Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, présen­tées par Ron­ahi TV, un retour sur la semaine du 13 au 19 novem­bre 2016. Il s’ag­it de l’émis­sion régulière en langue française, que vous trou­verez aus­si ici, chaque semaine.

Vidéo et texte en français

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Les gros titres :

Nord de la Syrie — Vio­lentes attaques de la Turquie
Opéra­tion “Colère de l’E­uphrate” — Plus que 26 km avant Raqqa
Nord de la Syrie — Accords entre DAESH et la Turquie
Basur — Ezidx­an — Opéra­tion “Vengeance pour les femmes ézidies”
Bakur — Kur­dis­tan Nord — Sir­nak, une ville rasée
Bakur — Kur­dis­tan Nord — Les purges continuent


NORD DE LA SYRIE
VIOLENTES ATTAQUES DE LA TURQUIE

Les forces armées turques et les ban­des armées qui les accom­pa­g­nent pour­suiv­ent leur ten­ta­tive d’invasion du nord de la Syrie. Les bom­barde­ments et les mas­sacres se pour­suiv­ent. Les civils fuient par milliers.

Dimanche dernier, des mis­siles se sont abat­tus sur le vil­lage de Xeza­wiyê, dans le can­ton d’Afrin. L’un des mis­siles a frap­pé un impor­tant lieu de pas­sage de civils. Il y a eu 8 morts et une cinquan­taine de blessés. On ne sait tou­jours pas qui des sol­dats turcs ou des ban­des armées soutenues par la Turquie a tiré ce missile.

Mais le même jour, tou­jours dans le can­ton d’Afrin, les mil­i­taires turcs ont bom­bardé des zones civiles dans le dis­trict de Raco, à Cisir Heşarkê.

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Dans la région de She­h­ba, les sol­dats turcs ont procédé ce mar­di à un échange de vil­lages avec le Daesh. Ces vil­lages se trou­vent autour de la mon­tagne de Al-Biraziya, près de la ville de Qebasin. Les civils se ser­vent de la mon­tagne pour s’y met­tre à l’abri de leurs agresseurs, mais les sol­dats turcs qui ont mené des raids sur la mon­tagne ont pu met­tre la main sur plusieurs réfugiés. Deux per­son­nes ont été sévère­ment blessées et un enfant de la famille de Mis­te­fa Hec Ehmed a été tué.

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Enfin, dans le quarti­er de Sheikh Maq­soud, à Alep, les attaques menées par la coali­tion nationale syri­enne, le CNS, se pour­suiv­ent aus­si. Les agresseurs vien­nent des quartiers de Mes­bah et de Maamela Şiqeyf. Une série de vil­lages de la région de She­h­ba et du can­ton d’Afrin sont aus­si visés par les tirs d’artillerie. Les Forces d’auto-défense YPG repoussent les assauts. 3 mem­bres des ban­des armées du CNS ont ain­si été tués ce mardi.

OPÉRATION « COLÈRE DE L’EUPHRATE »
PLUS QUE 26 KILOMÈTRES AVANT RAQQA

Les forces démoc­ra­tiques syri­ennes descen­dent tou­jours plus au sud, en direc­tion de la ville de Raqqa. De nom­breux vil­lages ont encore été libérés. La ville de Raqqa n’est plus qu’à une grosse ving­taine de kilo­mètres des com­bat­tants de la liberté.
Après avoir fait con­verg­er sur la riv­ière Belix les deux armées des FDS en prove­nance de Siluk et de Eyn Issa, l’offensive pour chas­s­er le Daesh de la ville de Raqqa se poursuit.

Comme le souligne le com­bat­tant Harun Dino, les ban­des du Daesh ne savent pas soutenir le com­bat con­tre les YPG. Ils aban­don­nent leurs armes et ils s’enfuient des vil­lages ciblés par les FDS. Le moral des troupes de libéra­tion est donc très bon.
En début de semaine, un bilan du bureau de com­man­de­ment de l’opération « colère de l’Euphrate » tombait : on rel­e­vait ce lun­di, pour les dix pre­miers jours de com­bats, la libéra­tion de 34 vil­lages et de 31 hameaux.
167 mem­bres du daesh ont été tués, et il n’y a eu du côté des FDS que 4 blessés, et aucun mort.

