ce stade, au milieu du XXe siècle.

Tout se passe donc comme si ces pop­ulismes iden­ti­taires, “la bête”, étaient encour­agés, pour tou­jours mieux affirmer à côté le “there is no alter­na­tive” majori­taire, et décréter la “fin de l’his­toire”. On tolér­era ici et là quelques exem­ples de “con­tre démoc­ra­tie libérale”, idiots utiles du sys­tème, issues de poussées pop­ulistes. Reste à savoir si cela a à voir avec notre idée du fas­cisme d’antan.

A suiv­re…

 

Et, s’il vous reste un peu de temps, quelques images qui bougent

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Image : CC Lila Mon­tana pho­tographe jour­nal­iste solidaire

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…