Nous étions deux Kedi hier, au milieu de 80 à 100 personnes, venuEs en voisins sur Nantes, dans le cadre de la « semaine des résistances », soutenir le Centre Culturel Kurde et ses actions de popularisation.
Ce sont eux notamment, qui depuis des mois, alertent sur la ville, en commun avec les associations Alevis, sur les crimes d’Erdogan en Turquie et la division entretenue des populations turques, mais aussi informent des « résistances » au régime Erdogan, comme du processus en cours au Rojava (Kurdes de Syrie et autres populations autonomes).
Ce sont donc eux aussi, qui se sont heurtés aux forces de police il y a peu, qui défendent si bien à Nantes les intérêts du gouvernement turc, comme elles le font également à Paris. Accords divers et variés entre la France et la Turquie obligent.
Les réunions organisées à l’occasion de « la semaine des résistances » à Nantes, se veulent des liens tissés entre des formes de résistance politique, concrètes, des luttes en cours, et la population nantaise, qui reste ô combien à informer, comme partout ailleurs. Quoi de plus logique que la « question kurde » s’y invite…
C’était là l’occasion ou jamais de combler le déficit d’information sur le Moyen Orient et les propositions politiques qu’y proposent les Kurdes, tant dans les situations syriennes que turques, pour construire un avenir, hors du triptyque qui a fait faillite « un Peuple, un Etat, une Nation ».
Passé le moment de stupeur, après 18h00, à l’annonce de l’attentat d’Ankara, et la constatation de visu, via une chaîne de télévision satellitaire kurde, qu’un blocus de l’information préparait des lendemains où les Kurdes auraient encore à subir l’agression du gouvernement turc, cette réunion débuta par un hommage aux victimes des massacres et pour les « camarades perduEs ».
A la suite de prises de parole très documentées, qui tentèrent en peu de temps de combler les déficits d’information sur les questions historiques, géopolitiques, et l’actualité, la discussion entre les participants, via des échanges questions réponses, a principalement porté sur la notion « d’autonomie », cœur du projet politique soutenu par l’opposition démocratique kurde en Turquie, alliée avec les autres forces démocratiques, et de celui du Rojava, expérience de vivre ensemble concrète et en processus en Syrie, malgré les ravages de la guerre.
Photo Nantes Révoltée
Quoi de plus normal, là encore, que ce débat qui sur Nantes a un écho plus que fort, avec la déclaration d’autonomie de la Zad de NDDL fasse sens. Entendre de façon très naturelle, débattre des militants « jeunes », ancrés dans une lutte qui dépasse aujourd’hui de très loin la question de « pour ou contre un aéroport » avec des militants qui eux sont issus de processus de résistances, à quelques milliers de kilomètres d’ici, et cherchent eux aussi une voie politique pour sortir des impasses, était extrêmement remotivant.
Nous tenions donc à saluer tous les participantEs, et les remercier pour eux aussi, ne pas avoir caressé les chats dans le sens du poil, lors de cette soirée qui en appellera d’autres, notammment autour du sujet « action des femmes dans ces combats et le quotidien ».
Une soirée de résistances où une certaine « gauche » était absente, et où pourtant les discussions au sein de cette réunion plutôt jeune ont porté sur les projets de vie, de société commune, d’avenirs à réinventer hors des nationalismes et des replis communautaires, même sous prétexte de souveraineté. Nous étions bien loin des nombrils franco français, et pourtant en plein coeur des sujets qui nous concernent tous, d’Alep à Paris, en passant par Kobane et Diyarbakir.
Ce n’est pas en trois lignes qu’on peut résumer tous les questionnements très librement mis sur la table hier, et qui sont contenus dans le projet politique que soutiennent les forces kurdes aujourd’hui.
Nous savons que ces débats sur la Nation, l’Etat, le pouvoir populaire, l’autogestion, l’autonomie, la reconnaissance des Peuples ne sont pas des nouveautés. Mais les voir, dans le cadre de cette semaine des résistances, s’emparer d’actualités concrètes, de processus en cours, quand on sait par ailleurs qu’on pourrait y adjoindre ce que l’ami Yannis décrit si bien dans son film « je lutte donc je suis », redonne un peu le moral, partagés que nous sommes, entre la vision délétère de la politicaillerie française, l’Etat d’Urgence reconduit, les lâchetés européennes, et la guerre au Moyen Orient lourde de menaces.
Les Kedi ont besoin de changer de croquettes, et là le paquet était appétissant, tant il nous a conforté dans l’envie de poursuivre, à notre mesure, le travail d’information et de réflexion entamé. Constater que ce travail n’est pas inutile, qu’il est en écho et en lien avec d’autres, redonne du « poil de la bête ».
Le récit d’un participant à la soirée :
“Plus de deux heures d’échanges pour mieux connaître un peuple et une lutte.
Il a été question des dernières manifestations à Paris (15 interpellations) et à Nantes (12 blessés, des grenades lancées au milieu du cortège familial) face à des CRS en nombre devant le consulat de Turquie. L’Etat français n’aime pas que les kurdes aillent déranger la Turquie. À Nantes, le représentant de l’Etat a reçu la délégation kurde en répondant à leurs questions par une moue d’impuissance. “Ca nous tue.” répond la femme qui présente la situation.
Mais pourquoi les kurdes ont manifesté, au fait ?Parce qu’il y a eu 60 civils brûlés dans des caves à Cizre en Turquie. Entre autres, vu les conditions qu’ils endurent. Nous apprenons qu’un autre massacre semble se préparer à Diyarbakir dans le silence des grands médias.
Alors nous avons écouté, discuté, parlé projet politique et auto-gestion concrète, féminisme et place de la femme, idées reçues, contrat d’armement entre la France et la Turquie… Il aurait fallu encore plus de monde, il en faudrait toujours plus, mais bâtir cette soirée dans le cadre de la Semaine de Résistances est déjà une belle réussite.
Pour conclure, nous pourrions reprendre une phrase prononcée hier. Il est question d’étincelle et de déséquilibre. Car les kurdes revendiquent un projet politique (le Confédéralisme Démocratique) qui déplaît aux États, un projet dont la réussite sur le terrain peut provoquer “un déséquilibre qui va dans le bon sens pour qui y habite, mais dans le mauvais sens pour ceux qui y règnent.”