Aslı Erdoğan Necmiye Alpay sont libérées jusqu’au début jan­vi­er 2017 (prochaine audi­ence le 2). Le tri­bunal vient d’en décider. Rap­pelons nous toute­fois que lors de la dernière audi­ence, une autre déci­sion avait annulé la libéra­tion… A suiv­re donc avec atten­tion, même si nos amis dans la salle con­fir­ment le ren­du de décision.

Selon le TGC, (Türkiye Gazete­cil­er Cemiyeti) Asso­ci­a­tion des jour­nal­istes de Turquie, actuelle­ment 148 jour­nal­istes sont en prison et il est qua­si impos­si­ble d’es­timer le nom­bre de jour­nal­istes se trou­vant traînés devant un Tribunal.

P24, la plate­forme qui recense les jour­nal­istes et met à jour cette liste régulière­ment, annonce égale­ment le même chiffre. (Liste du 26 décem­bre). Des cen­taines d’en­tre eux/elles sont pour­suiv­iEs pour divers motifs, dans un large éven­tail, d’in­jures à l’E­tat ou aux fonc­tion­naires d’E­tat, par­ti­c­ulière­ment au Prési­dent, jusqu’au ter­ror­isme, espi­onnage et trahi­son envers “la Patrie”.

L’au­teure Aslı Erdoğan, la lin­guiste Necmiye Alpay, les jour­nal­istes et respon­s­ables du journal Özgür Gün­dem, (inter­dit et fer­mé le 16 août), Inan Kızılka­ya et Zana Kaya, sont en déten­tion préventive. 

Dans ce procès inti­t­ulé “Procès Özgür Gün­dem” sont jugéEs en lib­erté égale­ment Eren Keskin, avo­cate et vice-prési­dente de l’Association turque des droits de l’homme (İHD), mais aus­si, Fil­iz Koçali, femme poli­tique, fémin­iste et jour­nal­iste, Ragıp Zarakolu, mil­i­tant des droits de l’homme et édi­teur, Kemal Sancılı ancien directeur d’édi­tion d’Özgür Gün­dem et Bilge (Oykut) Con­te­pe, mil­i­tante écol­o­giste. Ces neuf per­son­nes sont accusées d’in­tel­li­gence avec le ter­ror­isme et pour cer­tainEs d’en­tre eux, ils risquent la prison à vie pour leurs activ­ités de jour­nal­iste et d’auteurE. 

Leur crime : avoir mil­ité pour la Paix.

Aslı, s’ex­pri­mait dans une let­tre à la veille du procès :

Le 29 nous avons notre procès. C’est la pre­mière fois que je me trou­ve devant  le tri­bunal, et jugée pour qua­tre mots, je risque la perpétuité.

Même s’il est petit, j’ai un espoir sur le fait que le non-Droit qui a per­duré jusqu’au­jour­d’hui pren­dra fin. Mais comme tout le monde le sait, c’est le procès d’un proces­sus poli­tique, une céré­monie pour brûler des sor­cières… Mal­gré cela, il n’est pas pos­si­ble de ne pas espérer. 

Encore mer­ci à toutes celles et tous ceux qui nous ont soutenu, et qui restent sol­idaires. Je les salue et j’en­voie mes ami­tiés. Si on arrive à sor­tir de ce trou, ce sera grâce à vous.”

 

 

Le Procès se déroulait donc aujour­d’hui au Palais de Jus­tice de Çağlayan à Istan­bul der­rière un cor­don de policiers. De nom­breuses per­son­nal­ités, groupes de sou­tien, organ­i­sa­tions de société civile étaient présents ain­si que des délé­ga­tions étrangères, venues d’Alle­magne et de France, et qui s’é­taient joint à eux. Par­mi elles, des amis de la délé­ga­tion par­tie de France, et d’autres qui les ont ren­for­cé sur place. Cer­tainEs d’en­tre eux ont pu pénétr­er dans la salle…

Avant le procès, une con­férence de presse s’est tenue devant le Palais de Jus­tice, dans un froid intense.

La salle réservée à ce procès devenu emblé­ma­tique, étant trop restreinte pour que tout le monde puisse suiv­re l’au­di­ence, les avo­cats avaient sol­lic­ité le Tri­bunal préal­able­ment pour obtenir une plus grande salle, mais leur demande avait été rejetée.

Beau­coup d’au­ditri­ces et audi­teurs sont donc restés dehors, y com­pris des jour­nal­istes. Protestations.…

Il y a du retard… car Zana Kaya et Inan Kızılka­ya (édi­teurs d’Özgür Gün­dem) incar­cérés à la prison de Silivri, ont été atten­dus, mais n’ont pas été finale­ment amenés au tri­bunal pour “véhicules et fonc­tion­naires insuff­isants” !

L’av­o­cate Eren Keskin, com­para­it libre et elle est présente à la salle d’au­di­ence. Quant à aux autres accuséEs : Fil­iz Koçali, Ragıp Zarakolu sont actuelle­ment à l’é­tranger. Nous n’avons pas de nou­velles de la sit­u­a­tion de Kemal Sancılı. Bilge (Oykut) Con­te­pe est en Turquie et sera bien­tôt interrogée.

L’au­di­ence com­mence donc avec 1h30 de retard.

Et ça com­mence bien. Alors que le Code pénal turc ne lim­ite pas la représen­ta­tion de l’ac­cusé pour sa défense, le tri­bunal pré­texte un décret pro­mul­gué sous état d’ur­gence, et décide de lim­iter le nom­bre d’av­o­cats à trois.

