Cette chan­son azérie com­posée par Bekirof, dans le maqâm1 hicaz, fait par­tie de celles qui tra­versent aus­si bien les fêtes, dans la joie et le bon­heur, que les instants de soli­tude et de tristesse, surtout quand il s’ag­it de cha­grin amoureux…

Elle a récem­ment tra­ver­sé mon écran avec cette ver­sion, pub­liée sur Face­book, par notre ami l’Oeil Noir, chroniqueur à Kedis­tan. Donc, spé­cial dédi­cace chaleureuse et un grand merci !

Il n’est pas éton­nant que notre ami tombe sous le charme de cette voix mys­térieuse. L’in­ter­pré­ta­tion de la soprane Figen Genç est en effet une des plus belles ver­sions. La chan­son fait par­tie d’un de ses albums, ‑et lui donne son titre- qui regroupe plusieurs chan­sons azéries.

De nom­breuses artistes ont inter­prété “Nazende Sevgilim” dans leur style bien à eux. Nous allons faire un tour d’hori­zon ensem­ble, mais avant, voici les paroles.

Nazende sevgilim
Değdi saçlarıma bahar küleği
Nazende sevgilim yâdıma düştün
Her erin bahtına bir güzel düşer
Sen de tek benim yâdıma düştün
Nazende sevgilim yâdıma düştün
Sensiz dağ döşüne çıktım bu seher
Öksüz kumru gibi güller laleler
Sen niye yalnızsın sordular eller
Böyledir üzgünüm yâdıma düştün
Nazende sevgilim yâdıma düştün
Gözlerim yoldadır, kulağım seste
Ben seni unutamam en son nefeste
Ey ceylan bakışlım, ey boyu deste
Ey taze sevdiğim yâdıma düştün
Nazende sevgilim yâdıma düştün

Et en français…

Mon amoureuse fragile
Le vent du printemps a touché mes cheveux
Mon amoureuse fragile tu es tombée dans ma tête
Dans le sort (la part) de chaque homme tombe une belle
Et toi, tu es tombée seule dans ma tête
Mon amoureuse fragile tu es tombée dans ma tête
Sans toi, je suis montée sur le coeur de la montagne dans les aurores
Les tulipes, les roses, sont comme des colombes orphelines
Les gens ont demandé, pourquoi es tu seul
C’est comme ça, je suis triste, tu es tombée dans ma tête
Mon amoureuse fragile tu es tombée dans ma tête
Mes yeux rivés sur les routes, mes oreilles attentives aux bruits
Je ne peux t’oublier jusqu’au dernier soupir
Ô regard de biche, ô élancée
Ô mon amoureuse fraîche tu es tombée dans ma tête
Mon amoureuse fragile tu es tombée dans ma tête

La ver­sion en azérie est légère­ment différente…

Nazənde Səvgilim
Deydi saçlarıma bahar küleyi
Nazende sevgilim yadıma düşdün
Herenin baxtına bir gözel düşer
Sende tekce menim adıma düşdün
Nazende sevgilim yadıma düşdün
Sensiz dağ döşüne çıxdım bu seher
Ötdü gumru kimi gül şelaleler
Ey niye yalgızsan?sordu laleler
Gövretdi niskilim yadıma düşdün
Nazende sevgilim yadıma düşdün
Gözlerim yoldasır gulağım sesde
Seni unudmaram men son nefesde
Ey ceyran baxışlım, ey boyu deste
Ey taze tergülüm yadıma düşdün
Nazende sevgilim yadıma düşdün

Pour les musi­cos, la par­ti­tion est .


Por­tant le prénom ‘Naz’ moi même, je vous dois une petite expli­ca­tion sur le mot nazende

Pour cette chan­son nous avons choisi le terme « frag­ile ». Nazende veut dire celle/celui qui fait du naz ou qui a du naz dans sa nature…

Mais qu’est-ce que c’est donc naz ? Il n’est pas pos­si­ble de traduire lit­térale­ment ce mot vers le français par un seul mot. Car naz est tout un pro­gramme rock’n’roll… On dit qu’une per­son­ne ‘fait du naz’ quand elle se rend dif­fi­cile, inat­teignable, par jeu, par coquet­terie, coquiner­ie. Manières et minaud­eries font par­tie de la panoplie. Le proverbe turc dit « trop de naz fait fuir l’amant‑e », là vous voyez plus claire­ment, non ?

