De gros nuages noirs flot­tent dans notre rédac­tion. Il pleut dans nos murs. Le géant de la lit­téra­ture turque et inter­na­tionale s’est éteint ce same­di 28 févri­er 2015 à 92 ans.

Le gou­verne­ment AKP qui a déclaré un deuil nation­al pour le roi de l’Ara­bie Sau­dite, reste cru­elle­ment silen­cieux sur la dis­pari­tion du fleu­ron de sa lit­téra­ture, pour­tant de renom­mée mon­di­ale, enfant sor­ti du ven­tre de sa pro­pre terre. Même si le site d’in­fos T24 nous rap­porte qu’une cam­pagne pour deman­der une journée de deuil pour Yaşar Kemal est née spon­tané­ment via les réseaux sociaux.

L’être humain occupe une place dans l’univers, à  la mesure non de son corps mais de son coeur.”

Yaşar Kemal était, tu l’auras com­pris, d’o­rig­ine kurde et un écrivain mil­i­tant, engagé à gauche et pour la cause kurde. Ce qui lui valu de nom­breux procès et même comme le veut la cou­tume, une peine d’emprisonnement après le coup d’E­tat mil­i­taire de 1971. Sans oubli­er son exil de quelques années en Suède. Dans un de ses procès, con­damné à la prison avec sur­sis à con­di­tion de ne pas récidiv­er pen­dant 5 ans, il déclaré de toute sa superbe qui le car­ac­téri­sait tant :

Au lieu de me condamner à la censure, condamnez-moi à la peine de mort”.

kedi yasar kemal

Yaşar Kemal avait vu le jour en 1923 à Hemite près d’Adana, et était de loin l’au­teur turc le plus traduit et le plus lu dans le monde.

Tout jeune déjà, élève en sec­ondaire, son style réal­iste appa­rais­sait dans les recueils qu’il avait écrit en s’in­spi­rant de la tra­di­tion orale pop­u­laire et ses poèmes étaient édités par Adana Halke­vi dans la revue “Görüşler Der­gisi”. Ayant été obligé d’a­ban­don­ner ses études à la fin du sec­ondaire, afin de tra­vailler en tant que main d’oeu­vre comme de nom­breux jeunes de son âge, il pas­sa con­tremaître, garde cham­pêtre, avant de se tourn­er vers la car­rière d’écrivain pub­lic qui lui con­ve­nait mieux, puis bib­lio­thé­caire et insti­tutrice pen­dant que ses poèmes parais­saient dans plusieurs revues comme Ülke, Kovan, Mil­let, Beşpınar.

Après une année de prison en 1950, pour “pro­pa­gande com­mu­niste” l’an­née suiv­ante il s’in­stalle à Istan­bul et tra­vaille comme reporter pour le quo­ti­di­en Cumhuriyet. Son reportage “Dünyanın En Büyük Çiftliğinde Yedi Gün” (Sept jours dans la plus grande ferme du monde) lui apporte le Prix Spé­ciale de l’As­so­ci­a­tion des Jour­nal­istes. Il a tra­vaillera au jour­nal jusqu’en 1963, puis se con­sacr­era à ses romans.

Il écrit des his­toires qui reçoivent beau­coup de suc­cès, et en 1952 “Sarı Sıcak” (Chaleur Jaune) et en 1955 “İnce Memed” (Mèmed le mince) son pre­mier roman voient le jour.

Yaşar pub­lie 33 livres, romans, nou­velles, reportages et arti­cles entre 1955 et 1984 et col­lec­tionne les prix les plus impor­tants de la lit­téra­ture mondiale.

Yaşar Kemal est con­damné de nou­veau en 1996 par la cour de sûreté de l’É­tat à un an et huit mois de prison pour un arti­cle inti­t­ulé “Le ciel noir de la Turquie” pub­lié en 1995, dans le livre “La lib­erté d’ex­pres­sion et la Turquie” et qui dénonce le traite­ment de la ques­tion kurde par l’É­tat turc.

En 1995 il été encore une fois jugé pour un arti­cle pub­lié dans Der Spiegel, mais il est acquit­té. La même année encore, il vie un autre procès pour un arti­cle pub­lié dans Index on Cen­sorhip, et sa peine de 1 an 8 mois est ajournée.

Kemal s’est mar­ié avec Til­da, une immi­grée espag­nole. Sa femme est décédée en 2001. De ce mariage il a un fils, Raşit Göçeli. Il s’est ensuite remar­ié en 2002 avec Ayşe Semi­ha Baban.

L’écrivain souf­frait d’in­suff­i­sances res­pi­ra­toires et était hos­pi­tal­isé depuis le 14 jan­vi­er 2015. Plus impor­tant que le crachat de Cheva­lier de la Légion d’Hon­neur que lui décerne l’E­tat français en 1948 et dont nous nous con­tre­b­u­tons royale­ment, Yaşar Kemal en mon­stre sacré dont chaque turc et chaque kurde con­serve au fond de son coeur les oeu­vres, laisse der­rière lui et à jamais pour l’hu­man­ité, un oeu­vre monumentale.

Ceux qui font les chansons des peuples sont plus forts que ceux qui font leurs lois.”

SES PRINCIPALES OEUVRES

  • La série des “Mèmed” : Mèmed le Mince (İnce Memed) (traduit en 40 langues), Mèmed le Fau­con, Le retour de Mèmed le Mince, Le dernier com­bat de Mèmed le Mince.
  • La trilo­gie “Au-delà de la mon­tagne”  : Le Pili­er, Terre de fer Ciel de cuiv­re, L’herbe qui ne meurt pas.
  • La trilo­gie “Les Seigneurs de l’Ak­tchasaz” : Meurtre au marché des forg­erons, Tourterelle, ma tourterelle, La Légende des mille taureaux.
  • Trilo­gie “Salman le soli­taire” :  Salman le soli­taire, La Grotte, La Voix du sang.
  • Tu écraseras le ser­pent, La légende du mont Ararat, Regarde donc l’Euphrate char­ri­er le sang, Alors les oiseaux sont par­tis, Vis­ages pile ou face, Sal­ih l’émerveillé, Et la mer se fâcha, L’herbe qui ne meurt pas, La tem­pête des gazelles…

Récompenses littéraires :

  • Prix Var­lık Roman Armağanı en 1955 pour Mèmed le Mince
  • Prix Madar­alı Roman en 1974 pour l’œu­vre “Demir­cil­er Çarşısı Cinayeti”
  • Meilleur Roman Etranger par le Syn­di­cat des Cri­tiques Lit­téraires français en 1977 pour Terre de fer, Ciel de cuivre
  • Prix du Roman Etranger en 1978 pour L’Herbe qui ne meurt pas
  • Prix mon­di­al Cino Del Duca en 1982 pour l’ensem­ble de son œuvre
  • Légion d’hon­neur Française en 1984
  • Grand Offici­er dans l’Or­dre Nation­al de la Légion d’Hon­neur en 2011 Prix Bjorn­son en 2013 (Molde, Norvège)
yasar-kemal-asik-veysel

Yaşar Kemal avec Aşık Vey­sel

..

titi-robin-yasar-kemalEn 2012 musi­cien com­pos­i­teur français Titi Robin fai­sait un mag­nifique hom­mage à Yaşar Kemal dont il est un fer­vent admirateur.

Je vous invite à dire au revoir à ce grand écrivain en com­pag­nie de Titi :


Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.