Nous résumons en quelques phrases…

Extraits de la défense d’Aslı

Je vais m’ex­primer comme si le Droit existait…”

Je ne vais pas expli­quer le Droit à tous ces juristes qui rem­plis­sent la salle. Défendre la jus­tice est votre devoir.”

Je suis passée dans l’His­toire en tant que pre­mière femme lit­téraire jugée pour la per­pé­tu­ité, dans notre siècle.”

Comme il ne peut exis­ter de jus­tice sans con­science, la lit­téra­ture ne peut pas être non plus sans conscience.”

Je n’ai jamais enten­du par­ler de quelqu’un qui entre dans une organ­i­sa­tion armée après avoir tra­vail­lé comme auteur pen­dant 30 ans.”

Si comme le Pro­cureur le pré­tend, j’ai rejoint le KCK parce que j’ai par­lé d’un mem­bre de KCK, il y a davan­tage “d’or­ga” dont je fais partie.”

J’ai écrit les his­toires des vic­times sans me préoc­cu­per des assaillants.”

Ceux qui m’at­tribuent ce crime, sont ceux qui pensent avoir décou­vert le trou noir, sans même voir le sys­tème solaire.”

A ce moment là, le juge, inter­rompt la défense et s’adresse à des avo­cats restés debout. “Je ne veux voir per­son­ne debout !”. Les avo­cats con­tes­tent. “Dehors ! Sortez les !” crie le Juge, “J’ar­rêterai l’au­di­ence, je la reporterai à un autre jour !”

Suite à ces paroles, à part les 3 avo­cats “autorisés”, les autres sont sor­tis de la salle, fer­mée par des policiers qui blo­quent l’entrée

Aslı con­tin­ue : “Si la Turquie n’a pas honte du fait qu’une lit­téraire subisse un inter­roga­toire entre des gen­darmes, cela veut dire qu’elle n’a pas com­pris une chose fon­da­men­tale : se regarder dans la glace.”

Ma présence dans le groupe de con­seillers est un acte de sol­i­dar­ité. Ce con­seil n’a pas de respon­s­abil­ité légale, mais je suis respon­s­able de ce que j’écris.”

Özgür Gün­dem était impor­tant pour que les Kur­des dis­posent d’un moyen d’expression.”

Extraits de la défense de Necmiye Alpay

J’ai défendu la lib­erté d’in­former d’un jour­nal. C’est pour cela que j’ai été ‘rédac­trice en chef de garde’ et que j’ai fait par­tie du groupe des conseillers.”

Necmiye fait référence à la cita­tion attribuée à Voltaire et s’adresse aux juges : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me bat­trai pour que vous puissiez le dire.”

Je ne suis pas la respon­s­able légale du jour­nal et je ne défi­nis pas sa poli­tique édi­to­ri­ale. Je n’ai don­né aucun ordre et je n’ai pris d’or­dre de personne.”

Le réquisi­toire présen­té, ne fait pas le lien entre l’or­gan­i­sa­tion, le jour­nal et les accusés.”

 ‘ai appris que mon nom était cité dans l’en­quête par la presse. Je suis venue de mon pro­pre gré pour l’in­ter­roga­toire. Or, je me suis faite arrêter pour ‘sus­pi­cion de fuite’.”

Extraits de la défense d’Eren Keskin

Eren est avo­cate et prési­dente de l’As­so­ci­a­tion des Droits de l’Homme — IHD

Ils m’ont appelée pour m’an­non­cer que Özgür Gün­dem allait de nou­veau paraitre”

C’é­tait la péri­ode du ‘proces­sus de réso­lu­tion’. J’ai accep­té d’être conseillère.”

Je suis per­son­nelle­ment, une défenseure des droits de l’homme et je défends des solu­tions ‘sans armes’.”

Ceux qui défend­ent la lib­erté de pen­sée sont jugés ici, pour être mem­bres d’or­gan­i­sa­tion armée. C’est une chose inconcevable.”


Ce procès en sor­cel­lerie est une par­o­die de jus­tice, et il ne pou­vait en être autrement, alors que le gou­verne­ment turc a embastil­lé de nom­breux juges et juristes, et pro­mul­gué des décrets sous état d’ur­gence, restreignant les pos­si­bil­ités de défense.

Mais si vous êtes sur cette page à lire ce compte ren­du lap­idaire, c’est aus­si parce que vous savez-vous même que la déci­sion finale n’ap­par­tien­dra pas aux “juges”, mais à celui pour lequel ils offi­cient aujour­d’hui. Et le jour où un “accord” entre Erdoğan et la Russie inter­vient pour la Syrie, on pour­rait espér­er que médi­a­tique­ment le cynisme du bon­homme irait jusqu’à ne pas vouloir ternir son annonce…

14h35 : Le Pro­cureur dans son inter­ven­tion a demandé la libéra­tion pro­vi­soire en vue de la pour­suite du procès. La déci­sion est imminente.

14h45 : Le tri­bunal a suivi la réquisition.

Décision :

Libéra­tion pro­vi­soire pour Aslı Erdoğan, Necmiye Alpay et Zana Kaya. Inan Kızılka­ya reste mal­heureuse­ment en détention…
*Si ce procès inique se pour­suiv­ra, com­ment, à quelles dates, sur quels dossiers… Nous fer­ons un addi­tif à cet article.

Mais un grand soulage­ment pour tous… A suiv­re… Il en reste des mil­liers à sor­tir des geôles turques ! Et l’au­di­ence du 2 jan­vi­er peut réserv­er des coups tordus…

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