Hande, travailleuse du sexe et trans a été assassinée. Le corps brûlé de Hande Kader a été retrouvé à Zekeriyaköy. Dans cette Turquie post coup d’état, où les purges continuent, n’oublions surtout pas ces discriminations qui finissent en meurtres “impunis”.
Selon le portail trans « Pembe Hayat », Hande avait disparu depuis une semaine. Ses amiEs l’avaient vue pour la dernière fois, monter dans la voiture d’un de ses clients et avaient déclaré peu après sa disparition à la police. Son corps a été retrouvé le 8 août, dans le quartier Zekeriyaköy à Istanbul. Son petit ami, a identifié le corps de Hande, grâce aux prothèses qu’elle portait.
Rappelons que Hande Kader, était l’une de celles qui s’étaient mises devant la police, lors de la Marche des fiertés 2015. Cette photo de Hande arrosée par les canons à eau, avait fait le tour du monde, pour illustrer l’information sur le gay pride subitement déclaré “interdite” par la Préfecture, en prétextant le Ramadan, et violemment réprimée par la police.
Hande en colère, s’était exprimée devant les journalistes : « Vous filmez vous filmez mais vous ne publiez pas. Vous n’écrivez pas tout cela, écrivez pour que le monde entier le sache ! » disait-elle, juste avant de se baisser pour remettre sa chaussure, et que les policiers lui tirent dessus à balles en caoutchouc.
Hande n’est ni la première victime, ni la dernière. Mais aujourd’hui autour de son visage, son nom et son histoire, les assassinats de trans qui traversent (ou pas du tout) les médias comme des faits divers, parfois en simple entrefilet, reviennent à la mémoire. La société « normalisée » a beaucoup de mal à intégrer la nature et gravité de ces meurtres. Et la discrimination des personnes LGBTI, fait pourtant partie de la vie quotidienne en Turquie, et ses racines vont jusqu’aux prisons, aux camps de réfugiés syriens, aux quartiers urbains ghettoïsés… et ce dans la non réaction de la “gauche” le plus souvent. Ne parlons pas des bigots de l’AKP…
Dans un interview de Bant Mag, Şevval Kılıç, activiste LGBT s’exprime :
En Turquie, un des mouvements qui grandit le plus vite et le mouvement LGBTI.
Après Gezi les luttes LGBTI ont gagné du terrain et ont acquis des soutiens. Mais parallèlement, ceux qui n’appréciaient pas les LGBTI ont porté leur sentiment vers un nouvel ennemi. Ils ne se satisfont pas d’une discrimination, mais agressent verbalement et physiquement. C’est une polarisation.
Il n’y a pas que des assassinat que nous constatons. Il y a aussi des suicides. Par exemple une fille de 19 ans, s’est jetée du pont du Bosphore. Nous considérons que ce sont des suicides forcés par les conditions de vie. Il faudrait donc les qualifier d’assassinats haineux. Si je savais pourquoi ces meurtres sont commis, je sortirais dans la rue et les empêcherais. Mais plusieurs facteurs se réunissent. Avant tout, sur ces terres, il y a une guerre, il est facile de le constater en allant en Kurdistan. Pour entretenir cette guerre, la société est continuellement imbibée de haine. Nous sommes transforméEs en société agressive. Femme, homme, enfant, Kurde, Turc/que, chat, chien, même les plantes sont rendus agressives. Cela est un des facteurs. Manque de tolérance, misère sexuelle… Nous avons une composition de société traditionnelle qui n’a pas vécu sa révolution sexuelle. On qualifie la Turquie de ‘République bananière’, moi, je vois cela comme une description raciste. Ici, c’est une ’République de bite’, la forteresse des l’hétérosexualité et l’hégémonie de l’homme. Il est presque absurde d’être une femme trans, dans une société où le fait d’être homme et posséder les codes de l’homme est élevé au ciel. Les femmes trans sont des points de fracture de ce système hétérosexuel, des gifles portées à la masculinité. Il est difficile donc [pour les hommes], de digérer l’existence des trans, car ils ont bâti toute leur vie, leur idéologie sur un organe. Toi, tu te mets devant eux, tu souris. Si tu es un homme, tu élimines la masculinité et la testostérone de ton corps, et même tu paies pour cela. Tu annihiles les choses sur lesquelles l’homme a bâti sa vie, c’est pour cela qu’il te hait. Je pense désormais qu’il n’y a pas que ces facteurs. Par l’intermédiaire de notre association (Trans blok) nous participons à des réunion dans d’autres pays et nous échangeons avec d’autres organisations. N’importe où au monde, les trans des mouvements LGBTI, sont les membres les plus opprimés, les plus pauvres et les plus écrasés. C’est la même chose.
Nous souhaitons ultérieurement traduire et publier l’intégralité de cet interview. Si vous êtes partantEs pour donner un coup de main à la traduction, contactez nous via le site ou sur FB. Merci.
Bianet publiait le 20 novembre 2015, le jour de la « Commémoration des trans», un compte rendu sur les meurtres des trans et annonçait que depuis 2008, 1993 trans avaient été assassinéEs. Avec ces chiffres affolants, la Turquie détient la première place des pays européens figurant sur la liste des assassinats de trans.
Selon le rapport du mars 2016 du Transgender Europe qui suit les assassinats de trans au monde, la Turquie est à la 7ème position dans les 12 premiers pays mondiaux avec 41 assassinats. Le Brésil est le premier pays avec 802 assassinats.
Hande a été sauvagement assassinée. Hande est partie. Mais elle devient aujourd’hui un symbole de la lutte contre la discrimination et la haine transphobe.
Les organisations de société civile LGBTI+ l’ont souligné encore une fois : les assassinats de trans sont politiques.
#HandeKader’in yakılarak öldürülmesi sonrası dayanışma çağrısı yapılıyor: “Susma Haykır Translar Vardır” pic.twitter.com/djVDa9fL82
— 140journos (@140journos) 14 août 2016
Hande Kader femme trans, vivant à Istanbul, a disparu il y a une semaine.
Ses amiEs et son petit ami ont déclaré sa disparition.
Le corps brûlé de Hande Kader a été trouvé à Zekeriyaköy.
Nous les trans, soit nous sommes pousséEs au suicide, soit nous sommes assassinés sauvagement.
Nous nous attendons tous les jours, à nous faire tuer, ou la nouvelle de la mort d’un de nos ami-Es arrive…
Tant que l’Etat ne prend pas de précautions légales et effectives contre la haine transphobe, que l’impunité perdure, les assaillants agissent tranquillement.
Pour notre droit de vie, toi aussi, fais du bruit et dis stop à ces attaques.
Nous ne voulons pas être isoléEs. Nous voulons vivre et travailler.
Pour que des lois protectrices soient votées, et pour que les assaillants soient punis, toi aussi, marche avec nous. N’oublie pas, même si un de nous n’est pas libre, toute la société est privée de sa liberté.
Arrêtons les assassinat de haine ensemble. Revendiquons l’égalité, la justice et la démocratie pour tout le monde.
Ne te tais pas, crie ! Les trans existent !
Ne te tais pas, crie ! Les trans existent !
Photo à la une :
Marche des Fiertés des trans 2015, Istanbul. Hande et sa copine se font embarquer. Photo : Şener Yılmaz Aslan