Les com­bat­tants arabes de la tribu de Sana­did ont égale­ment décidé de rejoin­dre l’opération menée par les FDS. Ben­der Deham El Hadi, le com­man­dant en chef des forces Sana­did, a con­fir­mé que plus de 2000 de ses com­bat­tants rejoindraient le front de Raqqa.
D’autres com­bat­tants YPG vont égale­ment rejoin­dre les forces de l’opération « Colère de l’Euphrate », ce sont les unités YPG qui avaient com­bat­tu à Min­bij. Main­tenant que la ville est sécurisée et que les insti­tu­tions poli­tiques et mil­i­taires de la ville sont capa­bles de répon­dre à une attaque, les unités YPG sta­tion­nées à Min­bij ont pris le chemin du sud, direc­tion Raqqa elles aussi.

NORD DE LA SYRIE
ACCORDS ENTRE DAESH ET LA TURQUIE

De nou­velles révéla­tions faites par des respon­s­ables empris­on­nés du Daesh con­fir­ment ce que l’on savait déjà : La Turquie coor­donne les attaques menées au nord de la Syrie. De nom­breux agents des ser­vices secrets turcs, le MIT, sont d’ailleurs en poste dans la région de Shehba.

Savaş Yildiz est ce respon­s­able du Daesh impliqué dans les atten­tats des bâti­ments du HDP à Mersin et à Adana, pen­dant la cam­pagne élec­torale des élec­tions du 7 juin.
Il avait aus­si par­ticipé à l’attaque sur Gire Sipi ce 27 févri­er. C’est à ce moment qu’il a été arrêté par les unités YPG et emprisonné.

Voici ce qu’il a affir­mé con­cer­nant l’invasion de la Turquie à Jarablus, à Raï et à Exterin :

En pre­mier lieu, il dénonce le men­songe de l’appel au jihad sur le sol turc fait par Al-Bag­da­di, le grand patron du Daesh. Il y a, explique Savaş Yildiz, des accords entre les émirs du Daesh et l’Etat turc, même si par­fois les ter­mes de ces accords ne sont pas réper­cutés jusqu’aux forces com­bat­tantes sur le ter­rain. Si la Turquie, dit Yildiz, était venue à Jarablus pour com­bat­tre le Daesh, le Daesh aurait frap­pé dure­ment la Turquie. Daesh peut com­met­tre des attaques en France, aux Etats-Unis ou en Angleterre. Il peut donc com­met­tre plein d’attentats en Turquie, si cela devait être décidé. Il y a actuelle­ment plein d’hommes prêts à se faire explos­er. L’absence de réac­tion vaut comme preuve de ces accords.

Yildiz explique aus­si que le Daesh a lais­sé la région de She­h­ba à la Turquie en échange de la pos­si­bil­ité pour tous les dji­hadistes de pou­voir pass­er libre­ment. Et toutes les attaques du Daesh menées en Turquie con­tre les Kur­des et les forces démoc­ra­tiques ont été réal­isées en faveur de l’Etat turc, de manière à con­cré­tis­er les accords qui les lient.

Un respon­s­able du groupe Ahrar al Sham, Abu Bilal, a par ailleurs expliqué à l’agence Reuters com­ment la ville de Qebasin avait été remise aux mains des forces turques. Daesh avait déjà retiré presque toutes ses troupes de Qebasin quand les sol­dats turcs sont arrivés. La pas­sa­tion de pou­voir entre le Daesh et les sol­dats turcs s’est faite grâce à l’aide de ban­des proches du Daesh et qui ont des con­tacts avec les mil­i­taires turcs et les dif­férents groupes armés qu’elle traine dans son sillage.

Plusieurs mem­bres des ser­vices secrets turcs sont d’ailleurs à l’œuvre dans le nord de la Syrie. On a ain­si retrou­vé la trace de Alparslan Çelik, mem­bre des loups gris d’Elazig, et qui avait tué le pilote de l’avion russe abat­tu en novem­bre 2015. Quand son vis­age a été exposé dans les jour­naux, il est repar­ti en Turquie, mais les autres mem­bres de son équipe du MIT sont tou­jours opéra­tionnels dans le nord de la Syrie, comme en témoignent des pho­tos com­pro­met­tantes retrou­vées par l’agence de presse ANF.

