Les coopératives dans le mouvement kurde, un outil d’émancipation des femmes. Deux témoignages.

A la suite de l’adop­tion du par­a­digme du con­fédéral­isme démoc­ra­tique par le PKK en 2005 dans la con­ti­nu­ité d’une évo­lu­tion poli­tique entamée depuis les années 90, le mou­ve­ment kurde légal au Kur­dis­tan Nord (Turquie) s’en­gage dans un proces­sus d’au­tonomi­sa­tion vis à vis de l’E­tat turc. Les par­tis kur­des légaux cherchent notam­ment à organ­is­er des struc­tures de gou­ver­nance par­al­lèles à celle de l’E­tat. A cette époque sont créés par exem­ple les pre­miers con­seils de quarti­er, chargés entre autre de résoudre les con­flits sans pass­er par le sys­tème judi­ci­aire turc. En 2007 le DTK1est fondé, sorte de pro­to-par­lement regroupant toutes les ini­tia­tives poli­tiques ou asso­cia­tives visant à l’au­tonomie au Kur­dis­tan nord. Il sera par­ti­c­ulière­ment visé par la répres­sion après 2015.

Les coopératives, outil pour l’économie démocratique

Les struc­tures coopéra­tives jouent un rôle impor­tant dans ce proces­sus d’au­tonomi­sa­tion. Les coopéra­tives exis­tent depuis 1860 en Turquie, et on en compte aujour­d’hui 84 000 dans 25 secteurs dif­férents. Ce n’est donc pas la struc­ture qui est inno­vante, mais plutôt la façon dont le mou­ve­ment kurde a décidé de se la réap­pro­prier pour en faire le sup­port des pre­mières ten­ta­tives de mise en place d’une “économie démoc­ra­tique”, dont la con­férence organ­isée par le DTK à Van en 2014 a posé les bases.2La ques­tion économique est essen­tielle dans le proces­sus d’au­tonomi­sa­tion, l’E­tat turc ayant volon­taire­ment mené une poli­tique de sous-développe­ment des régions kur­des, où il existe peu d’in­dus­tries et où ce sont surtout les vil­lage pro-gou­verne­ment qui béné­fi­cient de la con­struc­tion d’in­fra­struc­tures. Le mou­ve­ment des femmes kur­des3en par­ti­c­uli­er y a vu un out­il non seule­ment d’é­man­ci­pa­tion économique pour les femmes, dont le tra­vail domes­tique n’est pas recon­nu, mais aus­si une manière d’ou­vrir des lieux soci­aux, d’échanges, d’é­d­u­ca­tion et de poli­ti­sa­tion per­me­t­tant d’échap­per à la pres­sion d’une société très patri­ar­cale et con­ser­va­trice. Jusqu’en 2015, les pro­jets les plus dévelop­pés sont les coopéra­tives agri­coles de la région de Van, dev­enue lieu d’ex­péri­men­ta­tion de cette nou­velle économie, et la coopéra­tive tex­tile de Diyarbakır. D’autres coopéra­tives de femmes exis­tent dans les régions kur­des, à Urfa, Mardin, Mersin. Plusieurs se sont mis­es en réseau sous le label “eko­jin“4pour dis­tribuer col­lec­tive­ment leur pro­duc­tion. Une expéri­men­ta­tion de bou­tique coopéra­tive, Medya Mar­ket, a égale­ment été mise en place à Van depuis deux ans. 60% de ce qu’elle vend est issu de récoltes locales, les salaires y sont répar­tis équitable­ment et la seule marge prise con­cerne les frais de fonctionnement.

