Il y a des révo­lu­tions dont on par­le peu. En général, ce sont celles qui marchent. Au sens pro­pre comme au fig­uré. L’année dernière, l’Arménie accueil­lait le print­emps avec l’espoir d’un change­ment. Révo­lu­tion de velours. Velours comme “Nous sommes nos mon­tagnes“, court-métrage d’Arnaud Khayadjanian.

Révo­lu­tion. En avril dernier, en Arménie, sans vio­lence, des mil­liers de per­son­nes descen­dent dans la rue pour deman­der la démis­sion du prési­dent Serge Sarkiss­ian. Velours. Plusieurs semaines de douce révolte, inter­rompues seule­ment le 24 avril par la com­mé­mora­tion du géno­cide. Début mai, le prési­dent laisse sa place à Nikol Pachin­ian, incar­na­tion du mou­ve­ment d’opposition.

Mais il y a, en Arménie aus­si, une guerre dont on ne par­le pas. Celle qui oppose le pays à l’Azerbaïjan. Un con­flit mécon­nu, appelé du nom de la province que se dis­putent les deux par­ties, le Nagorno-Karabakh. Ou Artsakh.

C’est là qu’Arnaud Khayad­jan­ian tourne “Nous sommes nos mon­tagnes”. Un court-métrage fait de ren­con­tres et de poésie. Le réal­isa­teur pose sa caméra. Les témoins posent devant l’objectif. Der­rière, les mon­tagnes de cette région meur­tries, impas­si­bles. En off, la voix de celles et ceux qui les habitent. Et qui racon­tent leurs espoirs, leurs sou­venirs, leurs luttes.

Il suf­fi­rait que la paix soit durable pour que nous soyons heureux.

On ne voit pas la guerre, dans ce film. On n’en par­le à peine. On sait qu’elle est là quand même, mais les dig­nités humaines que filme Arnaud Khayad­jan­ian ne dis­ent que la paix, l’art et la liberté.

Il existe mille façons de se bat­tre et d’exister à sa manière, dans ce ter­ri­toire en guerre.

Le soin, les armes, la danse, la poésie, le judo, la foi, la musique, sont autant de petites com­bats, d’espace où celles et ceux qui témoignent vivent libres et arrachent au monde le droit d’exister. Et d’exister ici, dans ces mon­tagnes, parce que “par­tir serait trop facile”.

Et parce qu’on ressem­ble à l’endroit d’où l’on vient, tous et toutes ont en eux la force des mon­tagnes. Des con­vic­tions ancrées aux som­mets. Des paroles puis­santes et un espoir inaltérable.

Le poète dit : “l’écriture est tel un tor­rent qui prend nais­sance dans les mon­tagnes. Telle l’éclosion d’une fleur sur une terre rocheuse”. La jeune judo­ka dit : “j’ai choisi le judo pour me bat­tre à ma façon”. Le choré­graphe, la sniper, la min­istre de la cul­ture, la tra­vailleuse human­i­taire affir­ment, nous regar­dant dans les yeux, que “la lib­erté indi­vidu­elle est la con­di­tion d’un état libre”. Et que s’il n’y a pas de lib­erté, il n’y a pas d’existence. Mal­gré la peur, les inter­dits, le dan­ger, la mort.

Ils et elles lut­tent en créant.

Parce que la poésie réveille l’humanité.

C’est un court film. Un con­cen­tré d’humanités debout. Une ode à la résilience, et à la résis­tance. À la créa­tion, à l’art, aux femmes aus­si. Aux paysages humains qu’il reste à arpen­ter en direc­tion d’un monde habitable.

Arnaud Khayad­jan­ian a aus­si réal­isé Les chemins arides, à retrou­ver sur bed.bzh aux côtés de nom­breuses pépites doc­u­men­taires sur les peu­ples du Cau­case.

Et ce titre, “Nous sommes nos mon­tagnes”, offre aus­si un bel écho aux courts man­i­festes de Kevin Pap­atie, à retrou­ver ici chroniqués dans l’espace ciné­ma de Kedis­tan.

film nous sommes nos montagnes


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