On retrou­ve ain­si en com­pag­nie de l’assassin du pilote russe Nuret­tin Yildiz, mem­bre du MIT, inté­gré à la brigade sul­tan Murat, en opéra­tion actuelle­ment près de Raï et de Azaz.

Il y a aus­si un autre mem­bre des loups gris, act­if auprès des ser­vices secrets turcs, c’est Murat Polat. Lui aus­si par­ticipe aux opéra­tions crim­inelles menées par la brigade Sul­tan Murat dans la région de Shehba.

Dans la région d’Alep, les ser­vices secrets turcs ont placé Ibrahim Çilek, orig­i­naire des pre­mières et deux­ièmes divi­sions for­mées par la Turquie à Lattaquié.

BAŞUR-EZIDXAN
OPÉRATION « VENGEANCE POUR LES FEMMES ÉZIDIES »

Le Ezidx­an, c’est toute cette région où vivaient les Ézidis avant l’invasion du Daesh. Les unités de femmes ézi­dies, les YJŞ, ont lancé une opéra­tion pour libér­er toutes les femmes encore entre les mains du Daesh dans cette région du Kur­dis­tan du sud, près de la ville de Sengal.

Dès le début de l’offensive des unités ézi­dies au sud de la ville de Sen­gal, le 11 novem­bre, les vil­lages de Sekiniye, de Heyale et de Sewra ont été libérés. 15 mem­bres du daesh ont été tués dès le début de l’opération. Le Daesh est ensuite revenu pour ten­ter de repren­dre les collines de Sewra, mais les com­bat­tantes ont repoussé les assauts, lais­sant là encore de nom­breux morts par­mi les rangs du Daesh.

Le com­bat­tant des unités YBŞ, Shen­gal Tol­hildan, a com­men­té les enjeux stratégiques con­cer­nant la région de Sen­gal. Pour Tol­hildan, la Turquie occupe la ville de Bashika, une ville qui fait par­tie de l’Ezidxan. Si la Turquie veut par­ticiper à la bataille de Mossoul, c’est d’une part pour sauver le Daesh et d’autre part pour empêch­er l’initiative des Ezidis pour con­quérir leur liberté.

L’Etat turc s’est d’ailleurs mon­tré menaçant ; il a affir­mé qu’il n’accepterait pas que Sen­gal devi­enne un deux­ième Qandil. Cela veut dire pour Tol­hildan que la Turquie veut que les Ezidis arrê­tent de se bat­tre pour leur lib­erté et se met­tent à obéir aux occu­pants et à leurs com­plices. Mais pour Tol­hildan, les unités YBŞ résis­teront à l’armée turque tout comme elles ont résisté au Daesh. Les com­plices dont par­le Tol­hildan sont à chercher dans les rangs du par­ti PDK, un par­ti qui a pris l’habitude d’infliger des coups à la lutte des Ézidis et à empêch­er les Kur­des de pren­dre un avantage.

BAKUR-KURDISTAN DU NORD
SIRNAK – UNE VILLE RASÉE

Sir­nak, c’est cette ville du Kur­dis­tan du nord, située en Turquie, qui a subi pen­dant 246 jours un cou­vre-feu. Le régime en a prof­ité pour détru­ire la ville. Il ne reste rien que des ruines, des pier­res. Même les tombes sont vandalisées.

Offi­cielle­ment, les autorités du gou­ver­norat de Şir­nak évo­quent la destruc­tion de 2044 maisons. Les bâti­ments abimés lors des com­bats doivent encore être détru­its. Or, les maisons qui sont détru­ites se situent dans des zones où il n’y a eu aucun com­bat lors de la résis­tance des YPS face à la bar­barie des mil­i­taires turcs venus envahir et détru­ire leur ville.

Pour retrou­ver les traces de leurs anci­ennes maisons, les habi­tants de Şir­nak doivent se fier aux restes de meubles qui émer­gent des gra­vats. Par­fois, on retrou­ve l’une ou l’autre pho­to, ou un morceau de tis­su. Les enfants essayent de retrou­ver au milieu des débris un de leur ancien jouet.

