Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, jour­nal présen­té par Ron­ahi TV chaque dimanche. Un retour sur la semaine du 12 au 18 févri­er 2017. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trou­verez ici, chaque semaine, en parte­nar­i­at avec Kedistan.

Les gros titres :

• RAQQA : Pour­suite des opéra­tions mil­i­taires — Analyses
• INVASION TURQUE DE LA SYRIE : Bom­barde­ments meur­tri­ers à BAB — Quelles perspectives
• SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE : ILHAM EHMED (MSD) de retour de Washington
• 15 FÉVRIER : Jour noir — Commémorations
• HEWLER : Le KDP à con­tre courant
• TURQUIE : Cli­mat de guerre civile — Silence on torture !


 

 

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Le journal Ronahi TV en 24 minutes

RAQQA
POURSUITE DES OPÉRATIONS MILITAIRES

L’opéra­tion « colère de l’E­uphrate » se pour­suit. Les efforts des forces démoc­ra­tiques syri­ennes se por­tent sur les ter­ri­toires situés à l’est de Raqqa, pour lui couper toute forme d’ap­pro­vi­sion­nement depuis la ville de Deir Azzor.

Au dernier bilan des opéra­tions, un bilan com­mu­niqué dimanche dernier par le porte-parole des FDS, le colonel Talal Ali Silo, les FDS ont repris au Daesh lors de la troisième phase de l’opéra­tion « colère de l’E­uphrate », plus de 700km car­rés de ter­res dans les cam­pagnes situées au nord-est de la ville de Raqqa.

98 vil­lages ont été libérés. 124 mem­bres de Daesh ont été tués et de nom­breux autres blessés.
Les forces démoc­ra­tiques sont main­tenant aux portes de la ville de Raqqa. Elles sont soutenues par les avions de la coali­tion menée par les Etats-Unis ain­si que par des troupes au sol.
Lors des com­bats, 13 mem­bres des FDS ont mal­heureuse­ment per­du la vie.
Jeu­di, un sec­ond volet de la troisième phase des opéra­tions mil­i­taires pour libér­er Raqqa s’est ouvert, plus à l’est, depuis la région de Mekmen.
A mi-chemin entre la ville de Raqqa et celle de Hasaké, les FDS ont repris les vil­lages de Siyad et de Has­san Zeid. Cette colonne doit percer les posi­tions du daesh afin de repren­dre les ter­res situées à prox­im­ité de Deir Azzor, ce qui per­me­t­tra d’isol­er com­plète­ment le Daesh de ses autres posi­tions. Les com­bat­tants du con­seil mil­i­taire de Deir Azzor ont d’ailleurs pris part dans cette nou­velle offen­sive, qui per­me­t­tra en même temps de libér­er leur ville du Daesh.
Et puis, ce jeu­di tou­jours, 165 nou­veaux com­bat­tants arabes orig­i­naires de Raqqa ont été diplômés de l’a­cadémie mil­i­taire Abu Ley­la, en présence de com­man­dants des FDS et de représen­tants de la tribu des El-Fedan.
Après avoir prêté ser­ment, les nou­veaux com­bat­tants des FDS ont rejoint leurs nou­velles posi­tions sur la ligne de front de Raqqa.

