Türkçe Jin News | Français | English

BERGAME — Selon la jour­nal­iste Francesca Nava, qui a révélé ce qui s’est passé dans la région de Lom­bardie en Ital­ie, un des pays le plus affec­té par la pandémie de coro­n­avirus, les autorités gou­verne­men­tales ont tardé à pren­dre toutes les mesures néces­saires. En soulig­nant que la Lom­bardie est le moteur économique du pays, Francesca affirme, “pour eux, le plus impor­tant n’é­tait pas la pandémie mais le main­tien de la pro­duc­tion. En deux semaines ce fut la catastrophe.”

L’I­tal­ie, pays le plus affec­té d’Eu­rope par la pandémie de coro­n­avirus, a mis en pra­tique du début du mois de mars jusqu’à ce jour, des mesures sus­cep­ti­bles de lim­iter la prop­a­ga­tion de l’épidémie, et est passée à une 3ème étape de la lutte con­tre le virus. Dans ce pays où plus de 35 milles per­son­nes ont per­du la vie, à cette étape, les lim­i­ta­tions apportées sur le droits de cir­cu­la­tion ont été lev­ées, mais les con­trôles de san­té, lors des déplace­ments, ont été inten­si­fiés. L’I­tal­ie a signé ici la pre­mière, avec l’usage d’une appli­ca­tion nom­mée “Immu­ni”, un con­trôle numérique. Les util­isa­teurs et util­isatri­ces peu­vent déclar­er leurs pos­si­bles symp­tômes et les change­ments dans leur état de san­té. Avec cette appli­ca­tion con­nec­tée au Blue­tooth, des aver­tisse­ments sont envoyés aux per­son­nes qui ont eu con­tact avec des por­teurs du coro­n­avirus. Avec l’ap­pari­tion de cette appli­ca­tion, dont l’usage n’est pas oblig­a­toire, de nom­breuses polémiques avaient vu le jour.

Même si l’é­tape 3 a apporté un peu de res­pi­ra­tion dans ce pays qui, depuis des mois, a subi de gross­es pertes de vies, le proces­sus de tran­si­tion ne sem­ble pas être facile.

Francesca Nava, jour­nal­iste et réal­isatrice, informe l’opin­ion publique, depuis les pre­miers jours de la pandémie, de Bergame, un des épi­cen­tres, et a attiré l’at­ten­tion avec ses arti­cles d’ac­tu­al­ité, révélant des vérités. Elle est égale­ment con­nue comme la réal­isatrice du film “Ter­ror­iste”, qui traite des attaques ciblant les villes kur­des en Turquie depuis 2015, et des jour­nal­istes empris­on­néEs. Actuelle­ment elle pour­suit son tra­vail d’in­for­ma­tion pour éclair­er l’opin­ion publique, en révélant les man­ques mar­qués par le gou­verne­ment ital­ien, sur les mesures con­cer­nant la pandémie.

Francesca, s’est faite remar­quer par les ques­tions sévères adressées aux autorités gou­verne­men­tales, et a réus­si à coin­cer le gou­verne­ment, avec ses arti­cles d’in­ves­ti­ga­tion, sur les tra­vailleurs et tra­vailleuses exploitéEs telLEs des machines, et met­tant leurs vies en dan­ger. Suite à ses arti­cles sur les irrégu­lar­ités com­mis­es par les autorités, cer­taines d’en­tre elles ont été oblig­ées de démissionner.

J’ai dis­cuté avec Francesca Nava qui, par ailleurs, tra­vaille sur un prochain livre con­cer­nant la péri­ode de pandémie à Bergame.

Francesca Nava italie

• En tant que jour­nal­iste, avez-vous pu inter­venir pos­i­tive­ment, dans une telle péri­ode, avec les infor­ma­tions que vous produisiez ?

Je tra­vaille en tant que jour­nal­iste depuis plus de 18 ans. Je suis né et j’ai gran­di à Bergame, la ville la plus touchée par l’épidémie de Covid-19 dans le monde.

Nous par­lons d’une aggloméra­tion qui compte env­i­ron un mil­lion deux cents mille habi­tants et qui, dans cer­taines munic­i­pal­ités, a subi une aug­men­ta­tion de la mor­tal­ité de deux mille pour cent. En un mois et demi, six mille per­son­nes sont mortes à cause de Covid-19 dans ma ville. La pre­mière épidémie de coro­n­avirus dans la région de Lom­bardie (dans le nord de l’I­tal­ie, où se trou­ve Bergame) a explosé dans la munic­i­pal­ité de Codog­no, le 20 févri­er. Une zone rouge a immé­di­ate­ment été créée pour isol­er le virus. Trois jours plus tard, le 23 févri­er, un autre foy­er a éclaté à quelques kilo­mètres de là, dans la munic­i­pal­ité d’Alzano Lom­bar­do, dans la province de Bergame, mais per­son­ne ne l’a isolé. L’hôpi­tal d’Alzano Lom­bar­do, dans lequel les deux pre­miers cas posi­tifs ont été décou­verts, n’a pas fer­mé, et aucune zone rouge n’a été créée par la suite. Le virus s’est donc répan­du comme une traînée de poudre dans la province de Bergame et, par suite, dans toute la Lombardie.

