Les élec­tions anticipées en Turquie furent annon­cées à la crête d’une vague mil­i­tariste et nation­al­iste qui par­courait le pays, suite à l’ini­tia­tive de purifi­ca­tion eth­nique entre­prise par le régime turc, en appui sur la prise d’Afrin, en Syrie.

Rap­pelons-nous que les regards de la dite “com­mu­nauté inter­na­tionale”, et de ses “coali­tions vari­ables con­tre Daech”, s’é­taient tous détournés soudain, en direc­tion de la Mecque ou pas.

Cette atti­tude fai­sait suite aux accords dits de “dés­escalade”, négo­ciés entre les représen­tants russ­es, ceux du régime Bachar, les Iraniens et les dirigeants turcs, la reprise de la Goutha, et l’an­nonce d’un volte face améri­cain sur Man­bij, retweeté depuis. Ce fut le feu vert pour l’of­fen­sive con­jointe et com­mune entre dji­hadistes syriens et forces turques, con­tre Afrîn, puis les déplace­ments “libres” de l’ar­mée syri­enne dji­hadiste, avec l’ap­pui turc.
Une pan­talon­ade mil­i­taire française, con­cer­nant un effec­tif à déplac­er, de ser­vices spé­ci­aux, ajou­ta un temps à la con­fu­sion, même si on doit recon­naître qu’il s’agis­sait là d’une ten­ta­tive pour le prési­dent français et son général Le Dri­an pour retrou­ver un strapon­tin diplo­ma­tique per­du. Les suites se perdirent dans les grains de sable diplomatiques.

Les “Nous ne per­me­t­trons pas”, qui lais­sèrent place à la “légitim­ité de défendre les fron­tières con­tre le ter­ror­isme”, puis “la néces­sité d’a­gir avec mod­éra­tion pour les bel­ligérants” ont depuis fait place au silence, aux exac­tions et meurtres, et à une vague promesse humanitaire.

Dans ce laps de temps, bien que fort occupé en interne par la mise en place d’une ten­ta­tive de plébiscite élec­toral qui tourne aujour­d’hui au jeu de hasard, le régime Erdoğan, avec con­stance, con­tin­u­ait et ren­forçait men­aces et incur­sions vers Sind­jar (Irak), et util­i­sait les bom­barde­ments aériens con­tre la zone de Qandil, dont nous con­nais­sons l’im­por­tance stratégique et poli­tique pour le mou­ve­ment de libéra­tion kurde.

Depuis quelques jours, c’est une promesse publique de “pour­suiv­re jusqu’au dernier ter­ror­iste” qui de meet­ings en con­férences de presse, est proférée par l’au­to­crate d’Ankara.

Quelques extraits  de ces derniers jours, abon­dam­ment repris par la presse aux ordres :

Les Forces armées turques ont frap­pé les cibles de l’organisation ter­ror­iste séparatiste PKK à Qandil en Irak. Ce n’étaient pas de sim­ples cibles. Sind­jar est comme Qandil. Nous pou­vons lancer une opéra­tion antiter­ror­iste à Sind­jar à tout moment.

L’opération lancée à Afrine, en Syrie, con­tre le PKK/PYD-YPG et Daesh, con­tin­ue. Jusqu’à présent, plus de 4.600 ter­ror­istes ont été neu­tral­isés. Nous allons les pour­suiv­re jusqu’au dernier terroriste.”

Nous avons égale­ment mené nos opéra­tions à Afrine et Jer­ablus. Les réfugiés ont com­mencé à retourn­er sur ces ter­res d’une super­fi­cie de 4.000 km². Près de 200.000 réfugiés sont retournés sur leurs ter­res jusqu’à présent. Inshal­lah il y en aura bien plus

S’ag­it-il à nou­veau d’une stratégie de ten­sion mise en place au coeur des élec­tions où ses pro­pres sondages lui prédis­ent de trébuch­er au 1er tour, voire de per­dre sa majorité absolue ? S’ag­it-il de met­tre dans l’embarras son prin­ci­pal adver­saire kémal­iste, qui, avant le déclenche­ment du proces­sus élec­toral, soute­nait “la défense des fron­tières pour l’u­nité nationale” ?
Il y a sans doute de cela à très court terme, élec­torale­ment parlant.

