Abdi Ipekçi, jour­nal­iste turc, rédac­teur en chef du quo­ti­di­en Mil­liyet a été assas­s­iné le 1er févri­er 1979 dans sa voiture, devant chez lui par Mehmet Ali Ağça (qui a égale­ment com­mis la ten­ta­tive d’as­sas­si­nat con­tre le Pape Jean-Paul II). Les pris­es de posi­tion d’Ipekçi en faveur des mou­ve­ments de gauche étaient cri­tiquées par les mou­ve­ments d’ex­trême droite turcs.

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Après l’attentat

Mehmet Ali Ağca a été arrêté 6 mois après l’assassinat. Il s’est évadé de la prison mil­i­taire de Mal­te­pe, avec l’aide officiers et des sol­dats sous leurs ordres. « Ser­gent Ömer », le per­son­nage clé de l’évasion a dis­paru dans la nature et n’a jamais été jugé. Les sol­dats impliqués ont été con­damnés à quelques peines de prison.

Ipekçi et le Pape Jean Paul II

pape-avec-agcaMehmet Ali Ağca a été con­damné pas con­tu­mace le 28 avril 1980, à la peine de mort.

Un an plus tard, le 13 mai il a réap­paru en tirant sur le Pape Jean Paul II. Il a été arrêté et empris­on­né en Ital­ie. En 2000, par­don­né par Jean Paul II et amnis­tié par le Prési­dent Car­lo Azeglio Ciampi, il a été extradé vers la Turquie. 

Ağca a déclaré lors de son procès en Turquie, « Je ne suis pas le meur­tri­er d’Abdi Ipekçi, j’ai juste joué un rôle d’acteur ».

Suite à la loi du 1991 con­cer­nant l’abolition, sa peine de mort a été trans­for­mée en une peine de prison de 10 ans. Il a été libéré le 18 jan­vi­er 2010.

Le MIT et l’assassinat d’Ipekçi

Des noms comme Mehmet Şen­er, Oral Çelik, Yalçın Özbey, Yavuz Çay­lan ont été avancés comme com­man­di­taires de l’assassinat d’Ipekçi. Des hypothès­es ont été émis­es sur la présence du MIT (RG turcs)  dans le bureau du trafi­quant d’armes et de stupé­fi­ant Abuzer Uğurlu, où était élaboré le pro­jet de l’assassinat. Celles-ci ont été cor­roborées par au moins 3 témoins dont Ağca lui même. Le MIT n’a jamais don­né aucune suite.

Mehmet Şen­er, Yalçın Özbey et Oral Çelik

L’interrogatoire d’Ağca a duré 15 jours. Le Min­istre de l’Intérieur Hasan Feh­mi Güneş était per­son­nelle­ment présent. Dans un pre­mier temps Ağca a déclaré qu’il avait agi seul. Ensuite ils a dénon­cé trois per­son­nes : Mehmet Şen­er, Yalçın Özbey et Yavuz Çay­lan. Şen­er et Özbey se sont enfuis à l’étranger. Yavuz Çay­lan a été arrêté et il a fait 10 ans de prison. Il y avait une autre per­son­ne cri­tique dans cette affaire : Oral Çelik dont Ağca a longtemps tu le nom.

Mehmet Şen­er n’a jamais été inquiété.

Yalçın Özbey qui avait ver­sé de l’argent sur le compte d’Ağca avant et après l’assassinat s’é­tait enfui en Alle­magne. Mal­gré les deman­des de la Turquie, l’Allemagne n’a pas extradé Özbey. En 1995 Özbey a été inter­rogé par deux agents du MIT. Le MIT déclar­era ultérieure­ment que les min­utes de cette inter­roga­toire étaient détruites.

Après 3 mois d’emprisonnement, le procès d’O­ral Çelik procès s’est ter­miné par un non lieu. Par la suite, des pièces de l’in­ter­roga­toire (soit dis­ant dis­parues) de Yalçın Özbey ont été envoyées au tri­bunal par une source anonyme . Mais suite à la déc­la­ra­tion du MIT qui stip­u­lait que les doc­u­ments étaient détru­its, le tri­bunal n’a pas con­fir­mé le dossier.

Oral Çelik a déclaré « detenir tous les secrets » mais a refusé toutes les accu­sa­tions portées à son encon­tre. Il a purgé une peine de 3 ans de prison en France, pour un délit de trafique de stupé­fi­ants. Puis, en 1986, il a été jugé en Ital­ie et en Suisse pour des affaires de drogue égale­ment. Courant 1996 il a été ren­du à la Turquie sur sa pro­pre demande. Pen­dant qu’il était jugé pour l’assassinat d’Ipekçi, il a été libéré au bout de 3 mois.

Ağca et le MIT

mehmet_ali_agca-230x130Les chemins d’Ağca et Metin Güny­ol, haut cadre du MIT, un des agents présents pen­dant l’interrogatoire d’Ağca, s’étaient croisés à Majorque en 1981. Le MIT a déclaré qu’à cette date Metin Güny­ol ne tra­vail­lait plus à l’organisation. Güny­ol a été réin­te­gré au MIT 7 mois plus tard.

Les témoins ocu­laires de l’assassinat d’Ipekçi ont déclaré « … Ils étaient deux. Ils sont mon­tés dans un véhicule blanc. Il y avait un autre véhicule. » L’existence du 2ème véhicule n’a jamais été éclairée. 

Le jour­nal­iste d’investigation Uğur Mum­cu avait écrit : « Lors de l’assassinat, l’agent de MIT, Şahin Tol­unoğlu attendait dans un autre véhicule sur les lieux de l’attentat. » [Uğur Mum­cu a été assas­s­iné en 1993].

Une récom­pense a été mise pour trou­ver le meur­tri­er d’Abdi Ipekçi. La police a reçu d’innombrables dénon­ci­a­tions. Ramazan Gündüz de MHP (Par­ti Nation­al du Peu­ple) qui a dénon­cé Ağca, a été assas­s­iné à son tour, par un autre nation­al­iste, Zeki Peker. Mais lors du procès d’Ağca ce meurtre n’a pas été pris en compte, pas d’a­van­tage les deux assas­si­nats n’ont été liés.

En 2015, 36 années après l’as­sas­si­nat d’Ab­di Ipekçi, il reste encore beau­coup de ques­tions et de zones d’ombre.

Il est à not­er que sur ces 36 années dif­férents régimes poli­tiques se sont suc­cédés, mil­i­taire, néo libérale, démoc­rate, social démoc­rate, islamiste conservateur…

Ses proches, amis et col­lègues se sont réu­nis aujour­d’hui autour de son tombeau pour lui ren­dre hom­mage. Ils ont souligné encore une fois, qu’Ab­di Ipekçi est un des vic­times sac­ri­fiés pour la démoc­ra­tie et la lib­erté d’expression.

Source Bianet

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.