Nos lectrices et lecteurs ont été sans doute nombreux à ne pas pouvoir joindre le site Kedistan durant le mois écoulé, voire à constater que le rythme de parution des articles avait été divisé par deux.
Quelques informations s’imposent donc.
Tout d’abord, écartons la pensée d’une « censure », même si le magazine Kedistan n’est guère en « odeur de sainteté » en Turquie. Aucune censure « directe » ne s’est exercée à ce jour sur notre site d’infos.
Par contre, voilà plusieurs mois qu’un de nos vecteurs de diffusion « virtuel », à savoir le réseau social Facebook, nous restreint à portion congrue. Jusqu’alors, sur les quelques dizaines de milliers de lecteurs et lectrices, la mise en avant des billets de Kedistan passait à plus de 70% par les partages sur ce réseau social, et ce de la même façon dans tous les pays où nous avons des lecteurs. Partages qui s’opèrent via une page dédiée, vitrine de Kedistan sur ce réseau. Nous n’avions jamais eu d’appréciations très favorable sur la réalité de Facebook, mais avions toujours apprécié et utilisé la force de partage qu’il est censé procurer, loin devant Tweeter ou d’autres. Et toutes nos « statistiques » le démontrent.
Si nous voulions rester confidentiel, et n’avoir que des lectrices et lecteurs convaincus, bien sûr, nous n’aurions pas à utiliser ces réseaux là, et nous nous contenterions de nos tiroirs de bureau pour y ranger nos articles… Mais le but d’un magazine web qui veut informer sur le Moyen Orient n’est pas de se faire plaisir dans l’entre soi, mais d’être un vecteur d’infos et « d’analyses » un tant soit peu utile à tous.
Mais voilà, Facebook est un réseau commercial, qui défend ses intérêts financiers, ses parts de marché et ses audiences. Il est donc sensible aux « pressions » et sait quand il le faut adopter des « règles » qui lui garantissent la paix avec des Etats peu enclins à respecter la liberté d’expression. Ils ont donc, s’appuyant sur la nécessaire « lutte contre le terrorisme », considéré que le PKK étant sur les listes internationales officielles, tout ce qui avait de près ou de loin un rapport avec le mot clé « kurde », passerait par des règles de filtrage, voire de blocages. Un article récent paru dans le Monde en dévoile d’ailleurs quelques ficelles fort instructives. Kedistan, comme beaucoup d’autres, se trouve du coup dans le faisceau du “radar”.
Nous n’avons donc pas échappé aux « règles », et nous sommes trouvés confrontés nous aussi à des tracasseries et blocages en tous genres sur le réseau Facebook, blocages d’abord, puis réduction de fait de notre « audience », par le biais de leurs « algorithmes » de partage. Voilà donc pourquoi les dizaines de milliers de nos lecteurs et lectrices qui avaient leurs entrées par l’entremise du réseau social, parce qu’ayant croisé nos articles sur leurs fils d’actualité, ont du avoir progressivement le sentiment que nous ne publiions plus. Facebook s’est arrangé pour réduire notre « portée » de publication, comme il l’ont fait un peu partout en Europe, pour toutes les publications « kurdes » ou traitant de la Turquie avec manque de retenue, selon eux… Les kedi sont devenu objet pornographique, ou traités comme tel… Cachez ces suppôts de PKK qu’on ne sauraient voir !
Là oui, on peut parler de « censure »… sur un réseau privé censé être libre et social. Forme de censure, perte de temps et d’énergie pour la contourner, voilà une première cause aussi de perturbations pour l’équipe des kedi.