Mais lever le nez un peu plus haut que l’urne, et s’in­téress­er aux revire­ments inces­sants en apparence, de l’im­péri­al­isme améri­cain en Syrie et dans la région, per­met d’avoir quelques éclair­cisse­ments sup­plé­men­taires, et de prévoir des suites moins électorales.

Ecou­tons encore les pro­pos d’Er­doğan, qui révè­lent des “dis­cus­sions” en cours.

A pro­pos de “la reprise des armes livrées aux ter­ror­istes et le retrait de ceux-ci de Man­bij

Je ne sais pas com­bi­en les respon­s­ables améri­cains sont sincères. Ils (les Etats-Unis) l’avaient déjà dit aupar­a­vant. Main­tenant nous allons voir. Des durées ont été fixées. Nous allons com­pren­dre s’ils sont sincères ou non, si les ter­ror­istes se retirent à l’est de l’Euphrate.

Après le retrait du PYD-YPG, les Arabes vont retourn­er chez eux. Nous allons déter­min­er les démarch­es con­jointes qui seront entre­pris­es par la suite. Pour le moment, les dis­cus­sions se poursuivent.”

Et d’a­jouter sur un sujet annexe :

Ils ont un engage­ment con­cer­nant les F‑35, car nous avons payé 800 mil­lions de dol­lars con­for­mé­ment à notre accord. S’ils ne tien­nent pas leurs engage­ments, nous aurons recours au droit international.”

Et, con­cer­nant “l’a­mi Poutine” :

Nous n’allons tout de même pas laiss­er les S‑400 dans un dépôt. Le temps voulu, nous les utilis­erons. Ce sont des sys­tèmes de défense. Qu’allons-nous faire avec ces sys­tèmes, si nous ne les util­isons pas ? Allons-nous être dépen­dants de nou­veau des Etats-Unis ? Chaque fois que nous leur avons demandé, et ce depuis des années, ils nous ont don­né cette réponse : le con­grès (améri­cain) ne l’autorise pas. Nous en avons assez !

La Russie a fait une bonne offre et elle avait même pro­posé une pro­duc­tion con­jointe, ain­si que des con­di­tions de paiement adéquates…”

Lorsque la diplo­matie améri­caine assure qu’un accord peut être trou­vé avec la Turquie pour “sécuris­er” la région et que cet accord per­me­t­trait leur retrait de Man­bij à moyen terme, et un rôle pour la Turquie dans l’étab­lisse­ment d’une ges­tion arabe à Man­bij, on a la ver­sion complète.

Des bruits de chars et de bombes à la fron­tière iraki­enne, il n’en est pas ques­tion. Et Erdoğan assure qu’il peut avec son deux­ième fer au feu, en par­ler avec les Iraniens.

C’est, à n’en pas douter, une pour­suite et une accen­tu­a­tion des guer­res locales qui se pro­fi­lent, avec le mou­ve­ment poli­tique kurde en ligne de mire, comme pré­texte tout trouvé.

L’op­po­si­tion démoc­ra­tique en Turquie, empêchée matérielle­ment de men­er une réelle cam­pagne poli­tique, ne se trompe pas en appelant à un vote pour la Paix, une fois de plus, tout en se pré­parant au pire.
Ce pire a de nom­breuses raisons de sur­gir, même et surtout si Erdoğan trébuche aux élec­tions.

Si plus de la moitié de la Turquie, pour des raisons et moti­va­tions con­tra­dic­toires, appelle au départ du Reis, com­bi­en sont pré­parés à un dur­cisse­ment plus grand encore, à une polar­i­sa­tion vio­lente ? Et, dans le cas aujour­d’hui plau­si­ble d’une défaite élec­torale majeure, même en cas de ré-élec­tion de deux­ième tour à l’ar­raché, quelles forces pop­u­laires et/ou poli­tiques sont pré­parées pour la rue ?

Ce qui peut se dérouler en juil­let sera déter­miné une fois de plus par l’en­vi­ron­nement région­al des guer­res en cours et le désir de paix des pop­u­la­tions, dans un sens ou l’autre.
Erdoğan a pro­posé sa réponse : c’est “si tu veux la paix, pré­pare la guerre, et mène là con­tre l’ex­térieur”.
Quelle réponse à cela fer­ont les pop­u­la­tions de Turquie… et seront-elles capa­bles de sursaut ?

Une fois de plus, la promesse des obus de morti­er pèsera dans l’urne ce 24 juin.


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…