Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, présen­tées par Ron­ahi TV, un retour sur la semaine du 3 décem­bre au 10 décem­bre 2016. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trou­verez ici, chaque semaine.

Vidéo et texte en français

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Les gros titres :

  • RAQQA • Début de la deux­ième phase des opérations
  • BATAILLE D’ALEP • Appel du crois­sant rouge kurde- HEYVA SOR
  • ALEP • Les loups gris et le MIT à ŞEYH XIDIR
  • ROJAVA — SYRIE du Nord • L’invasion turque se poursuit
  • TURQUIE • Les purges continuent
  • QU’EST CE QUE LE DBP ? • Bilan
  • WIKILEAKS • La famille du prési­dent, le pét­role et Daesh
  • DEMIRTAŞ ET YUKSEKDAG • Compte ren­du des procès
  • PARLEMENT EUROPÉEN • 13ème Con­férence Inter­na­tionale « EU, Turquie et Kurdes »
  • LIBERTÉ DE LA PRESSE • Rien n’est acquis

 


RAQQA
DÉBUT DE LA DEUXIÈME PHASE DES OPÉRATIONS

L’opération « colère de l’Euphrate » vise à libér­er la ville de Raqqa, le siège du Daesh en Syrie.

La pre­mière phase des opéra­tions mil­i­taires s’était ter­minée avec suc­cès : 700 kilo­mètres car­rés avaient été libérés au nord de la ville. Main­tenant, les forces démoc­ra­tiques syri­ennes vont s’attaquer au flanc ouest de la ville.
Pour libér­er la ville de Raqqa, les con­signes du com­man­de­ment des forces démoc­ra­tiques syri­ennes sont claires : il faut absol­u­ment tout met­tre en œuvre pour pro­téger la vie des civils. C’est la rai­son pour laque­lle des couloirs sécurisés ont été aménagés.
Par­mi les troupes qui vont libér­er la ville, il y a notam­ment 1150 com­bat­tants arabes de la ville de Raqqa, qui vien­nent libér­er leur pro­pre ville.
Ces com­bat­tants sont entrainés par les forces de la coali­tion. Il y aura égale­ment les forces du con­seil mil­i­taire de Der Azzor, les forces du tey­yar el-Xed el suriye el Nuxbe ain­si que la nou­velle brigade du Thuwar al Raqqa.
Les forces de la coali­tion par­ticiper­ont égale­ment à cette deux­ième phase de l’opération « colère de l’Euphrate ». Il faut dire que Raqqa sert de base arrière à tous les groupes qui vien­nent aus­si en Europe per­pétr­er des atten­tats. C’est ain­si que le com­man­di­taire de l’attaque sur Char­lie Heb­do, Abu Bakr Al Hakim, qui a coor­don­né l’attaque des frères Kouachi, vient d’être tué par un drone ce 26 novem­bre, à Raqqa.
Une fois la ville de Raqqa libérée du Daesh, ce sera la pop­u­la­tion locale qui pren­dra entière­ment en charge la ges­tion et l’administration

BATAILLE D’ALEP
APPEL DU CROISSANT ROUGE KURDE- HEYVA SOR

La bataille d’Alep se pour­suit. Les forces du régime ont presque entière­ment repris l’est de la ville aux ban­des armées. Les com­bats ont poussé des mil­liers de réfugiés à rejoin­dre le quarti­er kurde de cheikh Maq­soud. La sit­u­a­tion que vivent de nom­breux malades et blessés est dramatique.
Il y a déjà plusieurs dizaines de mil­liers de civils en prove­nance des quartiers est d’Alep qui ont réus­si à pass­er vers le quarti­er de cheikh Maq­soud pour y trou­ver un refuge. Afin de faciliter leur pas­sage, les com­bat­tants des unités YPG et YPJ ont ouvert des cor­ri­dors sécurisés. Plusieurs quartiers d’Alep est ont aus­si été libérés par les unités YPG, notam­ment ceux de Bus­tan al Pasha, de Al Hel­lok, de Bedin, de Sheikh Faris et de Sheikh Kider
Le doc­teur Mihemed Sile­man, du crois­sant rouge kurde Hey­va sor a dénom­bré plus de 3.000 réfugiés qui ont besoin d’une aide médi­cale urgente. Quand ils arrivent, ces réfugiés sont affamés, ils ont soif et ils ont froid.
Les risques de com­pli­ca­tion de leur état de san­té sont élevés, par­ti­c­ulière­ment en ce qui con­cerne les pneu­monies, les diar­rhées et l’anémie.