7 quartiers de Şir­nak ont déjà été entière­ment rasés. Mais il y a encore beau­coup d’autres maisons, mar­quées de la let­tre Y avec de la pein­ture sur la façade. Cela sig­ni­fie que les bull­doz­ers devront ras­er ces maisons aus­si. Et pour­tant, ces maisons n’ont même pas été impactées par les tirs ; elles sont en par­fait état.

Les arbres ont été arrachés. Il n’y a plus de chiens, de chats. Et les forces d’occupation turques ont même été jusqu’à van­dalis­er les cimetières et les tombes. Par­mi les tombes van­dal­isées, il y a celle de Haci Bir­lik, ce jeune homme qui avait été tor­turé, tué et dont le corps avait été tri­om­phale­ment trainé à l’arrière d’un des véhicules blind­és de ses tor­tion­naires dans les rues de la ville.

Pour la députée du HDP Aycan Irmez, la poli­tique de l’Etat à Sir­nak a été de dépe­u­pler la ville et de forcer ses habi­tants à fuir. Ces images de Şir­nak démon­trent à quel point les forces de l’État ont lais­sé libre cours à leur haine et à leur animosité.

Sir­nak, dit-elle, a été choisie comme une ville pilote pour détru­ire com­plète­ment une ville, avec son iden­tité, sa langue et son his­toire. Il s’agit de dépe­u­pler la ville, de mod­i­fi­er sa struc­ture démo­graphique et d’assimiler de force les habitants.

Les entre­pris­es et les fab­riques ont été rasées aus­si, pour forcer les tra­vailleurs à s’exiler.

Un cura­teur a d’ailleurs été nom­mé à la tête de cette ville trans­for­mée en champ de ruines. Et au-dessus du bâti­ment de la munic­i­pal­ité, un dra­peau turc géant est là, sym­bole tri­om­phant de ce crime con­tre l’humanité.

Dans une autre ville du Bakur, à Nusey­bin, les travaux de démo­li­tion de la ville se pour­suiv­ent aus­si. Rien que pour les rues Şahin et Yasemin, 10 bull­doz­ers démolis­sent tout. Dans le quarti­er de Yenişe­hir, les habi­tants regar­dent, impuis­sants, leurs maisons se faire démolir.

KURDISTAN DU NORD- BAKUR
VIOLENCES POLICIÈRES

Les forces de la police et de la gen­darmerie turque peu­vent prof­iter du cli­mat instau­ré par le régime AKP pour don­ner libre cours à leurs instincts les plus bru­taux. Cette semaine encore, de nom­breux civils ont été la cible de ces forces de l’ordre turc.

Près d’Hazro, dimanche dernier, les mil­i­taires turcs se sont mis à pilon­ner le vil­lage de Hel­hel, alors qu’aucun cou­vre-feu n’y avait même été décrété. De nom­breuses maisons ont été détru­ites lors de cette agres­sion, et un incendie s’est déclaré dans le vil­lage. Heureuse­ment, il n’y a pas eu de vic­times, mais les habi­tants sont terrorisés.

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Dans la région de Fer­aşin, les sol­dats turcs qui pre­naient part aux opéra­tions mil­i­taires ont investi plusieurs maisons et puis, elles sont repar­ties en incen­di­ant les maisons de Fethi Gür, de Abdul­me­nav Aslan et de Ibrahim Aslan.

Deux autres per­son­nes, Aythul­lah Yacan et Kasim Aslan, ont été sévère­ment tabassés avant d’être emmenés au poste de police de Beytüşşe­bap. Les sol­dats ont aus­si mis le feu à toutes leurs réserves de nourriture.

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A Erçis, dans le dis­trict de Van, les policiers et les sol­dats ont incendié la mai­son de Ahmet Ata­man en pré­tex­tant qu’il y avait là des mem­bres du PKK. Ahmet Ata­man a dis­paru, mais on a retrou­vé le corps de son épouse, Hediye, brûlée vive.

Sitôt l’incendie éteint, les bull­doz­ers sont arrivés tôt le matin pour effac­er toutes les traces de ce dernier crime de l’Etat turc.

Tous les mem­bres de la famille et les voisins qui ont voulu inter­venir pour sauver les mal­heureux ont été eux aus­si tabassés.

