“La Turquie d’Erdoğan n’est pas celle de Kemal”. Ainsi a parlé votre Zarathoustra français devant ses ambassadeurs en réunion.
Ses conseillerEs, visiblement, ne sont pas alléEs très loin pour broder la formule.
Encore un qui rabâche la doxa de “la République si belle d’avant et qui fout le camp”. Et c’est sur cette base là qu’il a ajouté “les mesures prises chaque jour s’éloignent de nos valeurs”, pour en arriver à une nécessité de “réorienter les négociations d’adhésion” vers un “partenariat stratégique” avec la Russie et la Turquie, pour les “arrimer” à l’Europe.
Au passage, il a dit quelques mots qui devraient, n’en doutons pas, faire réagir notre Reis.
Il a défini son projet de 2023 (date du centenaire de la République) comme “pan-islamique”, et donc non compatible avec la belle UE. De quoi intervenir par avance dans la rencontre que la chancelière allemande aura avec le Reis en septembre.
Votre Monsieur “en même temps” a donc dit plein de choses et leurs contraires, et somme toute repris ce qui se dit sur la Turquie dans toutes les chancelleries occidentales “Dommage qu’elle ne soit pas restée une République musulmano compatible, pour l’exemple”. C’est le résultat du passage des socialos-libéraux compatibles français à Ankara. Et d’ailleurs, il est un “spécialiste” français de la Turquie et de sa démocratie, au nom qui pétille et dont je ne me souviens plus, à Istanbul, qui ne cesse de défendre cette vision là…
Entre le macaron et le baklawa il y aurait donc aujourd’hui des ingrédients devenus incompatibles. Le miel aurait disparu. En même temps, le “partenariat stratégique dans la mondialisation contemporaine” s’exerce déjà sur le nucléaire, où la question des “valeurs” et de“l’écologie” n’a pas l’air de déranger les affaires.
Mais je voudrais revenir sur la doxa diplomatique à propos de la Turquie, contenue dans les quelques mots prononcés ce matin.
Epargnons nous le bla bla sur les Peuples de la région dont l’histoire est dans l’Europe. Les Arméniens ne s’en souviennent que trop. Tous les Peuples du territoire de Turquie et du Moyen-Orient se souviennent aussi des ambitions européennes de cette époque là, où il n’était guère question d’arrimer, mais de coloniser…
Et le Reis actuel en tire toujours argument, pour jouer les Don Quichotte contre les “ennemis extérieurs de la Turquie”, et rappeler la “libération nationale”. Il avait mis ça sous le voile au début des années 2000, et relancé le “processus d’adhésion”, mais votre Sarkozy était passé par là. On dirait que le macaron a enfourché ce matin “en même temps” le vieux cheval et celui des “affaires à faire stratégiques”. Pas en Lira, forcément.
Oui, l’histoire de la Turquie est bien en grande partie européenne, si on regarde le modèle d’Etat-nation que les traités du début du XXe siècle ont imposé ici. Oui, le nationalisme exclusif mâtiné de ciment musulman obligatoire découle bien de la mise en place de ce modèle politique.
Mais contrairement à la doxa diplomatique, qui semble regretter le père de la République, il faudrait peut être voir que ce modèle, “en même temps” qu’il a adopté le capitalisme libéral, s’est renforcé plus qu’il ne s’est délité. Et la Turquie d’Erdogan est la continuité de celle de Kemal, n’en déplaise à l’Europe macronienne.
Et c’est justement pour cela qu’il y a un “problème turc”, une “question turque”, et non kurde, arménienne, ou autres minorités.
Ce que le macaron propose à la Turquie, c’est de continuer toute seule dans sa “souveraineté” ou avec la Russie, mais de ne pas oublier les affaires et les échanges “stratégiques” en cours, dans la “mondialisation contemporaine”. Il a de ces mots, votre Président !
Gageons que le nôtre va vociférer demain “Ô Macrrroooon qu’est-ce que tu y connais toi, à mon baklawa de 2023 ?”. Le général Le Drian sera-t-il à la hauteur d’un Cambronne pour lui répondre ?