Qui regarde les mou­ve­ments kur­des d’un peu loin, et englobe la ques­tion kurde dans une vision “nation­al­iste” et “indépen­dan­tiste”, non seule­ment ne peut appréhen­der le proces­sus en cours au Roja­va, mais surtout ne voit pas les frac­tures poli­tiques, qui se man­i­fes­tent très claire­ment sur place.

Cet arti­cle ne pré­tend pas faire un his­torique des démarch­es poli­tiques dif­férentes, voire tra­ver­sées par des ques­tions de “classe” et donc d’op­tions de con­struc­tion d’un Etat ou non, pour le compte de “bour­geoisies” locales, et d’in­vestis­seurs liés aux éner­gies fos­siles, pour la plu­part. Il veut sim­ple­ment relater des faits, et leur don­ner sens.

Mas­soud Barzani, par exem­ple, est por­teur d’un pro­jet très dif­férent dans le Kur­dis­tan irakien, de celui des Kur­des syriens, pour faire court.

Barzani et le PDK, son par­ti, ont depuis le début de la crise syri­enne ten­té d’endiguer le pro­grès des forces kur­des syri­ennes dont le prin­ci­pal par­ti est le PYD, « organ­i­sa­tion sœur » du PKK créée en 2003, suite au 8ème Con­grès de ce dernier par­ti. Celà se traduit donc par des faits con­crets, dont l’un vient de se man­i­fester à Erbil, con­tre le mou­ve­ment des femmes (asso­ci­a­tion REPAK).

On nous a fait par­venir un texte de protes­ta­tion que nous repro­duisons ici, et dont nous allons ten­ter d’é­clair­cir le fond, pour celles et ceux qui ne sont pas directe­ment dans la com­préhen­sion de cette actualité.

Nous ne pou­vons égale­ment que vous con­seiller la lec­ture d’ar­ti­cles pub­liés sur “les clés du Moyen Ori­ent”, pour vous retrou­ver dans ce con­texte, dont ici peu de médias par­lent, même si nous ne parta­geons pas tou­jours les points de vue des pub­li­ca­tions de cette revue, plutôt à usage “uni­ver­si­taire”, mais très riche en analyses.

Voici donc le texte en ques­tion, dans la tra­duc­tion orig­i­nale. Il est à l’o­rig­ine, des­tiné à envoi en direc­tion du gou­verne­ment région­al du Kur­dis­tan irakien :

En tant que TJKE [Représen­ta­tion Inter­na­tionale du Mou­ve­ment des Femmes Kur­des], nous blâ­mons l’assaut des forces Assayesh du PDK sur l’association REPAK –Cen­tre des rela­tions des femmes kur­des, per­pétré ce matin à Erbil. Nous inter­pré­tons cet acte comme la démon­stra­tion d’une poli­tique col­lab­o­ra­trice actu­al­isée, des sales alliances qui visent selon son nou­veau con­cept à ren­forcer les pres­sions sur les activistes, les politi­ciens, et par­ti­c­ulière­ment les femmes mobilisées.

REPAK qui depuis quelques années est une référence con­cer­nant l’ouverture de la lutte des femmes vers le Moyen Ori­ent et vers le monde a été la cible d’une attaque qui ne con­nait nulle­ment la volon­té des femmes. Il est de ce fait très clair que la lutte de libéra­tion des femmes kur­des est un obsta­cle majeur pour la stratégie de nou­veau design du Moyen Ori­ent par les forces Inter­na­tionales. A la 100ème année de la con­ven­tion Sykes-Picot, cette atti­tude, qui cible les justes reven­di­ca­tions des femmes kur­des et du peu­ple kurde est une par­tie du con­cept d’éradication.

Les semaines passées une activiste kurde Sen­ge et une jour­nal­iste kurde Aysel Aves­ta avait été mis­es en garde à vue par ces mêmes forces d’Assayesh du PDK. Nous con­sta­tons aujourd’hui que cela était un sig­nal qui démon­tre cette réal­ité actuelle. En tant que TJKE nous affir­mons que nous allons dénon­cer où que nous sommes ces approches col­lab­o­ra­tri­ces du PDK issue de la men­tal­ité patri­ar­cale. Plus les guer­res aug­mentent, plus les intérêts con­jonc­turels se croisent et plus les femmes en lutte sont le pre­mier point de mire de ce sys­tème enne­mi des valeurs de l’humanité. Par con­séquent, ces attaques per­pétré sur REPAK, qui est la voix des femmes kur­des au Moyen Ori­ent et dans le monde, n’a pour seul but d’éradiquer la volon­té des femmes. Il ne faut pas oubli­er le rôle du REPAK qui était un point de ren­con­tre pour la délé­ga­tion inter­na­tionale, au temps du mas­sacre de Sin­jar et de la bataille de Kobane, pour le change­ment social et poli­tique au Kur­dis­tan du Sud. Met­tre la clef sur la porte du REPAK, asso­ci­a­tion dont le statut est recon­nu par les autorités d’Erbil, n’a aucune légitim­ité. Cette sit­u­a­tion est donc inac­cept­able, ni au niveau de la juri­dic­tion régionale, ni inter­na­tionale. Nous sommes réelle­ment face à une vio­la­tion des droits associatifs.