Je sais le mot qui passe dans votre tête. Non ce n’est pas spé­ciale­ment un chieur, une chieuse ni un emmerdeur, une emmerdeuse. Cet état d’être n’est pas perçu totale­ment néga­tive­ment. Et c’est même encore un peu plus large. Une per­son­ne nazende ou nazlı, peut faire du naz par choix, mais peut être de nature frag­ile, dif­fi­cile aus­si… Par exem­ple, une plante, ou un enfant nazlı, sont des êtres qui deman­dent une atten­tion par­ti­c­ulière, beau­coup de soins, de la déli­catesse. Dans ce sens, quand on est amoureux-se d’une per­son­ne nazende, on assume… Et comme dans les cul­tures ori­en­tales, l’Amour et la pas­sion riment avec souf­france et qu’on exprime la douleur ressen­tie par la musique (voire la tra­di­tion des lamen­ta­tions), les nazende et les nazlı sont les stars des chan­sons d’amour…

La langue française nous a obligé aus­si de choisir un genre pour la/le nazende de la chan­son. Or dans les langues azérie et turque il n’y a pas de genre. Ce qui pose sou­vent prob­lème à la tra­duc­tion, car des les règles que nous adop­tons en France, pour féminis­er les textes, devi­en­nent un tue-har­monie quand il s’ag­it de poésie. Vous êtes tous-tes libres de dessin­er votre nazende préféré‑e dans votre imag­i­na­tion, et je sais que vous éviterez les com­men­taires du style “c’est parce que c’est une emmerdeuse que tu as préféré met­tre le per­son­nage au féminin”.

Si vous êtes tur­coph­o­ne, ayez l’or­eille fine, vous allez vous en ren­dre compte. Il y a toute un mic mac avec les paroles de cette chan­son. Vis­i­ble­ment, le terme “bahar küleği” (vent de print­emps) n’est pas tou­jours bien enten­du, par les artistes. C’est vrai que “külek” est un mot en azéri donc les tur­coph­o­nes enten­dent et mémorisent des mots dont leurs oreilles ont l’habi­tude. Il n’est donc pas rare que ce pre­mier vers soit chan­té comme “bahar gül­leri” (ros­es du print­emps), ou encore “bahar güneşi” (soleil de printemps).

Com­mençons donc par le Maître ! Le chanteur azéri Rəşid Behbu­dov, décédé en 1989 à 73 ans. Voilà un enreg­istrement ancien.

https://youtu.be/xKF7tf35Qgg

Ezginin Gün­lüğü, groupe de Rock ana­tolien, avec la voix de Hakan Yılmaz.

Tan­su, face B de son 45 tours paru en 1971.

Une autre voix fémi­nine… Celle d’Irem Deri­ci.
Craquons donc pour le décor stan­bouliote devant lequel Irem et les musi­ciens se trou­vent… Mais ici vous pou­vez écouter une autre ver­sion enreg­istrée en stu­dio… Les deux inter­pré­ta­tions sont légère­ment différentes.

Une ver­sion live de Son­er Olgun.

Nalan Altınörs, une belle inter­pré­ta­tion dans le style “Türk Sanat Müzi­gi” qu’on peut traduire par “Musique d’Art turque”…

Le tenor Murat Kara­han, avec un orchestre sym­phonique s’il vous plait !
En bonus, vous avez une mag­nifique intro inter­prétée par Tur­gay Coşkun au qanûn2

Aylin Şengün Taşçı accom­pa­g­née d’ac­cordéon (craquant le jeunot, et il le sait)…

https://youtu.be/CcJzgHcJ7X0

Ender Doğan, une inter­pré­ta­tion fidèle à son style.

Et… sou­venirs, sou­venirs… Esin Afşar & Nez­ih Karabiber

Si vous voulez aller plus loin, vous pou­vez écouter, en cli­quant sur le noms, Ebru YaşarAbbas Bagirov, Siya­halEda Karay­tuğÖykü Gür­manMuazzez ErsoyMine GeçiliNadir QafarzadeSinan ÖzenAta Demir­er et tant d’autres…

Touch­es acous­tiques” Alp Özgir­gin à la guitare…

Il existe aus­si, pas mal de ver­sions instru­men­tales. Vous pou­vez écouter notre chan­son, au piano, au qanûnen duo piano et târ3… Et si vous voulez vous essay­er, il y a égale­ment une ver­sion karaoke.

Nous avons bien aimé ce moment musi­cal partagé entre amis, parce qu’il est authen­tique et attachant. Mais quelle est donc cette manière de trin­quer entre hommes ? Non mais ! Comme si les femmes qui aiment le rakı et la musique man­quaient !… (Can Yücel : “les femmes qui boivent du raki”)

Avant de finir notre voy­age, un coup de coeur pour Gamze Keleş.  On n’est jamais mieux servi que par soi mêle. Bra­vo pour son tra­vail ! Franche­ment elle assure.

Nous allons ter­min­er notre voy­age sur une ver­sion instru­men­tale, qua­si envoutante. Ser­hat Tanın­mış à la clar­inette et Önder Sanılan à la gui­tare acoustique.

Savourez…


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.