RAQQA
ANALYSE
Quels sont les enjeux de la bataille de Raqqa ? Quelles seront les con­séquences de la libéra­tion de cette ville pour l’avenir de la révo­lu­tion en cours en Syrie ? Voici quelques élé­ments d’analyse.
Cela fait plus de trois ans que le Daesh con­sid­ère Raqqa comme sa cap­i­tale. C’est la plus grande ville sur la rive ori­en­tale de l’Euphrate. Avant l’occupation du Daesh, il y avait à Raqqa, comme dans tant d’autres villes de Syrie, une mosaïque de peu­ples et de croyances.
Aujourd’hui, des mil­liers de jeunes hommes et de jeunes femmes orig­i­naires de Raqqa ont rejoint les forces démoc­ra­tiques syri­ennes pour libér­er leur ville. Cette présence de plus en plus impor­tante d’éléments com­bat­tants qui ne sont pas kur­des au sein des FDS est un gage de légitim­ité de cette force mil­i­taire appelée à devenir un jour la nou­velle armée nationale syrienne.
Les chefs trib­aux locaux et la pop­u­la­tion atten­dent énor­mé­ment de ces com­bat­tants de la lib­erté. La nou­velle admin­is­tra­tion améri­caine con­tin­ue égale­ment d’apporter son sou­tien mil­i­taire pour con­tribuer au suc­cès crois­sant des unités FDS.
La libéra­tion de Raqqa sera un coup fatal au Daesh. Et la fin du règne de la ter­reur dans cette ville mar­quera aus­si les fon­da­tions d’une Syrie démoc­ra­tique et fédérale. Ce sera une Syrie qui garan­ti­ra la lib­erté du Rojava.

INVASION TURQUE DE LA SYRIE
BOMBARDEMENTS MEURTRIERS À BAB

Les forces armées turques sont tou­jours coincées à hau­teur de la ville de Bab. Elles ne parvi­en­nent pas à repren­dre la ville au Daesh. Par con­tre, elles détru­isent la ville et bom­bar­dent aveuglé­ment les civils.
Le mar­tyre de la ville de Bab, ce sont toutes ces vic­times des bom­barde­ments aveu­gles de l’aviation et de l’artillerie turque.
Il y a dix jours, ven­dre­di 10 févri­er, les avions turcs tuaient 27 civils, en bles­saient 37 autres ; il y a une semaine, dimanche dernier, une nou­velle vague de bombes s’abattait sur Bab. Des dizaines de vic­times suc­com­baient aux bombes turques. Des familles com­plètes ont été décimées, notam­ment celles d’Abdul Qad­er Yusuf Waky, de Mazen Akkam, de Muham­mad Adib Bakkoor.
La nuit de lun­di à mar­di, nou­veau mas­sacre : 15 mem­bres de la famille de Karkanaz ont été tués. 70% de la ville de Bab est déjà détru­ite. Selon les obser­va­teurs sur place, l’objectif de ces destruc­tions est d’empêcher les habi­tants de revenir habiter chez eux plus tard. Le com­bat con­tre le Daesh n’est qu’un pré­texte. Le pro­jet turc de repe­u­ple­ment de la région par d’autres habi­tants, Arabes et Turk­mènes, a d’ailleurs été recon­fir­mé par le prési­dent Erdo­gan lui-même lors d’une inter­view qu’il a don­née lun­di sur une chaine de Bahreïn.
En atten­dant, les réfugiés afflu­ent vers le can­ton kurde d’Afrin. Mar­di, les asay­ish, les policiers kur­des du can­ton, accueil­laient encore 600 nou­veaux réfugiés à hau­teur du pas­sage de Qat­ma. Ils ont rejoint le groupe de plus de 1.000 réfugiés qui les avait déjà précédés le vendredi.
Aucun sec­ours extérieur ne parvient jusqu’au can­ton d’Afrin pour pren­dre en charge ces réfugiés. Le can­ton kurde est com­plète­ment isolé par l’embargo de la Turquie.

BAB
QUELLES PERSPECTIVES ?