Mal­gré un con­texte de répres­sion par­ti­c­ulière­ment dur depuis la ten­ta­tive de coup d’é­tat du 15 juil­let 2016, avec le limo­geage des mairies gag­nées par le HDP5qui soute­naient les pro­jets coopérat­ifs des organ­i­sa­tions kur­des et les nom­breuses arresta­tions de cadres poli­tiques, les coopéra­tives de femmes con­tin­u­ent tant bien que mal à exis­ter. Cer­taines comme à Van ont du cess­er com­plète­ment leurs activ­ités, mais d’autres, à Diyarbakır ou à Urfa, refusent de baiss­er les bras. Pour Sevim, respon­s­able bouil­lon­nante d’én­ergie de l’or­gan­i­sa­tion des coopéra­tives à Diyarbakır, la répres­sion n’est pas nouvelle.

C’est le Kur­dis­tan qui vit le coup d’état, il y avait déjà cette sit­u­a­tion avant le 15 juil­let 2016 mais main­tenant c’est légal­isé. Toute notre organ­i­sa­tion a changé, il y a eu des arresta­tions, des perqui­si­tions quo­ti­di­ennes. Ils ont essayé d’empêcher notre tra­vail, de blo­quer nos marchés. Mais ce n’est pas impor­tant, si 5 par­tent, 10 revi­en­nent. Ils nous retar­dent, mais plutôt qu’en une année on fera ce qu’on fait en trois ans.”

Un travail collectif, émancipateur et sans patron

La coopéra­tive tex­tile de Diyarbakır est implan­tée en milieu urbain, mais les femmes qui y tra­vail­lent ont sou­vent rejoint Diyarbakır suite aux exodes ruraux liés aux dif­férentes péri­odes de con­flits, années 90 et 2015–2016. Son implé­men­ta­tion urbaine favorise toute­fois la dif­fu­sion de ses pro­duits, du fait de la prox­im­ité des acheteurs, et d’une plus grande mix­ité sociale que dans les cam­pagnes. Mais à cause de la répres­sion, son activ­ité a chuté. En mars 2017, seules six femmes y tra­vail­laient. L’ate­lier a du être déplacé dans le sous-sol anonyme d’un quarti­er de Diyarbakır, afin de le pro­téger d’une éventuelle attaque de l’E­tat. Le lieu est petit, sans fenêtres, et il faut se fau­fil­er entre les vête­ments aux couleurs cha­toy­antes pen­dus au pla­fond sous l’é­clairage tran­chant des néons pour rejoin­dre les postes de travail.

Vahide, cou­turière, racon­te : “La coopéra­tive a été fondée en 2007. On tra­vaille depuis 10 ans, moi ça fait 5 ans. On s’est agran­dis pro­gres­sive­ment. Mais il y a eu une par­en­thèse avec tout le proces­sus récent, les con­di­tions politiques.”

Elle explique le fonc­tion­nement : “On com­mence sim­ple­ment, par exem­ple : on prend une machine, on en achète une autre et on aug­mente le nom­bre de machines puis de tra­vailleuses et c’est comme ça qu’on va vers la coopéra­tive. On les achète avec le sou­tien du mou­ve­ment des femmes, on ne pour­rait pas con­tin­uer sans elles. On fait des comptes men­su­els, une amie s’en occupe, tout est interne; elle cal­cule nos frais et nos recettes. On ne tra­vaille pas avec des salaires fix­es, ça évolue tous les mois. On bosse nor­male­ment de 9 à 17h mais on ne sort jamais à 17h, seule­ment quand on a fini. Il n’y a pas de patron, pas de respon­s­able. Si quelqu’un a un empêche­ment, une autre amie la remplace.”

Pour une autre ouvrière, l’ab­sence de hiérar­chie change la rela­tion au travail ;
“J’ai tra­vail­lé avant mais avec des patrons, une hiérar­chie. Ce que j’aime bien ici c’est qu’il n’y en a pas. Je sais main­tenant com­ment on tra­vaille sans patron, avant il y avait tou­jours les respon­s­ables supérieurs et les tra­vailleurs en bas, c’était une ques­tion sociale, mais ici tout le monde est égal. On ne gagne pas for­cé­ment beau­coup mais c’est pas grave, on tra­vaille ensem­ble et on est pas dans la recherche de profit.”

