Une très belle surprise que ce premier livre de Dora Djann, simple en apparence, mais qui se révèle d’une foisonnante complexité, si l’on y plonge profondément.
Née en Turquie, mais venue en France à huit ans pour rejoindre ses parents, militants communistes exilés, mariée sans le consentement de son père, Ziné n’a pas revu ce dernier depuis depuis quinze ans.
Divorcée aujourd’hui, elle voudrait le revoir. Alors, elle plonge dans ses souvenirs, cherche à retrouver la petite fille qu’elle était, l’histoire de sa famille.
Comment une petite fille Kurde, née en Turquie juste avant le coup d’état de septembre 1980, se retrouve divorcée en France aujourd’hui?
Pas à pas, on suit le fil des pensées de Ziné, qui nous emporte avec elle dans les bouleversement de la Turquie contemporaine et de l’histoire des Kurdes.
Mais de quoi est-il vraiment question, dans ce livre ?
De politique, incontestablement : l’histoire de cette famille obligée de fuir son pays pour ne pas subir la répression du pouvoir militaire turc, rejoint alors les récits des réfugiés du monde entier, emprisonnés, torturés, exilés pour avoir combattu le pouvoir en place.
De politique encore, quand il est question du patriarcat du grand-père, mais dont le père est tout autant victime, quand, pourtant militant communiste, progressiste, il reproduit, probablement à son corps défendant les mêmes schémas une fois en France.
De politique, toujours, quand Ziné se confronte à l’histoire de la Turquie et du peuple Kurde.
Oui, “ouverture à la française” est sans aucun doute de ce point de vue, un ouvrage politique.
C’est aussi un livre qui parle de l’immigration et de l’exil. De la difficultés de s’intégrer dans un monde dont on ne sait rien, mais plus encore qui ne sait rien du nôtre. De l’humiliation pour un père de ne pas pouvoir vivre avec sa famille dans son pays. De sa souffrance de voir ses enfants devenir “autres”. De sa défaite, en quelque sorte, loin de son pays natal.
Mais la grande réussite de Dora Djann, c’est de montrer à quel point tout ces évènements politiques sont étroitement liés aux histoires personnelles. Quels effets l’exil peut avoir sur le développement individuel, comment il peut changer les gens et briser les familles.
Comment il est difficile de se construire une identité qui appartient à la fois à notre nouveau monde, tout en restant reliée à l’ancien. Comment relier les fils de la grande et de la petite histoire, pour se raconter sa propre histoire.
C’est aussi ce récit là que nous fait Dora Djann, le tourbillon des évènements mêlés les uns aux autres, dont une grande part ne dépend pas de nous, qui constitue une vie.
Un très très beau livre.
Philippe
Ouverture à la française
Dora Djann
Éditions Collas, sorti le 30 août 2019, 16,90€
ISBN : 2490155199
Résumé
Originaire de Turquie, Ziné n’a pas revu son père depuis quinze ans, depuis qu’elle s’est mariée avec un Français et sans le consentement de sa famille. Maintenant qu’elle a divorcé, elle voudrait renouer avec lui mais elle craint d’être la cible d’un crime d’honneur. Ziné se met à fréquenter le milieu kurde dans le quartier où vit son père, le dixième arrondissement parisien. Elle se confronte alors à l’histoire du son pays natal, le Kurdistan. Mais pas seulement…
Ziné retrouve sa mémoire de petite fille. Elle raconte alors la vie d’une famille kurde de Turquie, dont les parents communistes, engagés contre l’obscurantisme, le matérialisme et le patriarcat, sont arrêtés, emprisonnés et rejetés par la famille, les déménagements incessants entre Gaziantep et Istanbul, sous l’autorité exclusive du grand-père, le souffle commun aux femmes kurdes et alévies, les discussions secrètes des parents dans la langue natale interdite, leur départ, sa solitude, puis son exil. Elle trouve dans ses souvenirs de fille de militants communistes exilés en France la force de s’engager dans la résistance kurde.
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