Dans les quartiers libérés d’Alep-est, une cen­taine d’habitants ont immé­di­ate­ment demandé à inté­gr­er la police asay­ish afin de pro­téger leurs quartiers des attaques de la coali­tion nationale syrienne.
Dès dimanche dernier, plusieurs cen­taines d’habitants qui s’étaient réfugiés à Cheikh Maq­soud ont égale­ment prof­ité de la libéra­tion de leurs quartiers par les YPG pour immé­di­ate­ment ren­tr­er chez eux.

ALEP
LES LOUPS GRIS ET LE MIT À ŞEYH XIDIR

En ouvrant un cor­ri­dor à tra­vers le quarti­er de Şeyh Xidir pour per­me­t­tre aux civils de fuir, les com­bat­tants kur­des des unités YPG ont décou­vert une école qui ser­vait de quarti­er général aux respon­s­ables du MIT, les ser­vices secrets turcs, et aux loups gris, ces mil­i­tants ultra­na­tion­al­istes de Turquie.
Les com­bat­tants kur­des font de sur­prenantes décou­vertes. En plus des lieux où s’entassent des objets qui ont été pil­lés par les ban­des armées, les com­bat­tants ont aus­si décou­vert dans l’école pri­maire de Şeyh Xidir un quarti­er général du MIT.
 
Cette école a été choisie à cause de sa sit­u­a­tion géo­graphique : elle se trou­ve dans un quarti­er où vivent de nom­breux turk­mènes d’Alep. Sur les murs de l’école, des dra­peaux – ceux de la fon­da­tion des loups gris pour la cul­ture et l’éducation ou de l’association de sol­i­dar­ité et d’aide pour les Turk­mènes de Syrie- mon­trent com­ment l’aide human­i­taire et la cul­ture sont de bonnes excus­es pour sub­venir aux besoins en armes des troupes soutenues par la Turquie à Alep.
Par­mi ces ban­des de pilleurs et d’assassins qui tra­vail­lent pour le compte de la Turquie à Alep, on retrou­ve indiqués sur les murs de l’école les noms de la kat­i­ba Muhammed Fatih, de la kat­i­ba Ömer Muhtar, mais aus­si des ban­des Liwa Taw­id et Sul­tan Murad. Les com­man­dants de la brigade Sul­tan Murad sont bien con­nus : il s’agit de Seyf Ebu Bekir Polat, de Osman Sal­ih et de Fehim Isa, tous trois attachés au MIT.

Dans un autre bâti­ment, les unités kur­des ont décou­vert un ate­lier de fab­ri­ca­tion d’armes chim­iques et d’explosifs qui était util­isé par les ban­des armées du Con­seil nation­al syrien. 
Dans cet ate­lier, un dra­peau de la fédéra­tion des Turcs de Suisse pour aider les Turk­mènes rap­pelle aus­si à quoi peut servir l’aide humanitaire.
Muhamad Sheikho, le co-prési­dent du TEV­dem à Sheikh Maq­soud appelle la com­mu­nauté inter­na­tionale à sanc­tion­ner ceux qui per­me­t­tent des crimes con­tre l’humanité à Alep. Il accuse aus­si les autorités européennes qui tolèrent que les asso­ci­a­tions turques de char­ité en Europe puis­sent fournir ain­si en pro­duits chim­iques les ban­des crim­inelles d’alep.

ROJAVA ‑SYRIE DU NORD
L’INVASION TURQUE SE POURSUIT

Dans le nord de la Syrie, les forces armées turques pour­suiv­ent leur pro­jet d’invasion. Aucune règle n’est respec­tée. Les bom­bardiers turcs lan­cent des bombes au phos­pho­re, pour­tant inter­dites par la con­ven­tion de Genève sur les armes classiques.