Une tra­vailleuse d’une coopéra­tive de champignons, ouverte à Diyarbakır en mars mais fer­mée depuis, ajoute :
“On veut des pro­duits frais, bons, et écologiques. Pas d’utilisation d’engrais, tout est naturel. On vend dans les épiceries ou dans les immeubles. Ce qu’on veut dans le proces­sus c’est retir­er tous les inter­mé­di­aires car c’est eux qui font les plus gros béné­fices. Du pro­duc­teur au con­som­ma­teur, c’est notre objec­tif. La rela­tion de voisi­nage est donc impor­tante. On ne tra­vaille pas ailleurs. On veut créer une autre cul­ture dans nos coopéra­tives, une autre men­tal­ité, les coopéra­tives c’est pas juste pass­er du temps libre, venir quand on peut.”

Pour Vahide comme pour les autres tra­vailleuses, tra­vailler dans une coopéra­tive a changé leur manière de vivre, et leur place au sein du foy­er comme de la société.
“Avant la coopéra­tive je ne tra­vail­lais pas. C’est une amie qui me l’a pro­posé, j’aime bien le tex­tile. J’étais déjà allée à un cours de 8 mois, mais j’ai aus­si appris un peu seule. Avant j’étais tou­jours à la mai­son, tra­vailler ça fait du bien.”
“Être mar­iée ou céli­bataire ça change rien” com­plète une autre tra­vailleuse. “Il n’y a pas de ques­tion de respon­s­abil­ité, de plus de tra­vail ou moins, ici tout le monde est occupé. Les femmes kur­des ont tou­jours beau­coup de respon­s­abil­ités. La mai­son c’est vrai que c’est du tra­vail. On fait la plu­part de nos tâch­es le soir, des plats à réchauf­fer. Mon mari ne s’oppose pas à ce que je tra­vaille, il ne me dit pas non plus de le faire, c’est moi qui ai décidé. J’ai deux enfants mais j’arrive à tout faire. Je dis que je vais à la coopéra­tive, il ne dit rien, ça fait deux ans que je suis là. Avant je ne fai­sais rien, je m’ennuyais.”

La fer­me­ture de la bou­tique d’eko­jin n’a pas arrêté le mou­ve­ment des femmes. “On a plus de bou­tique, mais on vend nos fringues par répu­ta­tion, les gens nous con­nais­sent, ils nous appel­lent. C’est vrai que c’est impor­tant d’avoir une bou­tique pour la vis­i­bil­ité mais ce n’est pas grave, on en rou­vri­ra une. On a peur de rien car on sait qu’on a rai­son, jin jiyan aza­di !“6s’ex­clame Sevim. “On a déjoué les stéréo­types. Dans l’histoire tout a com­mencé avec les femmes. Ils essaient de nous enfer­mer à la mai­son, car ils savent que les femmes peu­vent faire ce qu’elles veu­lent. On ne courbera jamais l’échine. On voulait une vie et une économie com­mu­nale, on a analysé les coopéra­tives dans le monde et en Turquie, on a récolté des infor­ma­tions. On a fait des erreurs, mais on a beau­coup appris. On échange nos expéri­ences avec d’autres femmes voulant men­er le même pro­jet. Il y a par exem­ple une coopéra­tive de lait, Tire Sut koop­er­atif. Au moment d’être payées, les femmes appel­lent leurs maris. On ne fait pas ça nous. On ne fait pas pay­er le salaire aux hommes, c’est celui qui tra­vaille qui touche l’argent. On est une petite coopéra­tive pour le moment mais on a de grands rêves”

Aujour­d’hui, la coopéra­tive tex­tile cherche à s’a­grandir en créant des con­tacts à l’in­ter­na­tion­al pour dif­fuser sa production.

