Les Co-maires de Diyarbakır Metro­pole, Gül­tan Kışanak et Fırat Anlı ont été mis en garde à vue mar­di 25 octo­bre. Le 30 octo­bre, Sela­hat­tin Demir­taş, Co-prési­dent du HDP, a pronon­cé un dis­cours devant la mairie. 

Nous pub­lions la tra­duc­tion des extraits, pour archive.


Extraits du discours de Selahattin Demirtaş

30 octo­bre 2016, Diyarbakır

Dans tous les palais de Jus­tice aujour­d’hui en Turquie, règne la crainte d’Er­doğan. Ils peu­vent déclar­er le pro­cureur qui ne déciderait pas dans le sens où Erdoğan voudrait, instan­ta­né­ment comme putschiste, ter­ror­iste et le met­tre en prison. Ils peu­vent accuser de ter­ror­istes et jeter en prison tous ceux qui n’emboîtent pas le pas à Erdoğan, qu’ils soient Préfets, directeurs de la police, même des forces spé­ciales. C’est pour cela, que nos Co-maires n’ont pas un juge­ment équitable, il/elles sont pris­Es en otage. Depuis cinq jours le pro­cureur n’a pas posé une seule ques­tion. Qu’at­tends-tu depuis cinq jours ? Es-tu obligé de tenir unE Co-maire dans une cel­lule pen­dant cinq jours, juste pour pos­er des ques­tions ? Mais qui tu es ? L’au­rais-tu con­vo­quéE et il/elle ne serait pas venuE ? La Mairie et le palais de Jus­tice sont côte à côte.

Mon­sieur le Pro­cureur est obligé de les met­tre en garde-à-vue, et de les tenir cinq jours, dix jours ? Où se trou­ve cela dans le Droit, dans les lois ? C’est une impo­si­tion déshon­o­rante. Le prob­lème n’est pas Gül­tan Kışanak ou Fırat Anlı.

Un régime digne d’Hitler est arrivé pas à pas et s’écroule sur la tête de tout le monde, comme un cauchemar. Toutes les per­son­nes qui ne dis­ent pas “Erdoğan est notre sul­tan” sont déclarées ter­ror­istes. Et il appel­lent cela “démoc­ra­tie avancée”

Il faut que la Turquie se réveille. Tous les gens qui vivent à l’Ouest de la Turquie, et qui souhait­ent une vie du côté de la Jus­tice, s’ils/elles ne joignent pas leur voix à celle du Kurde, ils/elles ne trou­veront même pas le temps de dire “ah” en se faisant écras­er sous le fas­cisme d’Hitler assis sur leur tête. C’est le moment. Le jour de la sol­i­dar­ité est aujour­d’hui. Demain, il n’y aura plus de temps.

Celles et ceux dans la bureau­cratie, qui voient le dan­ger de cette pro­gres­sion, s’ils/elles veu­lent émet­tre un son, c’est aujour­d’hui qu’ils/elles doivent le faire. Dans ce pays, il n’y a pas un seul pro­cureur qui défendra le Droit ? Il n’y a plus un seul bureau­crate courageux/se qui serait capa­ble de dire “j’en ai marre de cette oppres­sion, cette absence de Droit. Je ne me soumet­trai pas à Erdoğan” ? Où êtes-vous ? Regardez, ils vous ont tous déclaré ter­ror­istes, ils relèvent tout le monde de leurs fonc­tions. Pourquoi ? Parce qu’ils/elles ne se sont pas soumis­ES suff­isam­ment à Erdoğan. Il faut devenir serfs et esclaves d’Erdoğan ?

Quel que soit le prix, nous ne fer­ons pas de pas en arrière. Il n’y a pas de règles pour que nous vivons touTEs jusqu’à 100 ans. C’est le dieu qui décide. Vivons une minute avec hon­neur, c’est mieux que de vivre 100 ans sans hon­neur. Nous sommes un Peu­ple comme ça.

Un total déshon­neur est imposé aux fonc­tion­naires, au médecins, aux enseignantEs, aux uni­ver­si­taires. Leur tra­vail, leur gagne pain est repris. Il n’y a pas de place pour per­son­ne qui n’est pas de l’AKP, et qui ne se soumet pas à Erdoğan, tout en étant de l’AKP. Jusqu’à 1950, l’E­tat était l’é­tat du CHP, main­tenant il est celui d’Erdoğan.

