Nous ne pouvions pas ignorer l’arrestation de Murat Özyaşar, écrivain turc d’origine kurde, samedi dernier. Un nom parmi beaucoup d’autres, ces dernières semaines, mais qui a retenu l’attention des milieux culturels hors de Turquie.
Et malgré que, “temporairement”, les médias en dehors de la Turquie aient dénoncé abondamment cette arrestation, nous tenions nous aussi à inscrire son nom sur la liste très longue de celles et ceux qu’ils ne faudra pas oublier demain.
Nous ne cessons de le répéter, lorsqu’un nom surgit, il s’agit en fait d’un aspect de l’iceberg de la répression. Murat Özyaşar déplaît au régime, et le coup d’état civil d’Erdoğan et son état d’urgence, permettent de l’arrêter.
Murat Özyaşar était aussi enseignant. Il avait été mis à pied, comme quelques milliers d’autres, là encore. Le voilà, comme quelques centaines d’autres, en garde à vue prolongée, sans qu’un motif ait été donné. Enseignant, Kurde, écrivain, voilà trois chefs d’inculpation tout trouvé qui complèteront l’accusation de “complicité de terrorisme” ou “volonté terroriste supposée” qui sera avancée. Une commission des purges, dans un bureau de l’AKP, en aura décidé sans doute ainsi.
Aslı Erdoğan, toujours emprisonnée à Istanbul, avait été elle arrêtée après la fermeture du journal où elle écrivait. On peut s’attendre à des noms de journalistes, après les fermetures autoritaires des chaînes de radio et de TV des jours précédents. Là, Murat Özyaşar, au petit jour, a vu arriver la police, le samedi 1er octobre, à son domicile d’Istanbul. Il a ensuite été dirigé vers Diyarbakır (Amed) « pour approfondir une enquête au niveau local ».
Nous reprenons ici le témoignage donné par Sylvain Cavaillès, traducteur, (que nous saluons au passage) livrés au journal Le Point :
« C’est un nouvelliste de talent qui a déjà deux titres en turc, dont l’un a été traduit en kurde, Ce sont peut-être ses écrits dans le quotidien prokurde et de gauche, Evrensel, qui pourraient expliquer cette arrestation dont on ne connaît pas les motifs. »
« Or, un décret a paru il y a trois semaines, concernant 11 000 enseignants du secondaire, majoritairement de la région de l’Est et du Sud-Est anatoliens, les a mis à pied parce qu’ils avaient participé à une journée de grève pour protester contre les exactions de l’armée turque dans la région. Murat Özyaşar a appris la sienne à la veille de la rentrée scolaire, le jour où sa fille est née de son mariage avec la journaliste Sibel Ora, responsable du site d’informations indépendant K24. Murat Özyaşar, jusque-là à Diyarbakir, venait d’être muté à Istanbul comme enseignant de littérature”
“Murat Özyaşar est connu pour son engagement linguistique d’abord, puisqu’il travaille dans son œuvre sur les relations entre les langues kurde et turque. S’il écrit en turc, il s’agit d’un turc très marqué par son lieu d’origine, Diyarbakir, et en cela « largement influencé par le kurde »
Murat Özyaşar avait été invité en France en avril dernier pour une journée d’études organisée à l’Université de Strasbourg.
Pour celles et ceux qui désirerait connaître mieux cet écrivain, sachez que la traduction d’un premier recueil de nouvelles en français sera disponible en février 2017 aux éditions Galaade sous le titre “Le Rire noir”.
Les résistances s’organisent, là devant les prisons, par des “tours de veille”, riposte aux fameux “tours de veille pour la démocratie” que tenaient les bigots du régime après le putsch manqué, là carrément aussi par des parutions de journaux confectionnés à la main dans les geôles.
Il est à craindre que les limites soient franchies, et que la résistance doive en partie devoir s’organiser du dehors de la Turquie, concernant celles et ceux que le régime va à coup sûr maintenir en prison s’ils tombent entre ses mains désormais. Il faudra bien un jour cesser de dire ici que “la Turquie est en voie de…” et considérer la limite franchie. Tout autant la résistance sur place, devra le faire à coup sûr. Penser qu’un miraculeux retour en arrière hors de la démocrature intervienne à court terme, serait suicidaire sans doute, et priverait la résistance de celles et ceux qui n’avaient pas pliés en 2015, mais sont aujourd’hui, en tête de liste pour l’élimination.
La situation géopolitique est telle au Moyen-Orient, les situations intérieures, avec les montées xénophobes anti migrants aidant dans les différents Etats européens, on ne peut qu’être pessimistes sur les “voix” qui pourraient s’interposer venant de la vieille Europe en campagnes électorales.
Si à minima, des mouvements de soutien pouvaient obtenir des gouvernements, dans certains Etats européens, le soutien et l’accueil de futurs demandeurs d’asile turcs qui seraient contraints de fuir, cela serait déjà une victoire.
Dans le cas contraire, il est à craindre qu’il faille publier des articles comme ceux-ci à l’infini, qui finiront par ne plus alerter personne…
Ajout du 7 octobre
Murat a été libéré aujourd’hui, après 5 jours de garde-à-vue.
Il sera jugé en liberté.