Il ne faut pas juste penser à l’aspect pro­duc­tion et vente.“con­clut Sevim. “Ce qui nous importe c’est que les femmes qui sont ici puis­sent appren­dre à être indépen­dante. On dis­cute, il y a aus­si des cours sur la géo­gra­phie et l’his­toire de notre région. C’est dur d’être une femme dans le monde, mais l’être au Kur­dis­tan c’est vrai­ment très dif­fi­cile, on est dans une région patri­ar­cale, il est impor­tant que les femmes le com­pren­nent et en dis­cu­tent. On veut qu’elles appren­nent la vie com­mu­nale. Il y a des siè­cles, les gens étaient sol­idaires, on veut retourn­er à ça. On peut pass­er des heures à dire aux per­son­nes com­ment elles doivent vivre mais ça ne suf­fit pas, il faut l’inscrire au quotidien.”

La coopérative, un lieu social important

A Bozo­va, dans la province d’Ur­fa une coopéra­tive de femmes existe depuis sept ans. Dans cette région très rurale, vivant prin­ci­pale­ment de la cul­ture des céréales, de la pis­tache, du coton et d’un peu d’él­e­vage, les con­di­tions économiques sont dif­fi­ciles. La coopéra­tive est par­v­enue à se main­tenir mal­gré la répres­sion. Bien qu’indépen­dante du réseau eko­jin, elle fai­sait par­tie des ini­tia­tives soutenues par le mou­ve­ment kurde, mais avec plus de dis­tance dans cette région con­ser­va­trice où de nom­breux vil­lages sont acquis à l’AKP. Six mois après le limo­geage de la mairie HDP, les admin­is­tra­teurs appointés par l’é­tat ont repris les ter­rains agri­coles loués à un tarif avan­tageux à la coopéra­tive, occa­sion­nant pour celle-ci de lour­des charges sup­plé­men­taires en frais de loca­tion et factures.

Les locaux de la coopéra­tive, dans une petite mai­son, sont vides en mai. Le tra­vail n’a pas encore com­mencé, la sai­son va de juin à octo­bre. Aygün coor­donne le pro­jet. Mère de cinq enfants, elle a décou­vert les coopéra­tives quand son mari l’a quit­té et qu’elle s’est rap­prochée du mou­ve­ment des femmes. Hed­ibe a vécu toute sa vie à Bozo­va. Elles racon­tent leur expéri­ence de la coopérative.

Hed­ibe : “On a fait du pain, du dol­madu nar ekşisi, du pekmez, des tomates séchées… On fait de tout.“7
Aygün : “On est sept. Avant le coup d’état on était à l’aise, on payait les impôts, même si on ne gag­nait pas beau­coup pour nous. Mais le loy­er coute très cher main­tenant, on paie l’eau, les fac­tures, ça a démo­tivé les amies. Cer­taines ont tra­vail­lé pen­dant un an et n’ont rien obtenu.”

La mise en place a été difficile :
Aygün : “On a tra­vail­lé sur les deman­des et les envies des femmes. Le plus gros prob­lème pour elles c’est les finances. L’argent est très prob­lé­ma­tique ici, les rich­es vivent à Urfa, font leurs cours­es là-bas, les pau­vres restent ici. Tout le monde veut du tra­vail. Mais il n’y a aucun investisse­ment. La sym­pa­thie de la pop­u­la­tion pour le HDP joue beau­coup dans l’absence de pro­jets et de finance­ments. Il y beau­coup d’investissements à Siverek, c’est féo­dal et sun­nite, donc c’est un bled très soutenu par l’é­tat. Mais ici à Bozo­va y’a rien. Nous, on a ouvert comme une asso­ci­a­tion. Les femmes qui en avaient besoin sont venues, on voulait soutenir une dizaine de per­son­nes. On était d’abord dans la cam­pagne puis on est venues ici à Bozo­va pour touch­er plus de femmes. La mairie nous a aidé pen­dant deux ans.”