J’ai immé­di­ate­ment remar­qué que quelque chose d’é­trange se pas­sait dans ma ville, alors que toute l’at­ten­tion des médias était con­cen­trée sur la zone autour de Codog­no, surnom­mée “Wuhan ital­i­enne”. Les deux pre­mières semaines de mars ont été un véri­ta­ble enfer pour ma ville. Les salles d’ur­gence étaient pleines de malades, les soins inten­sifs n’avaient plus de lits, les patients arrivaient dans des hôpi­taux en grappe et per­son­ne ne pou­vait com­pren­dre com­ment cela était pos­si­ble. Beau­coup ont demandé la créa­tion d’une zone rouge, la fer­me­ture de cette zone infec­tée, mais le gou­verne­ment de la région de Lom­bardie et le gou­verne­ment cen­tral de Rome ont per­du un temps pré­cieux. Le prob­lème était d’ar­rêter les activ­ités de pro­duc­tion, mais il y avait une très forte pres­sion pour ne pas fer­mer cette zone, et laiss­er les usines con­tin­uer de travailler.

Bargame Lombardie Italie

Toute la province de Bergame, et plus générale­ment la Lom­bardie, est con­sid­érée comme le moteur économique de l’I­tal­ie. Il existe des mil­liers d’in­dus­tries, d’usines et de petites entre­pris­es qui con­tribuent pour grande par­tie au pro­duit intérieur brut ital­ien. Fer­mer des usines sig­nifi­ait tuer l’é­conomie. Ne pas les fer­mer a tué les tra­vailleurs et de nom­breuses per­son­nes. En con­séquence, des cen­taines de tra­vailleurs sont morts et des mil­liers d’ou­vri­ers sont tombés malades du coro­n­avirus, et beau­coup d’en­tre eux se sont retrou­vés en soins intensifs.

La Lom­bardie n’a fer­mé que le 8 mars. Trop tard, car de nom­breuses per­son­nes étaient déjà mortes. Le vrai prob­lème est que le 8 mars, il n’y a pas eu de zone rouge, mais une “zone orange”, ce qui sig­ni­fie que les habi­tants de la Lom­bardie ne pou­vaient pas quit­ter la région, mais pou­vaient tra­vailler ! “Allez à l’u­sine, prenez les moyens de trans­port, déplacez-vous”. Ce mou­ve­ment de pop­u­la­tion a con­tribué à l’aug­men­ta­tion de l’indice de con­ta­gion. La Lom­bardie compte aujour­d’hui 16 000 décès de Covid-19 et un des taux de mor­tal­ité les plus élevés au monde.

Avec mon tra­vail d’en­quête jour­nal­is­tique, j’ai essayé de faire la lumière sur la nég­li­gence médi­cale qui a eu lieu à l’in­térieur de l’hôpi­tal d’Alzano Lom­bar­do, qui dépend poli­tique­ment de la prési­dence de la Région Lom­bardie, gou­vernée par le par­ti de Mat­teo Salvi­ni, la Lega.

Plus encore, j’ai essayé de com­pren­dre pourquoi per­son­ne n’a créé de zone rouge dans cette zone. Et ce que j’ai com­pris, c’est que le fac­teur économique, indus­triel, a joué un rôle énorme dans les déci­sions politiques.

La zone de Codog­no est une petite zone indus­tri­al­isée, la zone d’Alzano Lom­bar­do est pleine d’en­tre­pris­es et d’in­dus­tries. Codog­no a été fer­mé immé­di­ate­ment après la pre­mière affaire de covid, Alzano Lom­bar­do n’a jamais été fer­mé. Selon la région de Lom­bardie et le gou­verne­ment cen­tral (tous deux pour­raient créer une zone rouge), la rai­son pour laque­lle ils n’ont pas fer­mé immé­di­ate­ment cette zone réside dans le fait que le virus s’é­tait déjà énor­mé­ment répan­du sur le ter­ri­toire et qu’il aurait donc été inutile de créer une zone rouge. Mais pourquoi alors ont-ils lais­sé pass­er deux semaines avant de fer­mer toute la Lom­bardie ? C’est au cours de ces deux semaines que la cat­a­stro­phe s’est pro­duite. Une cat­a­stro­phe qui était au cœur de mon enquête. Cela a‑t-il fait une dif­férence ? Nous ne le savons tou­jours pas, ce que nous savons, c’est qu’à la suite de mon enquête et de mes rap­ports, le par­quet de Bergame a ouvert une enquête con­tre X pour man­que­ments coupables face à l’épidémie.