A l’ouest de la ville de Min­bij, les envahisseurs turcs attaque­nt les vil­lages pour ten­ter d’occuper le nord de la Syrie. Depuis main­tenant plus de 15 jours, il y a des attaques sur les vil­lages de Korhiyok, Seb­w­er­an, Box­az et Ilan. Les tirs d’artillerie sur Korhiyok de ce lun­di ont fait 7 blessés par­mi les habitants.
Mar­di, les avions turcs bom­bar­daient le vil­lage de Qirtwer­an, tou­jours à l’ouest de Minbij.
Le lende­main, une nou­velle vague de bom­bardiers turcs lâchait des bombes incen­di­aires au phos­pho­re sur les vil­lages den­sé­ment peu­plés de Qirtwer­an, Korhiyok et Qaw­iqli. Ces armes cru­elles sont pour­tant classées sur la liste du troisième pro­to­cole de la con­ven­tion de Genève sur les armes clas­siques, signée le 10 octo­bre 1980.
Mer­cre­di, plusieurs dizaines de véhicules blind­és et un mil­li­er de sol­dats turcs ont encore franchi la fron­tière syri­enne pour rejoin­dre la région de Bab.

Ven­dre­di, à Bab, une nou­velle frappe aéri­enne turque menée sur les habi­tants de Bab s’est sol­dé par la mort de 12 per­son­nes dont plusieurs femmes et enfants, de la famille des Nasani. 
Des sources locales sig­na­lent égale­ment qu’une cen­taine de familles turk­mènes orig­i­naires d’Irak ont été emmenées par les forces turques vers les vil­lages kur­des désertés de la région de She­h­ba. L’objectif de cette implan­ta­tion de familles turk­mènes d’Irak est de chang­er la com­po­si­tion démo­graphique de la région et de per­me­t­tre à la Turquie de pou­voir encore con­trôler le traf­ic d’armes à des­ti­na­tion de Daesh, comme le prou­vent les dépôts de muni­tions aban­don­nés par les forces turques dans les vil­lages dont ils se retirent avant que Daesh ne les recupère.
 
Sig­nalons encore que les forces armées turques ont agressé lun­di un groupe de 17 réfugiés qui ten­taient de pass­er la fron­tière du Roja­va vers le Bakur, à hau­teur de la ville de Dirbisiyé. Mihemed Eli Nime, Xalid Çekiro et Yehya Fey­sel ont immé­di­ate­ment été assas­s­inés. Leurs corps ont ensuite été rejetés du côté syrien de la fron­tière. On est tou­jours sans nou­velle du sort des 14 autres personnes.

TURQUIE
LES PURGES CONTINUENT

Les villes et métrop­o­les qui s’étaient choisi lors des élec­tions du 30 mars 2014 des représen­tants du par­ti DBP sont repris­es en main par le régime d’Erdogan. Les élus sont empris­on­nés, des cura­teurs proches du pou­voir sont nom­més et tous les pro­grammes soci­aux sont aban­don­nés. 
Ils sont une cinquan­taine, une cinquan­taine d’élus du par­ti Démoc­ra­tique des régions, le DBP, qui avait rem­porté les suf­frages de 6,36% du corps élec­toral de Turquie en mars 2014.
103 munic­i­pal­ités avaient été con­quis­es par les élus du DBP, ain­si que 3 métropoles.
Aujourd’hui, une cinquan­taine de ces élus sont der­rière les bar­reaux. A leur place, le régime d’Erdogan a nom­mé des cura­teurs qui con­trô­lent directe­ment 36 des 103 munic­i­pal­ités, et indi­recte­ment une quin­zaine d’autres. En tout, c’est donc la moitié des villes et com­munes où le DBP avait pris le pou­voir par la voie des urnes qui se trou­vent soumis­es à l’arbitraire des curateurs.
Pour­tant, le par­ti DBP fédère aus­si de larges seg­ments de la société civile turque, des écol­o­gistes, des artistes, des tra­vailleurs soci­aux. Par­mi les co-bourgmestres du par­ti, mais aus­si par­mi les con­seillers com­mu­naux ou les con­seillers provin­ci­aux, il y a des Arméniens, des Kur­des, des Alévis, des défenseurs turcs des droits de l’homme, des avocats…
Les munic­i­pal­ités où le BDP avait réal­isé un score his­torique ont payé chère­ment leur choix.
 