Les civils payent un lourd trib­ut à l’opération turque d’invasion du nord de la Syrie. Mais les troupes turques per­dent elles aus­si de nom­breux com­bat­tants. A Bab, la sit­u­a­tion mil­i­taire peut chang­er d’heure en heure. Et les forces du régime sont à moins d’un kilo­mètre au sud de la ville.
Same­di 11 févri­er, 26 élé­ments de l’armée d’occupation turque étaient tués dans les com­bats qui se livrent à Bab.
Ce mer­cre­di, plus au nord, à Raï, un véhicule explo­sait près d’un quarti­er général des forces armées turques. Il y aurait eu là encore plusieurs dizaines de tués par­mi les sol­dats turcs et les mem­bres des ban­des armées qui les accompagnent.
Il sem­ble bien que les pro­jets d’Erdogan pour la Syrie soient com­pro­mis. Pour­tant, l’opération turque « boucli­er de l’Euphrate » avait bien com­mencé. Daesh avait accep­té de remet­tre à la Turquie les villes de Dabiq et de Jarablus. Et puis, à Bab, l’ancien pro­tégé d’Erdogan s’est rebiffé.
Ailleurs en Syrie, la sit­u­a­tion de la Turquie n’est pas bien meilleure : les groupes de la pré­ten­due armée syri­enne libre qui com­bat­taient le régime à Alep ont eu la désagréable impres­sion d’avoir été trahis par la Turquie. Celle-ci les avait en effet aban­don­nés en échange de la promesse faite à la Russie de pou­voir s’attaquer à la région de She­h­ba, une région charnière entre les can­tons kur­des de Kobani et d’Afrin.
L’aversion absolue du régime turc con­cer­nant la pos­si­ble réu­ni­fi­ca­tion des trois can­tons kur­des pour­rait être con­tre-pro­duc­tive pour Erdo­gan. L’armée syri­enne libre pour­rait apporter non plus la vic­toire, mais la défaite de la Turquie sur le sol syrien. Et sur le plan diplo­ma­tique, les nom­breuses irrégu­lar­ités envers les parte­naires de la coali­tion et envers la Russie ont fait per­dre tout crédit diplo­ma­tique à la Turquie.
De même qu’Enver Pacha a provo­qué la chute de l’empire ottoman à Sarikamiş lors de la pre­mière guerre mon­di­ale, Erdo­gan pour­rait bien provo­quer la chute de son pro­pre régime à Bab.

SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE
ILHAM EHMED (MSD) DE RETOUR DE WASHINGTON

Ilham Ehmed, la co-prési­dente de l’assemblée nationale syri­enne, le MSD, a été invitée à Wash­ing­ton pour dis­cuter de l’avenir de la fédéra­tion du nord de la Syrie, qu’elle représentait.
Elle a fait le point sur l’approche de la nou­velle admin­is­tra­tion américaine.
Pour la co-prési­dente du MSD, l’assemblée lég­isla­tive de la fédéra­tion du nord de la Syrie, les Etats-Unis sous Oba­ma n’avaient pas en Syrie l’influence qu’ils auraient aimé avoir. « Dans la guerre con­tre le ter­ror­isme, affirme Ilhem Ehmed, j’ai l’impression que si une approche directe et cohérente émerge au niveau poli­tique, la nou­velle admin­is­tra­tion l’appuiera. »
Après avoir ren­con­tré de nom­breux mem­bres du con­grès, des respon­s­ables du départe­ment d’Etat, des anciens con­seillers d’Obama, et des con­seillers de Trump, Ilhem Ehmed a pu annon­cer à l’agence ANF que des zones tam­pons sécurisées se créeraient en Syrie. Si on ne sait tou­jours pas où se trou­veront ces zones, on peut déjà affirmer qu’elles se trou­veront, après l’approbation de Trump, là où la sécu­rité max­i­male est garantie aux civils qui fuient les vio­lences, c’est à dire sous le con­trôle des FDS et des YPG.
En ce qui con­cerne l’attitude améri­caine envers le pro­jet fédéral, Ilhem Ehmed a affir­mé que les respon­s­ables améri­cains étaient d’abord mal ren­seignés, mais qu’après avoir clar­i­fié avec eux le pro­jet, ils ont eu l’impression qu’enfin une solu­tion pou­vait émerg­er en Syrie. Ils n’ont pas émis d’objections strictes au pro­jet actuelle­ment mis en place dans le nord de la Syrie. Ils sont donc dans une phase d’observation : si une solu­tion peut être envis­agée en Syrie, cela pour­rait- être la méth­ode expliquée par la co-prési­dente du MSD.
Sur le plan stratégique, Ilhem Ehmed a eu l’impression que les améri­cains con­tin­ueront à soutenir les FDS et leur pro­jet de réso­lu­tion de la crise syri­enne, bien qu’en poli­tique, l’on ne soit pas à l’abri d’une sur­prise. L’ancien pro­jet mené avec la Turquie, le pro­jet « entraine­ment et équipement » de forces rebelles peu crédi­bles, n’a plus les faveurs des américains.
Aux Etats-Unis, a encore dit Ilhem Ehmed, ils veu­lent que Bachar al Assad reste. Ils ne veu­lent pas que l’Etat syrien s’écroule.