Cela va con­tin­uer, mais jusqu’où ? Juste­ment, c’est parce qu’ils savent qu’ils ne peu­vent pas gag­n­er, tant qu’ils/elles ne peu­vent nous tor­dre le poignet, le point d’at­taque prin­ci­pale est le HDP. Ils essayent de bris­er notre volon­té. Aujour­d’hui c’est nos Co-maires, demain nos députés, ensuite ils vont aller jusqu’à dis­soudre le parti.

Toi qui te réjouis d’avoir trou­vé du boulot au Palais, comme Bahçeli [leader du MHP, par­ti nation­al­iste], quand ce sera ton tour demain, tu ne trou­veras per­son­ne pour te défendre. Les Secré­taires généraux qui bradent leurs principes pour sauve­g­arder leur siège, ne sont pas des espoirs. Il n’y a plus d’e­spoir ni dans l’op­po­si­tion prin­ci­pale, ni dans l’op­po­si­tion secondaire.

Il n’y a plus d’élec­tions de directeurs d’u­ni­ver­sité, il va les nom­mer lui même. Demain il ne fera plus d’élec­tions pour les députés non plus. Il dira, je choi­sis mieux, moi, le plus local, le plus autochtone, le plus nation­al. Il nom­mera comme député, son gen­dre, son beau-frère, son cousin. Tout cela peut paraitre tra­gi-comique mais dans l’his­toire récente, il y a déjà un leader qui a procédé comme tel, sa mous­tache est courte, son nom est Hitler. Il a fait les mêmes choses, il fer­mé les par­tis, arrêté touTEs les opposantEs, et s’est déclaré Führer. Regardez, c’est la même chose. Ce genre de men­tal­ités folles sont capa­bles de tout. Face à ceux là, même si une seule per­son­ne allumait dans l’ob­scu­rité une allumette, l’ob­scu­rité dis­paraitraît. C’est parce que nous menons cette lutte qu’ils nous attaque­nt d’une façon si bar­bare. Qu’ils con­tin­u­ent. Nous allons élargir notre alliance dans la rue, en vis­i­tant mai­son par mai­son. Nous ne regarderons pas l’i­den­tité de ceux et celles dont nous tenons la main. Nous regarderons, si c’est unE oppriméE, s’il/elle est prEte à résister.

Vous croyez qu’il y a fla­grant délit, quand il arrête le Co-maire en descen­dant de l’avion ? Vous croyez qu’il y a fla­grant délit, s’il fait une descente chez la Co-maire pour l’ar­rêter ? Regardez, Fırat Anlı, dans le cadre de la même enquête, a déposé son témoignage la semaine dernière. Une semaine après, il a été arrêté chez lui, avec perquisition.

Mon frère, il n’y a pas de fla­grant délit. Il s’ag­it d’un dis­cours qui date d’un an, de trois ans. Pourquoi alors tu attends depuis trois ans ? Tout cela veut dire qu’il s’ag­it de la mise en pra­tique d’un agen­da poli­tique, pas à pas, ce n’est pas une his­toire de justice.

Le Pre­mier Min­istre frotte ses mains, “Que la jus­tice décide, nous affecterons un admin­is­tra­teur [pour le HDP]”. Ah bon ? D’ac­cord. La mis­sion de l’ad­min­is­tra­teur dure jusqu’à quand ? Jusqu’aux urnes ? Quand l’ urne sera ouverte, toi, l’in­di­vidu qui est au Palais, et toute votre bande de voleurs, allez vous enfon­cer dans cette urne, pour ne plus jamais pou­voir sor­tir de là. ! Vous n’allez quand même pas diriger [le pays] avec des admin­is­tra­teurs pen­dant 100 ans ?

Dans les pre­mières années de la République, la péri­ode de par­ti unique était comme cela aus­si. Les Maires étaient assignés. Mossieur veut vivre ces années, de nou­veau. Dans les jours à venir, Erdoğan va aus­si essay­er de chang­er le sys­tème des élec­tions. Il va met­tre le feu à la mèche. Il va essay­er d’ap­porter un sys­tème qui lui pro­cur­era 400 députés. Parce qu’il sait très bien que s’il perd les élec­tions, il devra don­ner des comptes sur tout ce qu’il a fait.

