Des affrontements ont eu lieu ces jours derniers, dans Qamishli , qui ont fait des morts et des blessés, et provoqués des bombardements aveugles de la part de forces syriennes.
Qamishli est le centre administratif du canton de Cizire (Jazira) dans l’est du Kurdistan syrien, en Syrie du Nord. C’est aussi en quelque sorte la soeur jumelle de Nusaybin, de l’autre côté de la frontière turque. Certains points de contrôle étaient cependant toujours tenus par les forces alliées d’Assad depuis 2011.
Et pourtant, nous sommes bien au Rojava, territoire autonome en majorité kurde syrien, et qui a réaffirmé avec force très récemment son attachement à une solution fédéraliste pour la Syrie, solution d’ors et déjà mise en pratique sur ce territoire même.
Ces affrontements avaient éclaté entre les Forces de défense nationale (NDF) alliées au régime Assad et des membres de l’Asayish (police kurde) le 19 Avril. Ils se sont poursuivis durant trois jours jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu bilatéral soit entré en vigueur le 22 Avril.
Ces combats sur trois jours, et les bombardements, ont entraîné la mort de 17 civils, 7 officiers de police Asayish, 3 YPG combattants et 1 officier HPC. Plus de 30 membres des forces du régime Assad ont été tués également.
La raison principale de ces affrontements réside dans la volonté du régime Assad de continuer plus que jamais à enrôler de force les jeunes de la région dans l’armée, et de vouloir les arrêter en cas de résistance. Le moment choisi n’est bien sûr pas innocent, puisqu’il arrive au moment même où à Genève, le régime Assad relève la tête, auréolé des « victoires » que lui ont apporté les efforts conjoints des Russes et des Iraniens, tant en appui directement logistique que politique. La « libération » de Palmyre, ville pourtant honnie par le régime syrien, du fait de son opposition ancienne, ancienne ville prison, a aussi produit son effet à l’international.
Les déclarations hostiles à toute rupture d’une « centralité » du régime, faites également par Assad, récemment questionné sur le « fédéralisme », expliquent également ces tentatives de « remises en ordre », au sein même de territoires que ses forces ne contrôlent pourtant plus directement depuis longtemps et qui connaissent aujourd’hui un processus révolutionnaire évident en marche.
L’administration autonome du Rojava subit donc là les contrecoups du redémarrage du processus de Genève, et des séquences militaires qui l’ont précédé, Russes à la manœuvre. On peut penser que cela n’est pas terminé, même si là, un cessez le feu et un protocole ont été signés.
Voici ce que déclarait un responsable kurde, Commandement Asayish, concernant les affrontements à Qamishli :
« A la suite de tentatives faites par des personnalités de la région, un cessez-le feu est établi de sorte que les problèmes de Qamishli puissent être résolus pacifiquement. Mais il y aura des représailles fermes s’il y a des provocations ou des tentatives de violer celui-ci.
La ville de Qamishli a connu une période de conflit depuis le 19 Avril en raison des tentatives du régime d’ interférer avec les affaires intérieures de la population de la région, de la détention de jeunes et de la volonté par la force de les enrôler dans l’armée, d’armer des civils et les inciter à se battre les uns contre les autres. Cela démontre que les forces du régime continuent d’insister sur leurs politiques qui ont amené les peuples syriens à se soulever. Le régime veut récolter les fruits de Genève‑3 et des pourparlers pour le cessez-le-feu en Syrie. Ceci est la raison pour laquelle ils ont sous-estimé nos forces.
En conséquence, nous sommes intervenus, nous forces Asayish, pour remplir au Kurdistan syrien notre responsabilité d’assurer la sécurité des personnes et de la région.L’intervention a donné lieu à des affrontements. Ces affrontements ont perturbé les attaques des forces du régime. Leurs plans pour créer des troubles dans la région ont donc échoué. Aussi dans ces affrontements, la prison centrale, qui était connue comme la source de barbarie et de terreur de la base du régime, ainsi que plusieurs autres positions ont été reprises et enlevées aux forces du régime avec l’aide de combattants GPJ.
3 YPG combattants et 7 membres Asayish ont perdu la vie en martyrs dans ces affrontements. En raison des représailles et du ciblage des quartiers avec des obus de mortier, par les forces du régime, 17 civils ont également été tués.
Nos forces ont anéantis 31 des leurs et fait 102 d’entre eux prisonniers, avec l’appui des forces de GPJ. Tous les prisonniers détenus dans la prison ont été libérés.Les parties au cessez vont travailler pour la résolution du conflit. Et nous allons respecter le cessez-le-feu de notre part jusqu’à ce qu’une solution appropriée pour la sécurité de la population de la région contre l’approche terroriste des forces du régime syrien puisse être retrouvée. »
La demande d’un cessez-le feu serait venue aussi du régime Assad et de sa Force de défense nationale, après que les forces du Rojava aient envahi les zones encore contrôlées par lui sans qu’il puisse y résister. Cette demande émanait tout autant des organismes autonomes de société civile du Rojava.
L’auto-administration du Rojava en est donc venue au Kurdistan syrien à un accord provisoire avec les alliés du régime, mettant un terme à la confrontation à Qamishli.
Un accord entre les parties a été conclu sur les articles suivants :
1. Un cessez-le-feu entre les deux côtés [Les forces du régime et les forces d’auto-administration] dans Qamishli.
2. Levée du service militaire obligatoire de la jeunesse dans l’armée du régime syrien.
3. Réintégration des employés qui ont été licenciés par le régime et rétablissement de leurs salaires avec une fin du service militaire obligatoire.
4. Dissolution des Forces de la Défense nationale (NDF) dans les meilleurs délais.
5. Non-ingérence du régime dans la vie sociale ou quoi que ce soit appartenant à la communauté. Non-ingérence dans le travail de l’auto-administration.
6. Le régime syrien va indemniser les victimes et les personnes touchées par les bombardements et les combats, matériellement et moralement.
7. Les forces du Régime resteront dans leurs positions et ne seront pas autorisées à étendre leur contrôle.
8. Une fin de l’état d’urgence dans la ville.
Ces premiers affrontements d’ampleur avec les forces d’Assad, ou ses alliés dans la région nord de la Syrie, au cœur de la région autonome, alors qu’ailleurs à Alep, ou Efrin, Assad ne se prive pas non plus de faire ouvrir le feu contre les Kurdes ou leurs alliés, montrent à l’envie que la situation « de fait » qui prévaut depuis 2011, n’a rien d’une « collaboration » entre les Kurdes et le régime syrien sanguinaire.
Les Kurdes d’Alep en savaient déjà quelque chose. Le Rojava, s’il n’était en première ligne contre Daech, subirait la même répression. Et ce sont bien les forces internationales qui pour l’instant font en sorte de ne pas voir rompu l’équilibre, par intérêt.
Le Rojava est bien un processus révolutionnaire en sursis, qui mérite toute l’attention, pris en étau entre Daech et le régime Assad, désormais sous nouvelle perfusion. Ce territoire autonome est également soumis à tous les chantages internationaux, en matière d’aide et de reconnaissance, en plus de la pression turque constante.
Alors si le combat pour Kobanê avait su mobiliser, celui pour le Rojava devrait tout autant être celui de tous, puisqu’il propose une solution politique, pourtant tant recherchée en “paroles” par les politiciens européens qui discourent à l’envie sur la Syrie et ses réfugiés de guerre.
Il nous semble pourtant que ce n’est pas le cas, et que seule la capacité “militaire” et la “bravoure” des combattant(e)s intéressent, comme piétaille contre Daech, nos politiciens européens, toutes tendances de la finance confondues.