Un bil­let de Franz-Olivi­er Gies­bert dans le Point fait les choux gras des réseaux soci­aux. Erdoğan “deviendrait” l’al­lié de Daech, et l’on devrait deman­der “pitié” pour les Kur­des. Le reste est un coup de gueule à l’avenant.

Pour plus de sérieux, j’ai voulu repren­dre langue avec l’ac­tu­al­ité con­crète de ces jours derniers.

Une des sources impor­tantes, per­me­t­tant de crois­er et véri­fi­er les infor­ma­tions sur la sit­u­a­tion quo­ti­di­enne en Turquie, et au Bakur, était, entre autres, l’a­gence JINHA.

Notre Agence d’in­for­ma­tions est fer­mée par décret statu­taire”… Voilà ce qu’on y lit en ligne, depuis la date du 29 octo­bre à 21h17.

Suit une longue liste de sites, agences indépen­dantes, médias, points d’in­for­ma­tions , qui ont été fer­més par décrets en rap­port avec l’é­tat d’ur­gence, et les lois “ter­ror­isme”.

Le cab­i­net du min­istre a pub­lié deux nou­veaux ajouts aux décrets Arti­cle 675 et 676. JINHA — Agence d’In­for­ma­tion Jin (femme), DIHA (Agence d’in­for­ma­tion Dicle) et Azadiya Welat ont été fer­més con­for­mé­ment à ces nou­veaux décrets lois.

Comme on peut le con­stater, le coup d’é­tat civ­il d’Er­doğan ne s’embarrasse même plus des fauss­es excus­es des FETÖ, mais vise tous les moyens d’ex­pres­sion kur­des, ou en sou­tien au mou­ve­ment kurde, et bien au delà l’ensem­ble de l’op­po­si­tion démoc­ra­tique qui n’a pas capit­ulé en juillet.

C’est une façon de célébr­er la fête nationale turque et la pseu­do république désor­mais démoc­ra­ture. Le terme deman­derait même à être ren­for­cé. Non, il n’y a pas de démoc­ra­tie en péril… Il n’y a sim­ple­ment pas de démoc­ra­tie, qu’on se le dise.

Il n’y a pas de démoc­ra­tie quand l’E­tat, au mépris de ses pro­pres lois con­sti­tu­tion­nelles, sus­pend des représen­tants locaux élus, les met en arresta­tion, bas­tonne et arrête égale­ment les sou­tiens pop­u­laires qui se man­i­fes­tent alors.

Il n’y a pas de démoc­ra­tie quand le fait du Sul­tan incar­cère les jour­nal­istes aux motifs de “sédi­tion et ter­ror­isme”, fait en sorte de fêter la république en fer­mant des organes de presse dans tout le Pays.

La provo­ca­tion poli­tique de l’AKP, dili­gen­tée par Erdoğan, qui cherche à pouss­er le mou­ve­ment kurde vers des réac­tions de vio­lence en réponse, afin qu’il quitte le chemin qu’il s’est tracé depuis presque deux années : celui du main­tien de la paix civile, a trou­vé des parox­ysmes ces jours derniers, comme à Diyarbakır.

Il est par­faite­ment clair qu’Er­do­gan cherche une guerre ouverte, après avoir fait com­met­tre mas­sacres sur mas­sacres, destruc­tions sur destruc­tions au Bakur. Il veut garder l’a­van­tage, main­tenant qu’il a polar­isé à l’ex­trême la société turque, fait gliss­er son appareil d’E­tat vers un Etat plus appuyé sur la police, la gen­darmerie et des mil­ices sup­plé­tives, tan­dis qu’il tourne le regard de l’ar­mée vers la Syrie et l’I­rak. Le mou­ve­ment kurde et ses alliés démoc­ra­tiques con­tin­ue lui, sans ten­dre l’autre joue pour autant ou relâch­er l’au­to défense, à démon­tr­er que cet Etat ne se respecte pas, et n’est donc pas respectable, qu’il vio­le ses lois et mène une guerre “séparatiste”, con­tre celles et ceux qu’il accuse de l’être.

Cette option de paix devient pour­tant extrême­ment dif­fi­cile à tenir, et les raisons sont multiples.

L’é­tat d’ur­gence, son régime d’ex­cep­tion, accep­té par l’op­po­si­tion kémal­iste, désor­mais pour l’u­nité nationale, libère l’E­tat AKP de toute réserve, surtout après le coup d’é­tat. Ain­si, le coup d’é­tat civ­il, enclenché en 2015 au grand jour, se ren­force au lende­main du 15 juil­let, avec la capit­u­la­tion en rase cam­pagne du CHP, que d’au­cun con­tin­ue à tou­jours con­sid­ér­er comme “inévitable et réal­iste”. Cette frac­ture ouverte place toute l’op­po­si­tion démoc­ra­tique face au régime de démocrature.

