le 11 janvier les universitaires lançaient un appel intitulé « Nous ne serons pas complice de ce crime » en demandant le rétablissement de la paix dans le Sud-Est de la Turquie. 1128 enseignants de 89 universités turques et étrangères avaient signé ce texte.
Le Président Tayyip Erdogan avait répondu aux universitaires en les traitant de « brouillons d’intellectuels » et Sedat Peker parrain de mafia ultranationaliste, l’avait soutenu en enchaînant aussitôt « Nous allons faire couler votre sang en rivière, et nous allons nous doucher avec. » (Voir dans l’article : Pseudo intellectuels, ignares et obscurs)
Notons que, barisicinakademisyenler.net, le site hébergeant le texte des universitaires est devenu étrangement inaccessible depuis deux jours.
L’offensive a commencé, à la fois par la voix de la police et par les menaces plus “milices” populaires.
Les enseignants Doç Dr. Kemal İnal ve Doç. Dr. Betül Yarar, de l’Université Gazi à Ankara, ont trouvé des messages de menaces collés sur la porte de leur bureau, accompagnés de croix rouges. Les messages étaient signés par les ultranationnalistes de l’Université. « Dans notre université, nous ne voulons pas des enseignants qui soutiennent le PKK ». Un message semblable était laissé à d’autres enseignants signataires également à Kırıkkale. Quant à Selçuk, sur la porte de Doç Dr. Nezir Akyesilmen, le message suivant a été laissé par les ultranationalistes : « Sur les terres turques dont la gloire et l’honneur sont grands, il n’y a pas de place pour des traitres comme toi ! On va faire en sorte que Selçuk soit petit pour toi ! »
Kemal Inal a préféré retirer sa signature de la liste, et a fait un appel au Premier Ministre pour demander l’ouverture d’une enquête concernant les messages et les croix rouges marquées sur les portes.
Il souligne : « Un collègue que j’ai soutenu pour l’édition de son livre, m’a envoyé un message sur Facebook en me disant ‘nous te tirerons sur le talon’. »
L’enseignant explique qu’après avoir vu les messages collés sur les portes de bureaux, dont la sienne. « J’avais envie de pleurer. Ceux qui ont mis ces messages sont mes élèves. Je me suis occupé d’eux, de leurs problèmes… Je n‘approuve pas les actes terroristes. Tout ce que je veux, c’est que les Turcs et les Kurdes puissent vivre ensemble, démocratiquement. »
D’autres étudiants soutiennent leur enseignants : “Notre professeur Yücel, n’est pas seul !”
Des soutiens…
Les étudiants ne sont pas les seuls à afficher leur soutien. Les journalistes ont également publié un communiqué et déclaré qu’ils sont aux côté des universitaires. Le nombre de journalistes a dépassé très rapidement les 500 et d’autres rejoignent déjà leurs confrères.
Vous trouverez ici la liste des journalistes signataires, dont font également partie Can Dündar, rédacteur en chef du journal Cumhuriyet et représentant du bureau d’Ankara Erdem Gül, tous les deux, actuellement en prison.
Diverses organisations de société civile progressistes, plateformes et collectifs de lutte ont apporté également leur soutien aux universitaires… des cinéastes, des éditeurs, et 2000 juristes ont rejoint la “horde de brouillon d’intellectuels imbéciles” comme dit Erdogan…
Une pétition est lancée depuis l’Allemagne, par les universitaires allemands. Et une autre à l’attention des turcs résidant dans les pays étrangers. Cette dernière nous questionne, car des signatures demandées aux turcs seuls risque d’établir une liste “prête-à‑l’emploi” pour Erdogan, puisqu’ici on connait par coeur toutes les coopérations policières entre les gouvernements européens et la Turquie, nouvellement remises à jour. Par ailleurs, pour les binationaux turcs, il est plus important de faire pression sur les gouvernements des pays où ils résident, pour qu’ils cessent leur soutien éhonté. Il serait préférable donc que les signatures soient massives et tous nationaux confondus.
Pendant ce temps là…
Ordres d’arrestations pour 21 des enseignants de l’Université de Kocaeli signataires du texte. 14 sont déjà en garde à vue. Ils sont accusés « d’insulte à la nation turque, à l’Etat de la République turque, l’Assemblée Nationale, le gouvernement de l’Etat de la République turque et les organes de justices de l’Etat » ainsi que de « propagande pour organisation terroriste ».
Adem Yeşilyurt, Ar. Gör., Kocaeli Üniversitesi, Aynur Özuğurlu, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Burcu Yakut Çakar, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi,
Derya Keskin, Yrd. Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Güven Bakırezer, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Hakan Koçak, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Hülya Kendir, Yrd. Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Kuvvet Lordoğlu, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Mehmet Cengiz Erçin, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Mehmet Rauf Kesici, Yrd. Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Mehmet Ruhi Demiray, Yrd. Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Nilay Etiler, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Onur Hamzaoğlu, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Özlem Özkan, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Ümit Biçer, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Veli Deniz, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Yücel Demirer, Doç. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Zelal Ekinci, Prof. Dr., Kocaeli Üniversitesi, Selime Güzelsarı, Yrd. Doç., Abant İzzet Baysal Üniversitesi
A l’Université d’Izzet Baysal, à Abant, fouilles et confiscation des ordinateurs chez 3 enseignants universitaires. Prof. Dr. Barış Kılıçbay, Doç. Dr. Selime Güzelsarı et Dr. Ülkü Güney
A l’Université de Giresun, un signataire de l’appel a été relevé de ses fonctions.
Ouverture d’enquêtes à l’encontre de 4 enseignants à Gaziantep, Çağrı Aslan, Yrd. Doç. Dr. Fulya Doğruel, Yrd. Doç. Dr. H. Pınar Şenoğuz et Yrd. Doç. Dr. Rana Gürbüz
A Mersin ouverture d’enquêtes à l’encontre de 20 enseignants.
A Bursa, 2 universitaires signataires ont été mis en garde à vue. Aylin Çakı ve Gökhan Yavuz Demir
Il serait urgent que des universitaires, intellectuels, s’adressent également ici aux gouvernements européens, aux chefs d’état qui soutiennent Erdogan, à la presse et aux médias, afin que cesse cette répression qui peut aller jusqu’à mort d’homme, au train où vont les choses.
Laisser s’enclencher une dynamique qui rappelle celles de la “chasse aux sorcières” dans certaines universités dans les années 30, faire silence sur cette répression contre les défenseurs de la paix, constituerait un acte de “terrorisme silencieux”, tout aussi mortel que des balles contre la liberté d’expression. A vos crayons, à vos claviers, les adresses de nos “dirigeants” politiques sont sur le net !
Les informations, vous les avez, agissons pour que cesse ces arrestations, intimidations, terrorisme d’Etat, et sans doute bientôt crimes… comme ceux qui se déroulent à l’Est.
Ajout vendredi 15 janvier à 20h
Les 28 universitaires mis en garde à vue à Kocaeli, Bursa, Bolu et Erzurum ont été libérés dans la soirée. Mais la vigilance et les soutiens continuent.