Une juge mem­bre du Con­seil d’E­tat, c’est à dire, une juge qui est arrivé au plus haut niveau qu’elle peut attein­dre dans la jus­tice, essaye de se faire enten­dre en dis­ant “je suis tor­turée”. Qui ? Une juge, mem­bre du Con­seil d’E­tat. Ils sont si audacieux…

Et le Min­istre de Jus­tice se mon­tre et dit “S’il y a tor­tures, prou­vez-le”. Mais Mon­sieur Bekir, je t’ai déjà fait appel, viens, allons dans une prison. Si tu es si con­fi­ant, allons à la prison de Silivri, avec le Pro­cureur d’Is­tan­bul et unE représen­tantE du bar­reau. Voyons s’il y a tor­tures ou non. S’il y a tor­ture, en sor­tant, tu démis­sionnes, s’il y en a pas c’est moi qui démis­sionne. Nous faisons des appels si clairs, mais le Min­istre, tra­vaille lui même, en tant que fonc­tion­naire dont la mis­sion est de cou­vrir la torture.

L’in­di­vidu au Palais déclare “Des léséEs ? Per­son­ne n’est lésé”. Les biens d’un mon­tant plus impor­tant que le bud­get du Tré­sor sont con­fisqués. Ils ont con­fisqué les maisons où les gens vivaient. Ils dit encore qu’il n’y a per­son­ne de lésé. Il y a des gens qui n’ont pas vu encore, depuis des mois, le vis­age d’unE juge.

Hier, le seul jour­nal kur­do­phone a été fer­mé. L’u­nique agence d’in­for­ma­tion con­sti­tuée que des femmes, JINHA est fer­mée. Nous sommes passés dans la péri­ode de chaîne unique TRT. A par­tir de main­tenant, toutes les chaines passeront en direct, dès que Tayyip Erdoğan tou­ssera, éter­nuera. Et celles qui n’ac­ceptent pas de le faire, seront fermées.

Mai­son par mai­son, café par café, nous allons vis­iter. Ne méprisez jamais nos appels. Nous allons men­er tout un tra­vail, face à face. Comme dans les années 90, comme nous avions tra­vail­lé dans les con­di­tions dif­fi­ciles de cette péri­ode. Dans les villes où nous sommes organ­isés, des mil­liers de per­son­nes tra­vail­lent sur le terrain.

Notre auto-con­fi­ance est entière. Pourquoi ? Parce que nous sommes con­va­in­cus de la légitim­ité de notre cause. Nous atten­dons que la sen­si­bil­ité de la pop­u­la­tion d’Amed, con­tin­ue. J’e­spère qu’ils ne fer­ont pas une folie comme des arresta­tions. Nous souhaitons, qu’ils ne pra­tiquent pas cette folie d’ad­min­is­tra­teur, surtout dans les mairies métrop­o­les de Diyarbakır, Mardin, Van. Mais il n’y a pas de cer­ti­tudes qu’ils évi­tent ces folies. Car nous avons vu qu’ils ont fait la plus grandes des folies à Cizre, à Sur…

Les com­man­dants qui fai­saient des tirs de canon ici, jusqu’à hier, sont aujour­d’hui en prison comme putschistes. Aujour­d’hui, les fonc­tion­naires publics peu­vent être sac­ri­fiés à leur tour. Dans le temps, la con­frérie [de Gülen] avait un pro­cureur, bedonnant et aux lunettes de soleil, Zek­eriya Öz. Vous vous sou­venez com­ment il a fui. Il était à la télé tous les soirs comme un héros. Il ne pré­parait aucun réquisi­toire lui même. Il n’en avait pas les capac­ités. Les dossiers étaient pré­parés et lui étaient envoyés.. Il y appo­sait sa sig­na­ture et il dirigeait les opéra­tions ordon­nées par Ankara. Le Pro­cureur héros, se pavanait partout. Mais le vent a tourné et il a fui. Ceux qui tra­vail­lent aujour­d’hui dans l’E­tat ici, ne com­met­tez pas de dél­its en faisant con­fi­ance au pou­voir actuel. Si ce qu’on appelle Etat, sort du Droit et des lois, devient un Etat de non droit, devient un gang, le devoir d’établir la Jus­tice est la mis­sion du citoyen.

Bien sûr nous avons payé le prix, nous con­tin­uerons à le pay­er, en prenant ce risque, nous con­tin­uerons cette lutte pour la lib­erté et nous vaincrons.


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