Nous avions réal­isé, le 19 novem­bre dernier, pour le compte d’un jour­nal­iste d’un média main­stream que nous ne citerons pas, une inter­view télé­phonique de Erdal Doğan, avo­cat d’Aslı Erdoğan. Pour archive, nous en pub­lions l’intégralité. 

 Dans quelles con­di­tions Aslı a‑t-elle été arrêtée ?

Aslı Erdoğan a été mise en garde à vue suite à l’opéra­tion effec­tuée dans les locaux du Jour­nal Özgür Gün­dem pour sa fer­me­ture, le 16 Août. Aslı était chroniqueurE au Jour­nal Özgür Gün­dem et était aus­si mem­bre du con­seil con­sul­tatif qui avait été créé unique­ment de manière sym­bol­ique et ne com­por­tait aucune respon­s­abil­ité juridique. Sur les instruc­tions du pro­cureur général, les policiers ont arrêté Aslı Erdoğan chez-elle. Lors des fouilles faites à son domi­cile, la police a con­fisqué, comme preuves de crime, ses notes de tra­vail et trois de ses livres, trai­tant des mas­sacres des Kur­des et des Alévis. Il s’ag­it des livres légaux et autorisés à la vente.

Dans quelles con­di­tions est-elle détenue ?

Après une garde à vue de 3 jours, elle a été amenée devant un juge le 19 Août et elle a été incar­cérée. Dans la prison où elle a été amenée, elle a été main­tenue dans des con­di­tions lam­en­ta­bles, dans une cel­lule d’iso­la­tion, durant 6 jours. Ensuite, elle a été trans­férée dans un quarti­er. Les pre­mières semaines, nous avons fait plusieurs deman­des à l’ad­min­is­tra­tion de la prison afin de récupér­er les médica­ments qu’elle doit pren­dre quo­ti­di­en­nement. Une par­tie des médica­ments a été autorisée. Mais Aslı ne souhaite plus de trans­fert dans un hôpi­tal pour la sim­ple rai­son que ces trans­ferts en hôpi­taux sont dev­enue une tor­ture. Car suite à ses deman­des insis­tantes, trois fois de suite, elle avait été trans­férée à l’hôpi­tal, non pas par une ambu­lance, mais par un véhicule de prison, oblig­ée d’at­ten­dre pen­dant des heures les mains menot­tées, et ensuite ramenée en prison sans avoir ren­con­tré de médecin. Alors qu’elle doit suiv­re un régime ali­men­taire par­ti­c­uli­er, les médecins ne veu­lent pas faire appli­quer ce régime. Les ali­ments que l’on peut se pro­cur­er en prison sont très lim­ités. En plus de tout ceci, on ne lui donne pas le coussin cer­vi­cal dont elle a besoin car elle souf­fre d’une hernie cervicale.

 A qui peut-elle par­ler ? Famille, amis ?

Pour cause d’é­tat d’ur­gence, comme mem­bre de famille, seule sa mère peut la vis­iter en par­loir, et elle n’a droit au con­tact télé­phonique qu’une fois tous les quinze jours. En dehors de ceci, elle n’est pas autorisée à avoir de con­tact avec ses amiEs et ses proches qui ne sont pas du pre­mier degré. En tant que son avo­cat, je n’ai pas de dif­fi­culté à la rencontrer.

Son cas fait-il par­ler en Turquie dans les médias, dans l’opin­ion publique et sur réseaux sociaux… ?

La grande par­tie des médias en Turquie est sous con­trôle du gou­verne­ment et de ce fait, les infor­ma­tions con­cer­nant Aslı sont très imitées dans les prin­ci­paux médias. Très peu d’au­teurs et de jour­nal­istes relaient ces infor­ma­tions. Deux jours par semaine, des “gardes de Jus­tice” sont tenues par ses amiEs, organ­i­sa­tions de société civile et cer­tains députés et politi­ciens du HDP et du CHP, devant les bâti­ments. Les médias de gauche essaient de la main­tenir dans l’actualité.