Même si elles ne font pas par­tie du réseau eko­jin, des rela­tions exis­tent avec les autres coopératives.
Aygün : “La coop de Mardin on ne la con­naît pas très bien, celle de Wan si, on s’est ren­con­trés. Elles sont plus fortes que nous. Il y a une grande dif­férence entre elles et nous, parce qu’ici il y a moins de deman­des, de réseaux. Celle de Diyarbakır, on est en dia­logue, si on a un prob­lème on se sou­tient. L’autre semaine j’y étais, je leur ai demandé de l’aide, elles nous ont dit qu’elles allaient chercher un spot pour ven­dre au marché, c’est super.”

Dans cette région con­ser­va­trice, la coopéra­tive a d’abord un intérêt social pour les femmes. Elles peu­vent s’y ren­con­tr­er, et tra­vailler ensem­ble per­met de créer des liens, d’échang­er, ce qui n’est pas tou­jours évi­dent au quotidien.

Aygün : “Aujour­d’hui, ce sont des endroits où on peut s’asseoir, dis­cuter, boire un thé entre femmes. Avant, c’é­tait réservé aux hommes. Ici c’est très con­ser­va­teur, patri­ar­cal. Une amie avo­cate est venue nous par­ler de droit, on a eu un cours sur le finance­ment, sur le genre, une soci­o­logue est venue, on a eu un cours sur le fonc­tion­nement de la coopéra­tive. On a fait l’aşure8il y avait 30–40 personnes.”
Hed­ibe : “On est entre amies, on est ensem­ble. On dis­cute. C’est bien qu’une femme puisse ramen­er de l’argent à la mai­son. Avant je ne tra­vail­lais pas”.
Aygün : “Des femmes nous ont aidé pour le nar eksisi, on a pu les pay­er, on était con­tente. On a par­lé de nos prob­lèmes, de nos soucis, on a appris à se con­naître. On se touche les unes les autres. Je peux tout leur dire.
Ça va vous sem­bler bizarre mais par ici, les gens ne se sup­por­t­ent pas, les belles sœurs ne s’aiment pas, on peut pas se racon­ter nos prob­lèmes. On en par­le entre femmes de l’extérieur, ça c’est super.”

On n’a pas de problème dans la production, c’est la vente qui a bloqué.”

Si l’aspect social est un suc­cès, la coopéra­tive peine à écouler sa pro­duc­tion dans une région pau­vre où tout le monde partage les mêmes dif­fi­cultés financières.
Aygün : “Pour l’avenir on a com­pris qu’on ne pou­vait pas tenir avec notre seul tra­vail, c’est trop dur. Ca fait sept ans, et on a pas pu vrai­ment aider finan­cière­ment les femmes ici. On voudrait pren­dre un finance­ment de l’Union Européenne ou d’ailleurs, rassem­bler une cinquan­taine de femmes et faire con­naître notre coopéra­tive. On a peu de pub­lic­ité. Et puis à Bozo­va les femmes tra­vail­lent tou­jours à la mai­son, elles font du salça, du dol­ma, elles le reven­dent mais ce n’est pas recon­nu comme un tra­vail. On veut ren­dre le tra­vail domes­tique des femmes vis­i­ble. C’est un vrai tra­vail. Pas unique­ment à Bozo­va mais aus­si dans les vil­lages. Il faudrait faire tout ce qui est néces­saire pour les femmes ici, c’est impor­tant. Il y a beau­coup de femmes vic­times de vio­lence, de jeunes filles mar­iées, mar­iées de force, ou avec des vieux. Il y a tout un tra­vail d’éducation à faire et c’est fon­da­men­tal. J’espère qu’on pour­ra gag­n­er ces pro­jets, les obtenir. A la base l’idée c’était de tra­vailler pour nous et gag­n­er de l’argent sans inter­mé­di­aire à pay­er. Hon­nête­ment on n’a pas réus­si parce qu’on a pas d’emplacement de vente au marché. On n’a pas de prob­lème dans la pro­duc­tion, c’est la vente qui a blo­qué. On a voulu créer un site inter­net, faire des brochures mais c’est pareil, ça coute de l’argent.”