Les pop­u­la­tions sont lass­es de la guerre, dému­nies au plus haut point dans les zones détru­ites, tan­dis qu’une jeunesse kurde n’en peut plus de la sit­u­a­tion et voudrait en découdre en face à face. L’op­po­si­tion elle même voit beau­coup de ses forces se retrou­ver dans les geôles du pou­voir dans le même mou­ve­ment. La répres­sion sans retenue con­tre les secteurs comme l’en­seigne­ment, les uni­ver­sités, les secteurs publics, par purges, licen­ciements sans retraite, inter­dic­tions d’ex­ercer ou de quit­ter le ter­ri­toire… et bien pire, a égale­ment usé une aile du mou­ve­ment pour la paix civile.

La dernière étape, après cette provo­ca­tion de Diyarbakır, sera sans doute l’ar­resta­tion et la mise en juge­ment des députés HDP…

Aus­si sommes nous à un réel tour­nant, et non pas seule­ment à une con­stata­tion d’une sit­u­a­tion qui serait “en voie de dur­cisse­ment”. Nous ne pour­rons désor­mais sup­port­er ce dis­cours qui décrirait une Turquie “en voie” de quelque chose. Il s’ag­it de la pour­suite du coup d’é­tat civ­il, et de ses phas­es suiv­antes sur le plan intérieur. Ne nous pres­sons surtout pas, Mes­dames et Messieurs, ici en Europe, pour le constater.

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photo@G.Valck

C’est pourquoi le mou­ve­ment kurde a dû se sen­tir bien seul dans les rues de Paris aujour­d’hui, loin des déc­la­ra­tions dithyra­m­biques et des com­mu­niqués ver­beux du dernier “grand métinge à 60 sig­na­tures de par­tis et asso­ci­a­tions” du 19 octo­bre dernier, dont on ne voy­ait plus guère trace cet après midi de samedi.

On ne peut met­tre seule­ment sur le compte de ce temps maus­sade de Tou­s­saint, ces quelques 500 man­i­fes­tants env­i­ron, dont l’im­mense majorité apparte­nait à la dias­apo­ra. Comme les kedi sont plutôt pour regarder le verre à moitié plein, je dirais seule­ment que le mou­ve­ment kurde s’est mobil­isé lui, en sou­tien con­tre le coup d’é­tat d’Er­do­gan, et que ses sou­tiens eux, ne furent pas à la hau­teur de leurs déc­la­ra­tions récentes, pour cause de con­gés sco­laires… à minima.

L’op­po­si­tion démoc­ra­tique en Turquie, attend autre chose que des pro­pos oppor­tunistes de pré cam­pagne élec­torale française. Le mou­ve­ment kurde dans la dias­po­ra acceptera le moin­dre des sou­tiens, et c’est tout à son hon­neur. Celui d’une gauche de gauche ici serait un peu restau­ré, si elle ouvrait un peu les yeux, et moins la bouche à dis­cours, mais pour mobilis­er ses sou­tiens, et bien au delà, pour faire com­pren­dre que ce qui se passe en Turquie, et au Moyen-Ori­ent, décidera des années à venir, bien davan­tage que le grand guig­nol élec­toral qui s’ou­vre. Qu’est-ce donc qu’une “Marine fait moi peur” face aux bruits de bottes du Moyen-Ori­ent, aux bombes qui tuent, à la desta­bil­i­sa­tion com­plète d’une région aux portes de l’Europe.

Et même au delà, des pop­u­la­tions sont en souf­france, des peu­ples sont dis­crim­inés, poussés sur les routes de l’ex­il. Voilà pour­tant un moyen de lut­ter con­tre les “caus­es”, que de pren­dre soudain con­science, que ce qui se joue dans la région, déter­mine ce qui va se jouer dans la nôtre, de façon irrémé­di­a­ble pour les dix ans à venir.

A moins que tout le monde ne s’ac­corde désor­mais, à droite comme à gauche, sur la fer­me­ture des yeux et des portes… pour le repli sur soi, et la surenchère nationaliste.

Mais je dois arrêter là mon bavardage. Une Bastille en automne ne s’y prête pas.

Cette mobil­i­sa­tion, tout en nous faisant chaud au coeur, parce que nous y avons quand même croisés tous les sou­tiens de la pre­mière heure, m’a néan­moins poussé à ce coup de gueule per­son­nel, que je sais mal­heureuse­ment partagé.

Désolé, vous ne ver­rez pas non plus de pho­togra­phies de Giesbert

Pho­tos de Gérard Valck


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…