Sir­nak, avec 69,81% des voix a été rasée. Nusey­bin (78,78%) et Cizre (81,61%) ont été livrées à la bar­barie des forces armées turques.
Là où les cura­teurs rem­pla­cent les élus, les pro­jets implé­men­tés par les respon­s­ables du DBP sont aban­don­nés ou sabotés.

QU’EST CE QUE LE DBP ?
BILAN

Le DBP, c’est une poli­tique basée sur le développe­ment artis­tique et cul­turel. Chaque année, il y a des fes­ti­vals du film et du théâtre à Mardin, à Diyarbakir, à Bat­man ou à Van.
Dans les insti­tu­tions con­sacrées à la cul­ture, et entière­ment gra­tu­ites, des mil­liers de per­son­nes peu­vent se for­mer aux arts de la musique, du ciné­ma, du théâtre, de la pein­ture ou de l’artisanat.
Le DBP, c’est aus­si le choix d’un com­bat pour l’égalité des hommes et des femmes. C’est pour cette rai­son que dans toutes les munic­i­pal­ités gérées par le DBP, il y a tou­jours deux co-bourgmestres, un homme et une femme. Des ate­liers pour les femmes vic­times de vio­lences con­ju­gales avaient été ouverts, avec des psy­cho­logues pour les soutenir, des équipes de for­ma­teurs pour les réin­sér­er sur le marché de l’emploi. Avec l’arrivée des cura­teurs, tous ces ate­liers ont été fer­més, lais­sant sur le côté des dizaines de mil­liers de femmes qui prof­i­taient de ces services.
Sur le plan économique et social, le DBP avait mis en œuvre d’ambitieux pro­jets de ren­force­ment de l’économie locale et sol­idaire. Des ter­res étaient mis­es à la dis­po­si­tion de tra­vailleurs agri­coles sans ter­res, on leur four­nis­sait avec l’aide de l’assemblée pour l’environnement d’Amed des semences organiques. A Van, 40 tonnes d’ail ont ain­si été pro­duites, faisant vivre des dizaines de familles.
A Sir­nak, les cura­teurs ont pris la déci­sion de ne pas pay­er le salaire de 130 tra­vailleurs sous-trai­tants de la munic­i­pal­ité. Ils avaient été empêchés de tra­vailler à cause du cou­vre-feu, et ils sont donc nor­male­ment légale­ment cou­verts pour leurs salaires. Les tra­vailleurs de Sir­nak inter­rogés expliquent qu’il s’agit de les met­tre à la porte pour les rem­plac­er par des familles de gardes de villages.
A Mardin, Mustafa Yaman, le nou­veau cura­teur qui rem­place les deux élus Ahmet Türk et Februniye Aykol, a tout de suite fer­mé la banque ali­men­taire qui venait en aide aux familles pré­carisées par la destruc­tion de leur ville de Nusaybin.
96 foy­ers soci­aux avaient déjà été con­stru­its dans 96 quartiers de Mardin par les élus du DBP. Ces foy­ers ser­vent de lieu de ren­con­tre, de réu­nion et per­me­t­tent aux proches des défunts d’organiser les céré­monies d’adieux. Tous les foy­ers soci­aux dont la con­struc­tion devait com­mencer ne sor­tiront plus de terre.
Le pro­gramme social appelé « vête­ment-nour­ri­t­ure ‑abri » mis en place pour les habi­tants affec­tés par les com­bats a lui aus­si été aban­don­né. Il aidait 73.000 personnes.

WIKILEAKS
LA FAMILLE DU PRÉSIDENT, LE PÉTROLE ET DAESH

Wik­ileaks a pub­lié cette semaine les emails de Berat Albayrak, min­istre turc de l’énergie et gen­dre du prési­dent Erdo­gan. Il y est notam­ment ques­tion des liens qui lient le beau-fils à la société Pow­er­trans, une société active dans le com­merce de pét­role avec le Daesh.