BAKUR-KURDISTAN DU NORD
LES PURGES CONTINUENT

Après les arresta­tions des deux co-prési­dents du HDP au début de ce mois, les purges con­tin­u­ent. Les respon­s­ables et les cadres des par­tis poli­tiques sont dans le col­li­ma­teur de la jus­tice de l’AKP. Il y a aus­si plusieurs syndicalistes.

Mar­di, Beri­tan Tayan, la co-bourgmestre du dis­trict d’Ipekyolu, à Van, a été arrêtée, alors qu’un cura­teur avait déjà été nom­mé à la tête de la munic­i­pal­ité. La co-prési­dente du par­ti DBP, Rojbin Bor a elle aus­si été arrêtée avec deux autres respon­s­ables du parti.

Jeu­di, c’est le co-bourgmestre de la métro­pole de Van, Bekir Kaya, qui était arrêté lors d’un raid mené par la police à son domi­cile. Il a été emmené en même temps que plusieurs respon­s­ables de l’administration de la métropole.

Dans les dis­tricts de Erçis et de Başkale, les autorités turques ont arrêté en tout 41 personnes.

A Mardin, un cura­teur a été nom­mé en lieu et place d’Ahmet Türk, l’élu du HDP. Le co-bourgmestre de Siirt, Tuncer Bakirhan, a lui aus­si été arrêté et rem­placé par un curateur.
Dès la nom­i­na­tion des cura­teurs, les forces de police ont quadrillé les bâti­ments de la munic­i­pal­ité de Mardin pour y men­er des fouilles.

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Dans la province de Der­sim, ce sont 12 politi­ciens et syn­di­cal­istes qui ont été mis sous les ver­rous jeu­di. Tous sont issus du HDP, du DBP ou du syn­di­cat DISK.

Et ven­dre­di, Ce sont les deux co-prési­dents de la sec­tion d’Agri du syn­di­cat SES, le syn­di­cat des employés des ser­vices soci­aux et de la san­té, qui étaient jugés. Recep Altindag a été con­damné à 10 ans de prison et Mehmet Dogan à 6 ans. Comme tou­jours, les autorités turques leur reprochent d’être mem­bres d’organisations terroristes.

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Sig­nalons aus­si que le co-prési­dent empris­on­né du par­ti HDP, Sela­hat­tin Demir­taş, est enfer­mé à la prison d’Edirne, de l’autre côté de la Turquie, sur le côté européen du Bosphore.

Enfer­mé dans une cel­lule d’isolement, il a été placé non pas dans l’aile des détenus poli­tiques où se trou­vent les autres mem­bres du par­ti HDP, mais du côté des con­damnés d’Al-Qaïda et d’autres pris­on­niers de droit com­mun. A sa droite, les codétenus chantent le Tak­bir et à sa gauche, ils enton­nent des chants racistes.

Un député du par­ti au pou­voir, l’AKP, a tweeté ce qui peut être envis­agé comme une men­ace : Hüseyin Kocabiyik a écrit qu’en cas d’assassinat con­tre les hommes d’état, on dévalis­erait les pris­ons et on pendrait tous les mem­bres du FETO et du PKK.

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Enfin, lun­di matin, Lev­ent Pişkin, l’avocat de Sela­hat­tin Demir­taş était lui aus­si la cible d’un raid des policiers turcs. Son matériel a été con­fisqué et il se trou­ve main­tenant à la prison de Bur­sa. Il sem­ble selon cer­tains rap­ports que l’arrestation de l’avocat du détenu le plus célèbre de Turquie soit liée à un risque d’interview auprès d’un mag­a­zine alle­mand. Les media de l’AKP ont vu dans cette inter­view à réalis­er une pos­si­ble « pro­pa­gande » à des­ti­na­tion de l’Allemagne et de l’Europe.

EUROPE
MANIFESTATIONS

Deux grandes man­i­fes­ta­tions ont eu lieu en Europe cette semaine : une à Cologne et l’autre à Brux­elles. A Brux­elles, un con­voi de voitures est arrivé après la man­i­fes­ta­tion à l’institut kurde pour ten­ter d’y met­tre le feu.