15 FÉVRIER
JOUR NOIR

C’est le 15 févri­er 1999 que le leader kurde, Abdul­lah Öcalan, était arrêté au Kenya. Pour le cap­tur­er et le remet­tre à la Turquie, il aura fal­lu la coopéra­tion de plusieurs ser­vices de ren­seigne­ments. Cette coopéra­tion aura illus­tré la duplic­ité de l’occident face à ses pro­pres valeurs human­istes et démoc­ra­tiques. Ocalan empris­on­né, c’est la fierté et l’espoir d’un peu­ple qui était piét­iné. Un jour noir dans l’histoire du Kurdistan.
Abdul­lah Ocalan, c’est une vie poli­tique mar­quée par les rup­tures, la fuite et l’exil. Après avoir fondé en 1978 le PKK, le par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan, un par­ti ouverte­ment anti­na­tion­al­iste, il est pour­chas­sé par les autorités turques. Le général Kenan Evren, l’auteur du coup d’Etat mil­i­taire de 1980, organ­ise une chas­se aux mil­i­tants du jeune par­ti. C’est le début d’une longue série d’arrestations et de con­damna­tion. Ses com­pagnons, Mazlum Dogan ou Kemal Pir, sont arrêtés et exé­cutés. Le PKK, privé de toute pos­si­bil­ité de lutte poli­tique, prend alors en 1984 la voie de la résis­tance militaire.
Ocalan doit s’exiler : en Syrie et au Liban d’abord, vers l’Europe ensuite. Mais la répres­sion s’amplifie. La Turquie béné­fi­cie de la com­plic­ité des ser­vices secrets des pays de l’Otan pour pou­voir arrêter Ocalan sur le sol Kényan. Immé­di­ate­ment trans­féré en Turquie, Ocalan est enfer­mé sur une ile-prison, à Imrali, où il est con­damné à mort. La Turquie, qui regar­dait alors vers l’Europe, décide cepen­dant, sous la pres­sion, de ne pas l’exécuter.
En prison, il con­tin­ue le com­bat, une lutte intel­lectuelle, pour analyser dès les débuts de l’histoire, au néolithique, jusqu’à aujourd’hui, les ressorts de thèmes qui lui sont chers : l’émancipation des peu­ples, l’émancipation des femmes, l’Etat-Nation ou encore le capitalisme.
Il en sor­ti­ra une nou­velle vision de la société, plus rad­i­cale encore que celle des débuts de l’histoire du PKK, mar­quée par le com­mu­nisme. Le pro­jet d’une démoc­ra­tie directe, sans aucun Etat, où toute l’autorité publique est ren­due aux seuls habi­tants d’un quarti­er ou d’une ville, qui doivent décider libre­ment et en toute fra­ter­nité de leurs pro­jets en matière d’éducation, d’économie ou de pro­tec­tion. C’est le pro­jet du con­fédéral­isme, appliqué aujourd’hui dans le Roja­va et dans les villes qui auront proclamé leur auto­ges­tion au Bakur avant que l’armée turque ne vienne les écras­er sous les chars. Un pro­jet de sol­i­dar­ité et de fra­ter­nité entre les peu­ples qui ambi­tionne de s’étendre à l’ensemble des pays du Moyen-Ori­ent. Un pro­jet qui renoue avec la pre­mière inter­na­tionale des tra­vailleurs de 1864 chez Bak­ou­nine, le rival anti­au­tori­taire de Karl Marx.