Pow­er­trans, c’est cette société turque qui a prof­ité de l’embargo pour importer depuis l’Irak et à des prix planch­ers le pét­role pro­duit dans les régions occupées par Daesh. 
Dans la fuite de 58.000 emails écrits par Albayrak, le gen­dre du prési­dent et min­istre de l’énergie entre 2000 et 2016, Wik­ileaks dévoile entre autre des échanges avec son avo­cat pour ten­ter de mas­quer qu’ Albayrak n’a aucun lien avec Powertrans.

Wik­ileaks revient aus­si sur les évène­ments de Gezi en 2013, quand les réseaux soci­aux étaient infec­tés par une armée de trolls, ces inter­nautes dont le seul objec­tif sur les réseaux soci­aux était de créer des con­flits et de per­turber la communication.
Wik­ileaks a réu­ni et pub­lié les mails com­pro­met­tant le pou­voir AKP avec ces cyber-activistes dont l’objectif était de dis­créditer le mou­ve­ment de Gezi.
Albayrak, a aus­si ten­té début 2016 de s’assurer de la revente d’Ipek Medya, une société qui était alors entre les mains des gulenistes et de la trans­met­tre à des sou­tiens plus fidèles du par­ti AKP
Google dri­ve et Drop box, qui per­me­t­tent de pren­dre con­nais­sance de la cor­re­spon­dance d’affaire du gen­dre prési­dent Erdo­gan, ont été blo­qués par les autorités turques.

DEMIRTAŞ ET YUKSEKDAG
COMPTE RENDU DES PROCÈS

Cette semaine, les deux co-prési­dents du par­ti HDP ont été enten­dus par leurs juges sur deux affaires : des pro­pos tenus par Demir­taş sur les liens entre Erdo­gan et le leader de l’extrême droite turque, Devlet Bahçeli et un dis­cours tenu lors des funérailles de vic­times de l’attentat d’Ankara du 10 octo­bre 2015 par la co-prési­dente Figen Yüksekdag.

Par vidéo-con­férence, Sela­hat­tin Demir­taş a dû s’expliquer pour des pro­pos jugés insul­tants envers le prési­dent de Turquie. Il avait rap­pelé que le leader du par­ti MHP, Bahçeli, avait tout au long de la cam­pagne élec­torale traité le prési­dent Erdo­gan de voleur, et qu’une fois les élec­tions ter­minées, il allait pass­er de bons moments dans le palais de celui qu’il accu­sait quelques temps plus tôt.

Aucune parole de ce dis­cours, a affir­mé Demir­taş, n’accusait directe­ment le prési­dent. Or, les pro­cureurs esti­ment plus judi­cieux de pour­suiv­re celui qui n’a que répété les pro­pos litigieux en lais­sant l’auteur orig­i­nal de ces phras­es sans qu’aucune charge ne soit retenue con­tre lui. Pour Demir­taş, cela con­stitue un cas évi­dent de dis­crim­i­na­tion poli­tique. Bahçeli peut traiter le prési­dent de voleur, alors que lui-même doit répon­dre devant la jus­tice pour la même chose.
Demir­taş a aus­si rap­pelé que quand Bahçeli traite les 6 mil­lions de citoyens qui ont voté pour le Hdp de per­son­nes sans hon­neur, aucune plainte n’aboutit non plus devant les tribunaux.
Figen Yük­sekdag a quant à elle dû répon­dre devant ses juges, tou­jours par vidéo-con­férence, des pro­pos qu’elle a tenus lors de la céré­monie funèbre des vic­times de l’attentat d’Ankara en octo­bre 2015.

La co-prési­dente a déploré le fait que ceux qui auraient dû pren­dre place devant les juges, ce sont ceux qui ont des respon­s­abil­ités dans cet atten­tat, et pas ceux qui parta­gent la douleur des vic­times. En effet, à côté de la co-prési­dente, ce sont des cen­taines d’autres per­son­nes qui ont assisté aux funérailles qui sont aujourd’hui enfermées.