Et puisque nous en sommes dans les raisons « techniques », comme si cela n’avait pas été suffisant, nous avons depuis un mois des « divergences » avec notre hébergeur web, qui trouve notre présence sur leur « serveur » trop gourmande en énergie. Et comme ces gens ne sont pas non plus des philanthropes, ils nous ont même récemment suspendu 48h00, histoire de nous faire comprendre qu’ils auraient toujours le dernier mot. Nous voici donc en « instance de divorce » de ce côté aussi. Et ce n’est pas un avocat qui résoudra l’équation, mais bien là aussi du temps et de l’énergie que nous pourrions consacrer à fouiller, lire, traduire, commenter…
Ces deux informations pourraient à elles seules expliquer la diminution de « performance », qui, qu’on le veuille ou non, sape un peu le moral des kedi bénévoles…
Mais il ne faut pas oublier non plus que bien d’autres aspects à eux seuls, expliquent largement cet « espacement » apparent des publications, qui d’une moyenne de quatre billets par jour, est tombée à deux. Et ces aspects là sont sans doute plus compliqués à combattre.
Kedistan ne veut surtout pas devenir une « chaîne d’infos en continu » et rabâcher une « actualité » toujours plus démoralisante. La liste des crimes et délits du régime Erdogan, interminable, finirait par devenir une litanie devant laquelle lectrices et lecteurs se sentiraient tellement impuissant qu’ils n’y prêteraient plus d’attention, si nous n’y mettions garde.
Oui, nous faisons aujourd’hui volontairement l’impasse sur du « quotidien », quand il s’agit d’une simple info qu’on égrène et qui ne suggère qu’un « encore ! ». Ces informations d’ailleurs, sont maintenant davantage relayées à l’état brut dans les médias mainstream en Europe… Et modestement, nous y avons contribué un petit peu d’ici, avec d’autres, en réseau… Pour nombre de “brèves”, plus d’articles, mais un partage court sur la page Facebook.
Devant le rouleau compresseur politique du régime AKP, qui continue sur sa lancée totalitaire en Turquie, et ne faiblit pas sa répression au Kurdistan turc, nous avons également aussi le même sentiment d’impuissance que peuvent parfois l’exprimer les forces d’opposition sur place, encore plus les « forces de la paix ».
Cette période de « guerre et paix », où la répression tente de réduire au silence et à l’inaction les forces sociales et démocratiques, nous plonge de même façon, observateurs et commentatrices, dans une latence, parce qu’impuissants là bas, impuissants à distance aussi, et confrontés en Europe à toutes les trahisons politiques, alors que les opinions publiques sont également traversées par des tentations de repli sur soi.
Bref, plutôt que pérorer sur une actualité sombre, avec les mêmes mots et les mêmes images, nous avons choisi de n’écrire que sur l’essentiel d’un côté, et d’en profiter pour reprendre davantage l’aspect culturel et humain parfois délaissé sur Kedistan tous ces mois écoulés.
Reconnaissons donc que nous voilà victimes collatérales de la « résistible ascension d’Erdogan ». Et prendre les armes derrière l’écran n’est pas chose facile…
Nous profiterons donc de ce creux de vague, pour nous préparer aux formes de résistance qui vont s’imposer.
Tout d’abord, inscrire Kedistan dans la durée.
Et pour cela, nous aurons besoin du nerf de la « guerre », organisation et finances. Kedistan va donc devenir structure associative, avec toutes les possibilités que cela offre.
Ensuite, nous allons consolider de toutes façons possibles les liens du réseau, les compléter et les élargir, en coopération. Des initiatives collectives qui naissent nous intéresse, nous y reviendrons.
Les questions techniques et le temps qu’elles imposent, trouveront solution dans ce cadre, utile pour toutes et tous, et nous souhaitons que cela se fasse aussi avec de nouvelles synergies.
Nous répondrons aussi davantage positivement à des initiatives de type colloques, festivals, réunions publiques, dès lors où on nous y jugera utiles.
Enfin, nous lancerons une “campagne d’abonnement” (toujours gratuite bien sûr), afin de consolider les liens directs, dès que l’hébergement durable du site le permettra.
Il n’y aura pas de Kedistan nouveau.
Nous tenons trop à notre esprit alternatif d’indépendance pour cela. Et nous n’enlèverons pas le A de Kedistan, qui est là pour le marquer.
Non, juste des recentrages sur notre projet de départ, qui n’était pas de « courir l’actualité immédiate et factuelle », mais bien d’être une alternative aux médias mainstream, quant aux façons de traiter l’information sur le Moyen Orient, sans jargon ni langue au chat.