15 FÉVRIER
COMMEMORATIONS

« On n’assombrira pas notre soleil » La phrase peut sem­bler exces­sive en Europe quand on par­le d’un homme, mais elle traduit pour­tant les aspi­ra­tions du peu­ple kurde, livré depuis le traité de Lau­sanne de 1923 et tout au long du siè­cle, à la coloni­sa­tion et aux massacres.
Partout au Kur­dis­tan, et partout où il y a des Kur­des, de l’Australie au Cana­da, le 15 févri­er est une date som­bre, com­mé­morée avec l’espoir et la volon­té de met­tre un terme aux 18 années d’emprisonnement d’Ocalan.
Il y avait déjà eu ce rassem­ble­ment à Stras­bourg la semaine dernière, un rassem­ble­ment où 20.000 Kur­des ain­si que de nom­breux mil­i­tants inter­na­tion­al­istes de la paix ont exigé la libéra­tion d’Ocalan.

Mais il y a encore eu toutes ces man­i­fes­ta­tions dans le Roja­va. À Kobani, des mil­liers de per­son­nes ont marché pen­dant trois jours pour faire enten­dre au monde leur reven­di­ca­tion : la lib­erté pour Ocalan.

A Qamish­lo, ils étaient aus­si plusieurs mil­liers à com­mé­mor­er le jour noir.
En Irak, l’assemblée con­sti­tu­ante de Sen­gal, a aus­si con­damné la con­spir­a­tion inter­na­tionale. Et les Ezidis de rap­pel­er qu’ils se lèveront tous pour Ocalan, à qui ils doivent, grâce aux troupes de la guéril­la, d’avoir pu échap­per au géno­cide mené par le Daesh à par­tir du 3 aout 2014.
En Grèce, une marche de trois jours entre Lavri­on et Athènes a rassem­blé 65 per­son­nes dès lundi.
A Toron­to au Cana­da, à Sid­ney en Aus­tralie, à Evry en France, à Stock­holm en Suède, partout dans le monde, les kur­des ont dénon­cé l’emprisonnement d’Ocalan.
Et dans les régions turk­mènes ou arabes de syrie, le pro­jet éman­ci­pa­teur et paci­fiste d’Ocalan a aus­si mobil­isé la population.
Près de Gire Sipi, les Turk­mènes du vil­lage de Hemak Tirk­min ont con­damné l’enlèvement d’Ocalan. « On ne peut, dis­ent-ils, retenir cap­tif celui der­rière lequel des mil­lions de per­son­nes se tien­nent. Il représente tous les opprimés, tous les peu­ples exploités »
Et à Min­bij, cette ville pluri­cul­turelle libérée du Daesh en aout 2016, les man­i­fes­tants por­taient sur leur ban­nière le slo­gan : « Ocalan nous a appris la fra­ter­nité entre les peuples. »
Faruk Al-Mashi, le co-prési­dent de l’assemblée civile de Min­bij, a rap­pelé que tous les pro­grès réal­isés en syrie du nord ont été obtenus grâce à la philoso­phie d’Ocalan.