Les vrais respon­s­ables courent tou­jours. Lors de la dernière audi­tion con­cer­nant l’enquête de l’attentat du 10 octo­bre, des témoins ont con­fessé de façon limpi­de la respon­s­abil­ité, la col­lab­o­ra­tion et la super­vi­sion du mas­sacre par des représen­tants de l’Etat.
Pour Figen Yük­sekdag, c’est le gou­verne­ment qui con­sid­ère que ses paroles à elle con­stituent un crime. Et de pour­suiv­re que ce n’est que dans les pays où un coup d’Etat a réus­si que les mem­bres du par­lement sont arrêtés.
Il faut donc, aver­tit Yük­sekdag, que les juges eux-mêmes fassent preuve d’indépendance. Sinon, le sys­tème judi­ci­aire tout entier n’est plus qu’un out­il d’oppression entre les mains des politiques.

PARLEMENT EUROPÉEN
13ÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE « EU, TURQUIE ET KURDES »

Mer­cre­di a com­mencé au par­lement européen, à Brux­elles, la 13ème con­férence inter­na­tionale, inti­t­ulée : « l’Union Européenne, la Turquie et les Kurdes »
Par­mi les par­tic­i­pants, deux prix Nobel, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu et la mil­i­tante irani­enne du droit des femmes, Shirin Eba­di ain­si que des pro­fesseurs et intel­lectuels renom­més, comme Noam Chomsky.

Demir­tas, le co-prési­dent du par­ti Hdp devait être présent au par­lement européen. Depuis sa prison, il a envoyé une let­tre aux con­férenciers et aux par­lemen­taires. Il dénonce le régime d’Erdogan et le fait qu’il soit mis aux arrêts d’une façon qui ne se ren­con­tre que dans les régimes dic­ta­to­ri­aux et lors de coups d’état mil­i­taires. Il dénonce égale­ment le fait que le régime turc a mis un terme à la démoc­ra­tie en Turquie et s’est mis à détru­ire en Syrie et en Irak les con­di­tions de coex­is­tence paci­fique entre les peu­ples en y inter­venant poli­tique­ment et militairement.
Mais Demir­tas s’est voulu ras­sur­ant : la lutte pour la lib­erté et pour la démoc­ra­tie se pour­suiv­ra depuis les pris­ons, a‑t-il écrit.

Mus­lim Sal­ih, le co-prési­dent du par­ti syrien PYD était lui à Brux­elles. Lors d’une ses­sion con­sacrée aux méth­odes démoc­ra­tiques alter­na­tives au Moyen-Ori­ent, il a expliqué » que le sys­tème qui est mis en place au Roja­va est un mod­èle envis­age­able pour toute la région. Et de pré­cis­er que la mod­èle de l’Etat-nation doit être changé. Il faut aus­si men­er une révo­lu­tion con­tre le sex­isme, a affir­mé Sal­ih Mus­lim, et c’est pré­cisé­ment ce qui se fait au Rojava.
Sal­ih Mus­lim a aus­si dénon­cé l’invasion turque en Syrie et l’idéologie qui jus­ti­fie ces attaques. Une idéolo­gie qui se résume à l’expression : « un bon Kurde est un Kurde mort ». Le Daesh et toutes les ban­des islamistes de la région ne sont pas tombées du ciel, explique le co-prési­dent du PYD. La Turquie et d’autres pays les ont lâchées sur la région.
Le com­bat des Kur­des, résume Sal­ih Mus­lim, est un com­bat mené pour tous les peu­ples de la région : c’est un com­bat humaniste.
Le directeur de l’institut des études pour les droits de l’homme de l’université de Colum­bia, David Philips, a pré­cisé que le régime d’Erdogan devrait être jugé pour crimes con­tre l’humanité. En par­lant du régime AKP, Philips a expliqué qu’il fal­lait don­ner une carte rouge à ces ban­des crim­inelles. Il y a en Turquie une admin­is­tra­tion crim­inelle, elle com­met des crimes de guerre, et elle doit être jugée pour cela.
Philips plaide aus­si pour le retrait du PKK de la liste des organ­i­sa­tions terroristes.
Kam­ran Matin, pro­fesseur de rela­tions inter­na­tionales à l’université du Sus­sex, en Angleterre, a pris la parole pour dénon­cer le fait qu’aucune con­tro­verse ne peut être résolue en l’absence de l’un des acteurs de cette con­tro­verse. Il faut donc, si l’on veut s’assurer du suc­cès des négo­ci­a­tions de Genève, que les Kur­des y soient aus­si représentés.