Nous appelons l’ONU, les mou­ve­ments des femmes dans le monde, les organ­i­sa­tions des droits humains, à expos­er cette sit­u­a­tion à l’opinion publique Inter­na­tionale, afin de met­tre fin aux actes hors la loi infligés aux Kur­des par le PDK.

TJKE — Représen­ta­tion Inter­na­tionale du Mou­ve­ment des Femmes Kurdes

Voici donc un fait par­mi beau­coup d’autres, qui démon­tre, à l’ap­proche d’un nou­veau round de négo­ci­a­tions à Genève sur la Syrie, la volon­té des puis­sances régionales de choisir leur camp en fonc­tion de leurs intérêts pro­pres, en s’alig­nant sur tel ou tel de la “coali­tion”, en col­lab­o­rant avec telle ou telle puis­sance régionale plus grosse qu’elle, et en don­nant des gages de bonne conduite.

Sachez par exem­ple, que la fron­tière entre zone kurde iraki­enne et zone syri­enne est sévère­ment fil­trée, et que tout com­bat­tant inter­na­tion­al, engagé aux côtés des YPG au Roja­va, soit ne peut voy­ager d’une zone à l’autre, soit se retrou­ve en prison à Erbil s’il est “repéré”. Sachez aus­si que le sou­tien “logis­tique” des Etats Unis aux Kur­des, et notam­ment irakiens, se paie par des con­ces­sions et des marchandages poli­tiques, dans le cadre de la vision du “grand partage” qui pré­side aux moti­va­tions inter­na­tionales. La Russie fait de même en Syrie, tout comme la France, l’I­ran et l’Ara­bie saoudite.

Le pacte de “non agres­sion” qui lie le régime turc à Barzani entre dans ce cadre. Inutile d’in­sis­ter sur le rôle que tient l’ex­ploita­tion des éner­gies fos­siles, déjà en grande par­tie à l’o­rig­ine de la con­tre offen­sive du régime Bachar con­tre son peu­ple, au début du soulève­ment en Syrie.

Ce qui pour­rait donc appa­raître comme une “péripétie”, dans une “guéguerre” poli­tique entre Kur­des, est donc en réal­ité dans le droit fil des rela­tions d’in­térêts, et donc des diver­gences de taille, entre le régime kurde irakien, et les proces­sus qui se dévelop­pent au Roja­va, dans lequel les femmes se retrou­vent résol­u­ment en pre­mière ligne.

Ceci devrait aider à tenir en éveil, et servir d’aune, pour juger de tel ou tel sou­tien “inter­na­tion­al” aux com­bat­tants kur­des, éviter de pra­ti­quer la poli­tique de “l’en­ne­mi de mon enne­mi est mon ami”, sou­vent mise en avant par des afi­ciona­dos de Pou­tine, et exercer toutes les vig­i­lances, sur les con­trepar­ties sou­vent réclamées.

Nous ne pou­vons bien sûr juger des con­ces­sions faites pour leur survie, physique et poli­tique, par le mou­ve­ment kurde, mais là, con­cer­nant la poli­tique d’un Barzani, il est avéré qu’il se retrou­ve dans cet imbroglio d’in­térêts diver­gents, et défend sur place une issue où les financiers et sa classe dirigeante seraient au pre­mier rang.

Il devient donc avéré que, même au Moyen Ori­ent,  quand le com­bat con­tre le patri­ar­cat prend de l’am­pleur, il recoupe un con­flit d’in­térêts de class­es sociales égale­ment. Les femmes kur­des d’I­rak en témoignent.

Et à l’heure où tous les médias occi­den­taux clairon­nent les “vic­toires de la coali­tion” et les “reculs de Daech”, con­stater que les solu­tions envis­agées et les issues vers lesquelles cha­cun se dirige, sont les caus­es même des guer­res dans la région, devrait faire réfléchir aux pseu­dos négo­ci­a­tions de paix. La même leçon de choses nous est fournie dans l’at­ti­tude schiz­o­phrène des gou­verne­ments occi­den­taux qui fer­ment les yeux sur les guer­res d’Er­do­gan et pensent un “règle­ment inter­na­tion­al” pos­si­ble des guer­res au Moyen Ori­ent, en sou­tenant ceux qui les attisent.

Le Liban devra-t-il s’embraser à son tour, comme beau­coup d’indi­ca­teurs le montre…

Nous ne ces­sons de le répéter, sans pour­tant en faire un totem, les propo­si­tions de con­fédéral­isme démoc­ra­tique faites par le Roja­va, et la démarche non “nation­al­iste” des com­posantes poli­tiques kur­des en Turquie et en Syrie dérangent le jeu diplo­ma­tique et la réal poli­tique, qui cache en réal­ité les appétits de tou­jours des oli­garchies inter­na­tionales. Et les femmes y mènent un com­bat primordial.

femmes kurdesREPAK Face­book 

Le bil­let de Jin­ha en turc
Arti­cle de Mer­al Çiçek présente lors de l’éven­e­ment (en turc)

 


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