HEWLER
LE KDP À CONTRE-COURANT

Alors que la Turquie s’isole totale­ment sur le plan inter­na­tion­al, elle peut néan­moins tou­jours compter sur son dernier allié région­al, le par­ti démoc­ra­tique du Kur­dis­tan de l’influente famille des Barzani, un par­ti, une famille qui con­trôle le gou­verne­ment région­al kurde d’Irak.
Cette semaine, les pesh­mer­ga du PDK ont inter­dit une marche de sou­tien à Ocalan
La marche des jeunes du Kur­dis­tan du sud, le Başur, a ral­lié la ville de Suley­manieh à celle de Kirkuk.
En chemin, les jeunes kur­des ont vis­ité le mon­u­ment des mar­tyrs de l’Anfal, cette opéra­tion mil­i­taire crim­inelle menée par Sad­dam Hus­sein pen­dant la guerre Iran-Irak, une opéra­tion dont la vio­lence avait cul­miné dans l’extermination par bombes chim­iques de la pop­u­la­tion de la ville d’Halabja, en 1988.
L’administrateur du site, Habil Ahmet, a accueil­li les jeunes man­i­fes­tants et leur a rap­pelé que le peu­ple kurde avait été à de nom­breuses repris­es au cours de son his­toire la cible de poli­tiques géno­cidaires. Et actuelle­ment, a‑t-il expliqué, c’est l’Etat turc qui reprend à son compte le géno­cide ini­tié par le régime Baath de Sad­dam Hussein.
La marche des jeunes kur­des a ensuite tra­ver­sé Kirkuk, où elle a été chaleureuse­ment accueil­lie, et elle est enfin arrivée à son terme, à la ville d’Hewler, le fief du PDK de Mas­soud Barzani.

Le mot d’ordre des man­i­fes­tants était : Ter­mi­nons-en avec l’Occupation et libérons notre leader » Le mes­sage est mal passé auprès des autorités. Le KDP a envoyé sa police, et les man­i­fes­tants ont été retenus au check point de Pirde. Les man­i­fes­tants ont alors com­mencé un sit-in, avant de lire une déc­la­ra­tion. Erdal Engin, du comité des organ­isa­teurs de la marche, a alors dénon­cé l’obstruction d’une puis­sance qui se fait appel­er « par­ti démoc­ra­tique du Kurdistan ».
Peu après la déc­la­ra­tion, 4 man­i­fes­tants qui avaient réus­si à ren­tr­er dans la ville d’Hewler ont été arrêtés par les asay­ish. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus.

TURQUIE
CLIMAT DE GUERRE CIVILE

La coali­tion AKP-MHP se pré­pare pour le référen­dum du 16 avril. Dans l’est du pays, ce moment cru­cial pour l’avenir du prési­dent Erdo­gan se pré­pare dans un cli­mat de guerre civile : l’armée mène des raids, tue, incendie pen­dant que les respon­s­ables poli­tiques qui por­tent le mes­sage du « Non » au référen­dum sont enfer­més par centaines.
Lun­di, 318 mem­bres du par­ti HDP ont été arrêtés lors de raids à leurs domi­ciles. Depuis le 22 juil­let 2015, on compte donc 9796 arresta­tions rien que dans les rangs du HDP. Ces arresta­tions ont con­duit à l’emprisonnement de 2906 mem­bres du parti.
Mais il y a encore eu d’autres arresta­tions ce lun­di, dans les rangs du par­ti DBP et dans ceux du par­ti SYKP, le par­ti de la refon­da­tion socialiste.
A Van, la dernière des 12 munic­i­pal­ités de l’agglomération gérées par le par­ti DBP, Bahçe­saray, a été con­fisquée ce jeu­di. Tous les co-bourgmestres sont empris­on­nés et rem­placés par des cura­teurs à la sol­de de l’Etat. Au total, il y a en Turquie 80 munic­i­pal­ités où le DBP avait rem­porté les élec­tions com­mu­nales et qui ont été con­fisquées par le pou­voir cen­tral, Les élus y sont enfer­més et des cura­teurs con­fisquent la volon­té pop­u­laire au prof­it de l’Etat central.

