Havrin Kha­laf avait 35 ans. Elle était kurde. Son engage­ment auprès des femmes dans le nord de la Syrie, au Roja­va, était con­stant. Des mer­ce­naires islamistes ont prof­ité de l’invasion turque pour l’assassiner dans des con­di­tions par­ti­c­ulière­ment atro­ces et dégradantes. Il s’agit d’un des nom­breux crimes de guerre qui accom­pa­g­nent l’attaque des forces turques et ses sup­plétifs dji­hadistes, dou­blé d’un fémini­cide avéré.

La poétesse Del­phine Durand a tenu à lui ren­dre hommage.

Requiem pour Havrin Khalaf

Tu as pris sur toi toutes les injus­tices. Le sang ne trou­ve asile que dans les dernières gouttes de lait du sein noir­ci des femmes yézi­dies. On peut se sur­vivre mal­gré tout. Sur la pho­togra­phie de ta mort qui cir­cule sur Inter­net c’est seule­ment le soleil qui s’enfuit. Et cha­cun glisse dans sa pro­pre ombre. Mourir sans hori­zon c’est brûler sans parole. A quoi pen­sais tu. Sous leurs pieds d’assassins tu fus cette lacéra­tion longue­ment clairon­née et il ne nous reste que l’impossible et le mal­heur. Ils s’amusaient à vis­er ton vis­age avec leur urine. La lie la plus abjecte. Ils cri­aient Pourquoi tu ne pries pas espèce de chienne ?

Havrin Kha­laf s’avance entre les miliciens

Je fus

CONTRE

Le temps blessé

La cohérence immo­bile du Coran

L’accompli et l’inaccompli

La flu­id­ité prim­i­tive des voiles

Capa­ble d’enfanter les tombes

Le lan­gage arraché à l’enfance

Le bâton de l’arrogance

Rem­plit l’illusion de la courbe

Je fus cette brume qui retombe

En cloche de sang

Sur la descen­dance du verbe

Le feu soutient

Cette herbe printanière

Sus­pendue au fil de l’aube

Le bour­reau qui tue pour manger

N’est pas plus méprisable

Que le religieux en carton-pâte

L’amant qui s’étend dans l’herbe

Pour rou­vrir au canif

D’anciennes cica­tri­ces

on ne recon­nait pas ton cadavre

Les caniveaux sont déjà rouges de sang

Les por­teurs de bombes

Tour­nent tou­jours le dos

Au print­emps

C’est là que tu bois

Assoif­fée

Cette eau qui brille

Moins haut que ta clarté

Sortez les triques

Et les bâtons

Pour ce président

Prox­énète

Larbin

eunuque

Ser­pent

Vau­tour

Elu du feu

Tu décharges les pis­to­lets de la lune

Et ta cervelle s’étale

Sur le parvis des mosquées

La mort crève ta poitrine

Comme une fleur

Silence on tue

Les yeux purs

De l’implacable angoisse

Les assas­sins cri­ent et jet­tent de l’essence sur le corps mutilé d’Havrin Khalaf

Le vent me boit avec les lèvres de l’été

D’improbables mains se dis­putent mes cendres

Les mots s’échappent en pous­sant des cris

Mon corps est fumée

Mon corps est papier

Matière indif­férente qui brille

Nul ne me connait

Nul ne me regarde

Je viens vers toi avec

Les mots inintelligibles

D’un enfant mort de peur

Avec des mots tremblants

Comme des papil­lons d’or

Je chanterai dans toutes les branch­es du matin

Et ma mère me disait

Cache bien ton sang

Tes cuiss­es poussent leur profondeur

Les cuiss­es des femmes sont comme les montagnes

Elles n’ont pas d’amis

Le miel du tour­men­té y taille sa prière

Voilà pourquoi je te regarde au fond des yeux


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