eza-film-baris-akkoyun-4Barış, le réal­isa­teur du court métrage “Eza”, (en français” Tour­ment”), est né à Ağrı en 1983. Il a étudié au Con­ser­va­toire de l’U­ni­ver­sité de Çukuro­va (2008). Comé­di­en de for­ma­tion il joue dans des séries télévisés et il écrit depuis toujours.

Le scé­nario du “Tour­ment” est égale­ment sor­ti de la plume de Barış “Je me suis tou­jours sen­ti bien avec les mots” explique-t-il à Kedis­tan, “ce film est quelque part l’aboutisse­ment de mul­ti­ples scé­nar­ios que j’ai écrit, sans pour­tant les pro­pos­er à un(e) autre cinéaste, en dis­ant, vas‑y, si ça te chante, tourne le… Ce sont ces expéri­ences, ces ten­ta­tives de scé­nar­ios, qui m’ont poussé à réalis­er ce film.”

Quant aux dif­fi­cultés ren­con­trées pour réalis­er ne serait-ce qu’un court métrage, surtout les dif­fi­cultés finan­cières, Barış, n’ayant pas reçu de sub­ven­tion du Min­istère de la Cul­ture, déclare  “Prob­a­ble­ment à cause du sujet”, et ajoute “…mais cela, peut être que je me fais une fausse idée, à cause de la réal­ité du pays, peut être que le pro­jet ne parais­sait pas solide…”

Barış, a financé son film avec l’aide d’un ami pour les pré­pa­ra­tions et en investis­sant ses économies de 3 ans de tra­vail de comédien.

Yakup et Mehmet, 11 ans tous les deux, vivent dans une petite com­mune, loin du cen­tre d’Is­tan­bul . Les deux amis ont inven­té un jeu dan­gereux : ils sor­tent la nuit, seuls et se baladent à vélo. Ils se trou­vent être témoins d’un viol de chien qui se répète toutes les nuits. Ils inter­prè­tent cet acte vio­lent à leur façon, et réagis­sent en le trans­for­mant en un jeu de moquerie et se met­tent eux même en danger.

Eza” est un film décidé­ment “noir”. L’ob­scu­rité est l’élé­ment visuel par­ti­c­ulière­ment impor­tant. Par moment, aus­si épaisse que les tabous dont le réal­isa­teur traite, elle nous porte vers une sen­sa­tion de malaise et désta­bilise réellement.

Barış dans son réc­it, saute d’un sym­bole à l’autre, telle la tra­ver­sée d’une riv­ière aux eaux obscures. Son approche est pour­tant uni­verselle, ses sym­bol­iques visuelles le sont également.

L’ab­sence totale de musique et le fait que peu de con­ver­sa­tions illus­trent le film, rend le spec­ta­teur cap­tif, sus­ci­tant le regard seul. Il devient en quelque sorte témoin, voire “voyeur” de la pédophile et zoophilie, dans sa réalité.

Le viol et l’at­ten­tat à la pudeur sont les com­porte­ments les plus égoïstes et vio­lents de l’hu­man­ité. Parce que quelques min­utes de plaisir pour l’un, représen­tent toute une vie de tour­ments pour l’autre.” dit le réal­isa­teur. “Dans tout type de rela­tion entre deux adultes con­sen­tants et en bonne san­té men­tale, une tierce per­son­ne n’a pas de mot à dire. Sauf pour les enfants et les ani­maux. L’un ne pou­vant pas s’ex­primer, l’autre inno­cent devant l’abus.”

Le choix est le pou­voir de l’être humain. On peut pass­er une vie sans rien faire de posi­tif, mais le choix de faire du mal ou pas nous appar­tient aus­si.” Barış insiste beau­coup sur le “choix”. Pour don­ner un exem­ple, “La lib­erté de vivre la vie comme on veut, ne peut pas aller jusqu’à don­ner la mort. Or je traite un sujet, où on ne tue pas mais on enterre un être vivant à vie.”

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Il est impor­tant de faire une lec­ture de ce court métrage en ayant quelques notions sur la réal­ité de la Turquie, afin d’en com­pren­dre mieux le propos.

Il y a une trentaine d’années déjà, un des car­i­ca­tur­istes de la fanzine « Gırgır », l’ancêtre de tous ses sem­blables actuels, réal­i­sait une Bande Dess­inée qui met­tait cette réal­ité à jour.

Un jeune rur­al, regar­dait la pluie tomber sur la terre, dans un champs isolé. Puis, il s’allongeait sur le sol, braguette ouverte et se lais­sait aller dans les bras de la terre ten­dre d’après averse.

« Dans mon pays, écrivait le dessi­na­teur, beau­coup d’hommes vivent leur pre­mière rela­tion sex­uelle avec la terre. »

Depuis la paru­tion de cette BD, les choses n’ont pas beau­coup changé. Au con­traire, on peut con­stater que dans ces dernières douzaine d’années, avec la mon­tée de l’intégrisme religieux et les effets néfastes du patri­ar­cat soutenu et défendu par les dirigeants, vivre une sex­u­al­ité saine, libre et respectueuse, est dev­enue encore plus dif­fi­cile, aus­si bien dans le monde rur­al qu’urbain.

La fenêtre ouverte sur la pornogra­phie brute, dans un con­texte d’in­ter­dits mul­ti­ples et de big­o­terie pudi­bonde, ne fait qu’amplifier ces faits.

L’augmentation de la vio­lence envers les femmes et enfants, les cas d’inceste et de viol, intrafa­mil­ial ou non, sont des jauges con­crètes d’une société malade.

Dans ce con­texte il n’est pas éton­nant d’entendre dans une famille lamb­da vivant dans un vil­lage quel­conque, la mère inter­peller le père en dis­ant : « Dis, il est peut être temps de mari­er notre fils, il com­mence à se rap­procher de l’âne ». Bien que dans les cas de zoophilie, une par­tie appar­tient au domaine de fan­tasme, les pra­tiques sont prob­a­ble­ment bien plus courantes que ce qu’on peut imag­in­er, et le sujet doit être observé sous un autre angle que dans d’autres pays, comme dans le cas très dif­férent du Dane­mark par exem­ple, où la zoophilie est actuelle­ment légalisée.

En début juin, “Tour­ment” a ren­con­tré le pub­lic pour la pre­mière fois à Istan­bul, dans un lieu alter­natif, nom­mé Arthere, “géré par les artistes, pour les artistes”, au coeur du fameux quarti­er Rasim­paşa, en ébul­li­tion cul­turelle. Après la pro­jec­tion, un débat imprévu au départ, a suivi spon­tané­ment. La ren­con­tre entre le réal­isa­teur et le pub­lic a été d’une grande intensité.


Genre : Drame | Durée : 15″ | Réal­isé par : Barış Akkoyun | Avec : Güneş Çağlar Oğul­can, Kaya Baran Çağlar, Yüce Cevher, Hik­met Güzey Diva | Face­book

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.