• Quelles ont été les réac­tions de la société ?

Au départ, le virus ne s’est répan­du qu’en Ital­ie du Nord, en Lom­bardie et en Vénétie, et les habi­tants du cen­tre et du sud de l’I­tal­ie n’ont pas réal­isé ce qui se pas­sait. Il se trou­ve que j’ai été témoin de sit­u­a­tions embar­ras­santes à Rome, la ville où je vis, où, début mars, alors que les gens mouraient déjà à Bergame et que les hôpi­taux du nord de l’I­tal­ie étaient déjà proches de l’ef­fon­drement, les pop­u­la­tions n’ont pas pu respecter les mesures de con­fine­ment recom­mandées par le gou­verne­ment, telles que la dis­tan­ci­a­tion sociale et l’in­ter­dic­tion de se réunir.

La pop­u­la­tion ital­i­enne qui ne vivait pas dans les zones infec­tées a eu du mal à com­pren­dre les mesures de quar­an­taine. C’est pourquoi, lorsque le 8 mars, le gou­verne­ment a décidé (avec un grand retard) de fer­mer la région de Lombardie.

• Vous étiez dans une région très touchée, com­ment vous êtes-vous sen­tie en tra­vail­lant dans un envi­ron­nement aus­si dangereux ?

Quand j’é­tais à Bergame, j’ai décidé de ne pas aller voir ma mère, mais de vivre seule dans un autre apparte­ment pour ne pas ris­quer de la met­tre en dan­ger. J’ai été oblig­ée de démé­nag­er et de ren­con­tr­er des gens pour faire mon tra­vail. J’ai pris toutes les pré­cau­tions pos­si­bles, en évi­tant tous con­tact avec les patients atteints de covidose.

Après mon séjour à Bergame, j’ai passé quinze jours de quar­an­taine seule à Rome, sans ma famille (j’ai un petit enfant) et, avant de ren­con­tr­er mon fils et mon mari, j’ai subi un test sérologique, qui s’est révélé négatif. Un mem­bre de ma famille a été touché par le covid et est décédé. Il s’agis­sait d’un homme de 47 ans qui est mort alors qu’il tra­vail­lait à Bergame. Son patron n’avait pris aucune mesure de pré­cau­tion. Mal­heureuse­ment, des choses ter­ri­bles sont arrivées dans ma ville, égale­ment à cause de la nég­li­gence de nom­breuses entreprises.

• Com­ment avez-vous réus­si à main­tenir l’équili­bre entre votre vie pro­fes­sion­nelle et votre vie privée lorsque vous tra­vail­liez à domicile ?

Bonne ques­tion ! Tra­vailler à la mai­son avec un jeune enfant qui ne peut pas aller à l’é­cole a été très lourd. Pour moi, pour lui et pour toute la famille, c’est un équili­bre. Les enfants sont sans doute les per­son­nes qui ont le plus souf­fert de cet enfer­me­ment, con­traints de rester à la mai­son, sans leurs habi­tudes, leurs amis. Ce sont surtout les plus jeunes, comme le mien, qui ont souf­fert de ne pas pou­voir jouer à l’ex­térieur. Nous, les par­ents, nous devions tra­vailler et ne pou­vions pas pass­er beau­coup de temps avec eux.

C’é­tait une péri­ode de grand stress émo­tion­nel, qui pren­dra plusieurs mois pour être sur­mon­tée. Per­son­nelle­ment, j’ai dû tra­vailler deux fois plus dur, juste pour le tra­vail que je fais. J’ai égale­ment dû m’éloign­er de mon fils pen­dant plus d’un mois pour tra­vailler sur mon enquête jour­nal­is­tique. Mais je suis fière de ce que j’ai écrit et de ce que j’ai décou­vert et j’e­spère pou­voir le racon­ter un jour à mon fils.

Je suis en train d’écrire un livre sur cette his­toire qui a affec­té ma ville.

• En Ital­ie, les régions septen­tri­onales ont béné­fi­cié d’un avan­tage économique pen­dant de nom­breuses années et cer­taines d’en­tre elles ont même voulu être indépen­dantes parce qu’elles ne voulaient pas partager leurs ressources avec le sud, plus pau­vre. Mais le coro­n­avirus a frap­pé le nord plus dure­ment. Pensez-vous que cela va affecter les rela­tions nord-sud en Ital­ie ? Si oui, comment ?

Cette urgence san­i­taire a créé de nom­breuses ten­sions entre les régions du nord et du sud. Para­doxale­ment, le nord, qui a tou­jours été con­sid­éré comme l’ex­cel­lence des soins de san­té ital­iens, a été le plus touché. En réal­ité, ce mod­èle de san­té a échoué, car il n’a pas été en mesure de pren­dre en charge les per­son­nes les plus frag­iles, comme les per­son­nes âgées.