Hed­ibe : “On fait quelque chose de bien et de beau ça nous suf­fit. Mais on aimerait qu’il y ait plus de femmes, qu’on s’aide vrai­ment. La sit­u­a­tion économique est dif­fi­cile, elles tra­vail­lent beau­coup à la mai­son mais n’obtiennent rien. On est dans l’om­bre d’Ur­fa. Y’a rien ici, pas de tra­vail ni pour les femmes ni pour les hommes. Et pour­tant c’est très beau Bozo­va. J’ai gran­di ici, je ne peux pas vivre ailleurs. Mon fils n’a pas de tra­vail, il est par­ti à Istan­bul, on n’a pas sup­porté la sépa­ra­tion. Y’a beau­coup de pau­vres ici, par exem­ple les gens par­tent tra­vailler pour 30TL9à la journée dans les champs, même les enfants de 10 ans. Mon rêve c’est d’être une femme d’affaires, d’aider les gens, d’acheter des affaires pour les enfants; les aider à étudi­er. Mais ici notre but c’est pas de gag­n­er de l’argent, on voulait se retrou­ver entre femmes, entre amies. Les femmes doivent sup­port­er les maris, tra­vailler dans les champs, s’occuper des enfants… J’ai élevé mes enfants dif­fi­cile­ment, par­fois sans manger. Je ne pou­vais pas leur don­ner de l’argent de poche, cer­tains ont étudié mais ils n’ont pas de tra­vail. Moi je suis fatiguée, on a beau­coup souf­fert. Je me suis dit, moi aus­si je vais tra­vailler, devenir une femme d’affaire, mais c’est dur de con­tin­uer. Mais on doit con­tin­uer. Je suis con­tente de ce qu’on a fait.”

A Diyarbakır comme à Urfa, ce n’est donc pas tant l’aspect économique qui fait la force des coopéra­tives de femmes du mou­ve­ment kurde, mais plutôt le fait de faire tra­vailler ensem­ble des femmes aupar­a­vant isolées, leur per­me­t­tre d’échang­er, de s’or­gan­is­er, et val­oris­er leur tra­vail. Si les coopéra­tives ont été un lieu d’ex­péri­men­ta­tion économique pour le mou­ve­ment kurde, et un lieu d’é­man­ci­pa­tion pour les femmes, leur essor au Kur­dis­tan Nord a été bru­tale­ment stop­pé par la vio­lente répres­sion qui s’est abattue sur la région depuis 2015, mal­gré les résis­tances de cer­tains pro­jets qui con­tin­u­ent tant bien que mal d’ex­is­ter. Mais l’ex­péri­ence acquise en près de 10 ans de développe­ment n’au­ra pas été inutile.

C’est main­tenant dans une autre par­tie du Kur­dis­tan que l’é­conomie démoc­ra­tique se met en œuvre : le Roja­va. Dans le con­texte dif­fi­cile d’une économie sous embar­go, les coopéra­tives ont été un out­il de l’ad­min­is­tra­tion autonome pour relancer le développe­ment économique et sub­venir aux besoins de la pop­u­la­tion. Celle-ci n’a pas voulu expro­prier les grands pro­prié­taires, préférant créer les ini­tia­tives en util­isant sur des ter­res appar­tenant aux col­lec­tiv­ités ou louées.

Loez


Eng­lish: “Coops in the Kur­dish Move­ment, an Eman­ci­pa­tion Tool for WomenClick to read
Espanol: Roja­va Azadî “Coop­er­a­ti­vas en el Movimien­to Kur­do, una her­ramien­ta eman­ci­pado­ra para las mujeres” Click

Traductions & rédaction par Kedistan. Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Kerema xwe dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas.
Translation & writing by Kedistan. You may use and share Kedistan’s articles and translations, specifying the source and adding a link in order to respect the writer(s) and translator(s) work. Thank you.
Loez
Pho­to-jour­nal­iste indépendant
Loez s’in­téresse depuis plusieurs années aux con­séquences des États-nations sur le peu­ple kurde, et aux luttes de celui-ci.