A Cologne, ils étaient presque cent mille, cent mille man­i­fes­tants pour dénon­cer les arresta­tions de jour­nal­istes et d’élus en Turquie.

Le par­lemen­taire du par­ti Die Linke, Sevim Dagde­len, a cri­tiqué la dic­tature islamiste d’Erdogan et le sou­tien du gou­verne­ment alle­mand à sa politique.

Le prési­dent du syn­di­cat de la presse alle­mande, Frank Über­al, a appelé les respon­s­ables poli­tiques alle­mands et européens à ne rien sac­ri­fi­er en ce qui con­cerne les droits de l’homme, et à cess­er de se taire face aux arresta­tions de sci­en­tifiques, de jour­nal­istes, de respon­s­ables poli­tiques et de pro­fesseurs en Turquie.

A Brux­elles, une autre man­i­fes­ta­tion a eu lieu ce jeu­di. Par­tie depuis la gare du nord, la man­i­fes­ta­tion devait rejoin­dre la place Schu­man en face du bâti­ment des insti­tu­tions européennes.

Le député Faysal Sariy­ildiz, du HDP, était à la man­i­fes­ta­tion. Il a rap­pelé les mas­sacres com­mis par l’Etat turc au Kur­dis­tan, les villes bom­bardées, détru­ites. Il a rap­pelé le sort de toutes ces per­son­nes qui avaient été brûlées vives dans les caves de l’horreur à Cizre.

Ertu­grul Kürkçü, député HDP d’Izmir, était là aus­si. Il appelle les autorités européennes à arrêter l’AKP.

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Après la man­i­fes­ta­tion, un cortège de voitures pavoisées de dra­peaux turcs est descen­du dans la com­mune de Saint Josse, à Brux­elles, où se trou­ve l’institut kurde. Là, les mil­i­tants pro-Erdo­gan ont ten­té d’allumer un incendie.

Le bourgmestre social­iste de Saint Josse, Emir Kir, a com­men­té ces attaques vio­lentes d’une façon assez par­ti­c­ulière : « on a vu défil­er, dit-il, des mil­i­tants de l’or­gan­i­sa­tion ter­ror­iste PKK. Et pour les Turcs, quand vous par­lez de PKK, c’est la réso­nance par rap­port aux atten­tats suc­ces­sifs en Turquie qui ont fait des dizaines de mil­liers de morts. La Bel­gique est un pays ami de la Turquie et ils ne com­pren­nent pas pourquoi les autorités don­nent sys­té­ma­tique­ment des autori­sa­tions à cer­taines asso­ci­a­tions qui en réal­ité per­me­t­tent la pro­pa­gande ter­ror­iste. C’est comme si on per­me­t­tait à Madrid de faire une man­i­fes­ta­tion pour Daesh, ce serait insup­port­able pour les Belges qui ont vécu les attentats. »

EUTELSAT
UNE VICTOIRE POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Le tri­bunal de com­merce de Paris a ren­du son juge­ment dans l’affaire qui oppose la chaine de télévi­sion kurde Med Nuçe à l’entreprise Eutel­sat qui avait inter­rompu les trans­mis­sions de la chaine.

La déci­sion d’Eutelsat était, selon le tri­bunal, claire­ment illégale.

C’est cette semaine que le juge Thier­ry Hubert-Dupont a ren­du son ver­dict dans l’affaire Eutel­sat. Eutel­sat, c’est cette société de dif­fu­sion satel­li­taire qui avait inter­rompu, à la demande des autorités turques, la trans­mis­sion des chaines télévisées MED Nuce TV et Newroz TV.

Le juge­ment ren­du par la cour indique qu’Eutelsat n’a aucune preuve con­crète, sérieuse et val­able pour établir que la télévi­sion kurde a des liens avec le PKK.

Pour l’avocat de la chaine kurde, Jean louis Mal­terre, même si Eutel­sat se pour­voit en appel, cela ne chang­era rien sur le fond. Pour l’avocat, le ver­dict du tri­bunal est une grande vic­toire pour la lib­erté de la presse.

Le gou­verne­ment français avait aus­si déclaré qu’à moins qu’il n’y ait des preuves de dif­fu­sions de con­tenus vio­lents, la fer­me­ture d’une chaine de télévi­sion était inacceptable.