Dans quelles con­di­tions et de quelle façon s’or­gan­ise sa défense ?

L’en­quête juridique ouverte à son encon­tre est ter­minée et un acte d’ac­cu­sa­tion a été présen­té au tri­bunal. Le tri­bunal est en train de l’é­val­uer. En tant que son avo­cat, je m’op­pose régulière­ment à son arresta­tion, mais mes reven­di­ca­tions sont refusées, sans motif et sans con­for­mité aux proces­sus légaux. D’autres amiEs avo­catEs ren­dent égale­ment vis­ite à Aslı, régulièrement.

Quel est le cal­en­dri­er judi­ci­aire pour Aslı ?

L’acte d’ac­cu­sa­tion sera accep­té prob­a­ble­ment dans la semaine prochaine, et nous pen­sons que le Tri­bunal amen­era Aslı devant la barre dans un mois.

Que risque-t-elle vraiment ?

Aslı Erdoğan est en arresta­tion depuis plus de trois mois. Les accu­sa­tions qui sont portées à son encon­tre sont juridique­ment inex­plic­a­bles. Elles sont impos­si­bles à expli­quer de façon raisonnable non plus. Accuser une auteure qui a défendu la non-vio­lence et les droits de l’homme dans toutes ses oeu­vres durant toute sa vie, d’être mem­bre d’une organ­i­sa­tion ter­ror­iste et de men­ac­er l’u­nité de l’E­tat et d’or­gan­is­er des mou­ve­ments séparatistes par ses écrits, n’est pos­si­ble qu’avec des efforts surhu­mains. L’ar­resta­tion et l’ac­cu­sa­tion d’Aslı de ces crimes inac­cept­a­bles par la rai­son ni par la jus­tice, est une ten­ta­tive d’in­tim­i­da­tion pour tous les intel­lectuelLEs et auteurEs pacifistes.

Envis­agez-vous d’in­ter­peller la com­mu­nauté internationale ?

 Toutes les man­i­fes­ta­tions, mobil­i­sa­tions et appels à la sol­i­dar­ité con­cer­nant Aslı s’adressent aus­si à l’opin­ion publique inter­na­tionale. Car la lib­erté de pen­sée et d’ex­pres­sion est un droit fon­da­men­tal uni­versel. C’est pourquoi, l’emprisonnement d’une per­son­ne, d’unE auteurE, son lyn­chage, sa pénal­i­sa­tion sont des attaques con­tre les valeurs de toute l’hu­man­ité et con­cer­nent l’opin­ion publique inter­na­tionale. Toutes ces opéra­tions con­tre Aslı sont de fait, un acte de crime con­tre l’hu­man­ité. Et les crimes con­tre l’hu­man­ité con­cerne directe­ment tous les peu­ples du monde et toutes les opin­ions publiques. Ain­si, cela ne con­cerne pas unique­ment Aslı Erdoğan.

Son essai va-t-il être publié ?

Un livre con­tenant ses écrits récents est en cours et sera prochaine­ment publié.


Les mau­vais­es habi­tudes de la presse à scoop font qu’elle ne pub­lie que ce qui lui plait quitte à choisir dans les pro­pos, les infor­ma­tions les moins por­teuses de sens. C’est bien la dernière fois nous nous plions à cet exer­ci­ce bénév­ole­ment, surtout quand il ne débouche pas sur un réel engagement.
Car le plus impor­tant n’est pas de savoir, comme la ques­tion nous a été posée, si Aslı avait été arrêtée “moment où elle arro­sait ses fleurs”, mais bien depuis com­bi­en de temps elle est détenue et com­ment la faire sor­tir de là.

Vous pou­vez trou­ver tous les arti­cles con­cer­nant Aslı, dans ce dossier spécial. 

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