LIBERTÉ DE LA PRESSE
RIEN N’EST ACQUIS

Informer le citoyen est un droit néces­saire dans un régime démoc­ra­tique. Pour­tant, les jour­nal­istes payent très cher leur engage­ment pro­fes­sion­nel. En Irak, en Turquie, mais aus­si en Europe, rien n’est acquis. 
Ce pre­mier décem­bre, Şukri Amediye, reporter pour la chaine KNN basée au Kur­dis­tan du sud, le Başur, était retrou­vé mort après avoir dis­paru pen­dant 4 jours.

Le prési­dent du syn­di­cat des jour­nal­istes de Kirkuk, Osman Fuad, a rap­pelé que sous le régime de Barzani, les jour­nal­istes n’ont pas le droit de s’opposer, de pos­er des ques­tions ou de pro­test­er. Quand les pro­fesseurs, les employés du ser­vice pub­lic ou les représen­tants de la société civile font val­oir leurs droits, les jour­nal­istes essaient de les faire enten­dre. C’est la rai­son pour laque­lle ils sont visés. Pour le syn­di­cal­iste, il n’y a plus de lib­erté d’expression dans la région kurde d’Irak. Les jour­nal­istes sont con­traints de s’associer à un camp poli­tique. Leur tra­vail est dan­gereux, et ils finis­sent mas­sacrés. Con­tre ceux qui déti­en­nent le pou­voir économique ou poli­tique, déplore Osman, les jour­nal­istes n’ont aucune chance, et ils sont alors oblig­és de n’être plus que les esclaves des par­tis en présence. Des dizaines de jour­nal­istes ont déjà été tués, et aucun respon­s­able n’a été arrêté, ce qui fait crain­dre que ce soit le gou­verne­ment qui soit der­rière ces meurtres. Rien que pour Kirkuk, on en est déjà à 11 jour­nal­istes assas­s­inés. Il y avait aupar­a­vant des dizaines de jour­naux dans la ville, il n’y en a plus qu’un seul.

En Turquie, la jour­nal­iste Müj­gan Ekin est portée dis­parue depuis 50 jours. Elle tra­vail­lait pour la chaine de télévi­sion Özgür Gün. Les respon­s­ables du mou­ve­ment démoc­ra­tique des peu­ples, le HDK ain­si que le mou­ve­ment des femmes libres TJA ont lancé ce mer­cre­di un appel à la presse depuis le bureau du Hdp d’Adana pour qu’enfin on puisse avoir de ses nouvelles.

En France, la société de dif­fu­sion par satel­lites Eutel­sat avait été con­damnée le 16 novem­bre par le tri­bunal de com­merce de paris pour avoir mis un terme à la dif­fu­sion des chaines kur­des Med Nuce et Newroz TV.
Et pour­tant, les deux chaines ne sont tou­jours pas red­if­fusées. Eutel­sat veut impos­er un nou­veau con­trat aux deux chaines, un con­trat qui per­me­t­trait à Eutel­sat de met­tre un terme aux dif­fu­sions sans procé­dures légales.

Le com­bat des avo­cats des deux chaînes kur­des n’est donc pas ter­miné. Il faut dire qu’Eutelsat vient de lancer ce lun­di un satel­lite de l’armée turque, Gök­türk 1, pour une somme proche du mil­liard de dol­lars. 

Mais il y a de bonnes nou­velles : Zehra Dogan, la jour­nal­iste de l’agence Jin­ha, qui avait notam­ment cou­vert les évène­ments trag­iques de Nusey­bin, a été libérée. Empris­on­née depuis le 21 juil­let, une cam­pagne de sou­tien par cartes postales sol­idaires avait été lancée par le jour­nal Kedis­tan. En lib­erté pro­vi­soire, elle sera jugée au mois de févri­er 2017.

Enfin, il sem­ble que Bob l’éponge, la star des enfants, soit quand même lavée des soupçons de ter­ror­isme. La dif­fu­sion de la chaine Zarok Tv, une chaine de dessins ani­més et de pro­grammes pour les petits a repris, après avoir été fer­mée sur décret ce 28 septembre.