Cette pandémie a tué de nom­breux grands-par­ents, qui ont été aban­don­nés à eux-mêmes. Je pense que la région de Lom­bardie devra repenser son sys­tème de san­té, axé sur le secteur privé et moins sur le public.

• Com­ment les munic­i­pal­ités régionales gèrent-elles ce processus ?

Il n’est pas pos­si­ble de faire une com­para­i­son, car aucune région ital­i­enne n’a été aus­si dure­ment touchée que la région de Lom­bardie, où se con­cen­tre la moitié des décès dus au coro­n­avirus en Ital­ie. Sans aucun doute, si ce qui s’est passé dans le nord s’é­tait pro­duit dans le sud, il y aurait eu une cat­a­stro­phe san­i­taire bien pire.

• De nom­breux déchets sont apparus à cause du coro­na. Où vont ces déchets ?

Par­mi les prob­lèmes causés par la pandémie de Covid-19, il y a aus­si l’ac­cu­mu­la­tion et l’élim­i­na­tion ultérieure de déchets spé­ci­aux, poten­tielle­ment infec­tés, provenant prin­ci­pale­ment des hôpi­taux. En mars 2020, lorsque la pandémie a explosé dans tout son drame, la quan­tité de déchets médi­caux poten­tielle­ment infec­tés a triplé par rap­port au mois précé­dent et il a fal­lu réfléchir à la manière de les élim­in­er, en min­imisant le risque de contagion.

Les déchets pro­duits chaque année par le secteur san­i­taire et vétéri­naire ou par les activ­ités de recherche con­nex­es (à l’ex­cep­tion des déchets de cui­sine et de restau­rant qui ne provi­en­nent pas directe­ment des soins de san­té) atteignent déjà près de 180 000 tonnes et la qua­si-total­ité — 160 815 tonnes — est com­posée de déchets dan­gereux, dont la plu­part sont inc­inérés ou mis en décharge pour des raisons légales. L’épidémie et les opéra­tions de soins de san­té qui y sont liées, comme on peut le devin­er, provo­quent cepen­dant une aug­men­ta­tion de la pro­duc­tion de ces déchets, qui doivent être gérés en toute sécurité.

La sit­u­a­tion la plus urgente est main­tenant vécue par les entre­pris­es actives dans la ges­tion des déchets hos­pi­tal­iers qui, dans les cas extrêmes, pour soutenir adéquate­ment les struc­tures san­i­taires les plus touchées par l’ur­gence du Covid-19, ont triplé la col­lecte et la ges­tion des déchets dans les hôpi­taux, aug­men­tant ain­si le per­son­nel et les ressources impliquées dans les opérations.

• Quel type d’ex­a­m­en le sys­tème de san­té en Ital­ie a‑t-il effec­tué pen­dant la péri­ode du coro­na virus ?

Pen­dant cette pandémie, le prin­ci­pal prob­lème a été le manque de réac­t­ifs chim­iques néces­saires à l’analyse des prélève­ments. Au début de l’épidémie, en effet, de nom­breuses per­son­nes ont eu des dif­fi­cultés à pou­voir se soumet­tre au test pour savoir si elles étaient pos­i­tives au covid. Même main­tenant que nous sommes en phase trois, de nom­breuses per­son­nes n’ont pas encore pu pass­er le test et ne peu­vent donc pas retourn­er au tra­vail ou tra­vailler sans savoir si elles sont con­tagieuses ou non.

• Quelle était la dif­férence entre les hôpi­taux privés et publics ?

En Ital­ie, le sys­tème de san­té est pub­lic et fonc­tionne assez bien, ce qui sig­ni­fie que n’im­porte qui peut avoir recours à un traite­ment médi­cal sans avoir à pay­er pour être assisté ou hos­pi­tal­isé. Cepen­dant, pen­dant cette urgence, cer­taines clin­iques privées ont prof­ité du fait que tous les hôpi­taux s’é­taient con­ver­tis en étab­lisse­ments covi­di­ens, réduisant de moitié les autres opéra­tions et les vis­ites non covi­di­ennes, et ont fait des affaires pour traiter les patients (non covi­di­ens) qui restaient soudaine­ment sans assis­tance à cause du coro­n­avirus. En général, cepen­dant, les grands hôpi­taux privés sous con­trat avec le pub­lic (typ­iques de la région de Lom­bardie) se sont mis à la dis­po­si­tion des patients covidés.


Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Zehra Doğan on FacebookZehra Doğan on Twitter
Zehra Doğan
Auteure, mem­bre d’hon­neur de Kedistan
Jour­nal­iste, artiste. Jour­nal­ist, artist. Gazete­ci, sanatçı.