Dans les villes et vil­lages du Kur­dis­tan du nord, les mêmes scènes de déso­la­tion et de vio­lences se pour­suiv­ent de semaine en semaine : Lun­di, Ulas Çakin, 15 ans, se rendait au champ de sa famille. Les sol­dats turcs qui mènent des opéra­tions mil­i­taires dans la région depuis une semaine avaient enfui une mine ; L’adolescent a été sévère­ment blessé aux bras, aux jambes et au visage.
Mer­cre­di, un auto­bus trans­portant 10 per­son­nes se rendait de Lice à Amed. Un véhicule blindé se trou­vait sur le pas­sage de l’autobus. Le bus a été per­foré par les tirs du blindé qui a ensuite pris la fuite. Heureuse­ment, il n’y a eu qu’un seul blessé, Ozgür Atagün, mais les femmes et les enfants de l’autobus étaient paniqués et en état de choc.
Plus inquié­tant : Près de Nusey­bin, les forces turques sont entrées dans 9 vil­lages mis sous cou­vre-feux. Les habi­tants ne peu­vent plus com­mu­ni­quer avec leurs proches : les lignes et les réseaux télé­phoniques sont coupés.
Les écoles de ces vil­lages sont vidées de leurs élèves, les class­es sont trans­for­mées en can­ton­nements pour les mil­i­aires. La sol­datesque aux ordres du palais a toute licence pour tuer et tor­tur­er : on a déjà rap­porté le cas de trois per­son­nes assas­s­inées dans le vil­lage de Xer­abê et de 30 autres qui ont été tor­turées avant ou pen­dant leur déten­tion, sur la place publique.
Et la nuit, les flammes empor­tent les maisons des citoyens. A l’heure actuelle, on nour­rit encore les plus grandes craintes con­cer­nant la vie de ces villageois.

TURQUIE
SILENCE, ON TORTURE !

Pen­dant que le leader kurde Abdul­lah Ocalan est totale­ment isolé dans sa prison d’Imrali, que des mil­liers d’autres pris­on­niers poli­tiques sont enfer­més, les jour­nal­istes sont priés de se taire. Même les députés européens qui ten­tent de bris­er le mur du silence sont refoulés devant les portes des prisons.

Le bureau d’avocats Nas­rin défend les intérêts d’ Ocalan. Ou défendait : depuis le 27 juil­let 2011, plus aucun avo­cat n’a eu le droit de ren­con­tr­er le leader kurde dans sa prison.
Même sa famille se voir con­stam­ment refusée l’accès à Imrali, sauf de façon très excep­tion­nelle, quand les cir­con­stances poli­tiques s’y prê­tent, comme lors de la dernière vis­ite, accordée suite à une grève de la faim de la classe poli­tique de la ville d’Amed.
Et voilà que les pra­tiques d’Imrali, faute d’avoir été dénon­cées par la CPT, la cour européenne pour la préven­tion de la tor­ture ou par la cour européenne pour les droits de l’homme, se généralisent à l’ensemble des pris­ons turques : main­tenant, les con­ver­sa­tions entre les avo­cats et leurs clients sont enreg­istrées, et elles se déroulent sous la présence d’un officier.
Pour ten­ter d’en savoir plus, une délé­ga­tion inter­na­tionale menée par des députés européens et des uni­ver­si­taires s’est ren­due en Turquie et a intro­duit une nou­velle demande pour vis­iter Sela­hat­tin Demir­tas et Abdul­lah Ocalan dans leurs pris­ons. Cette délé­ga­tion, cha­peautée par la com­mis­sion civique Union européenne-Turquie, est restée devant les portes fer­mées de la prison.
Julie Ward, députée européenne, a réa­gi en expli­quant qu’elle racon­terait au monde entier qu’ils n’ont pas pu ren­con­tr­er des par­lemen­taires démoc­ra­tique­ment élus, et qui sont main­tenant empris­on­nés dans des con­di­tions inhumaines.

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Quant aux jour­nal­istes, eux non plus n’ont pas le droit de con­tester les vérités en prove­nance du palais : Aysel Işik, jour­nal­iste pour l’agence Jin­ha, avait été arrêtée en novem­bre 2016. L’acte d’accusation a été rédigé : il indique que le tra­vail de reporter pour l‘agence Jin­ha con­stitue un crime. Elle sera jugée à la deux­ième haute cour crim­inelle de Sir­nak ce 1 mars.
Un autre jour­nal­iste, Sela­hat­tin Aslan, a été arrêté à l’aéroport Sabi­ha Gokçen d’Istanbul ce jeu­di. Il serait tou­jours retenu dans les locaux de la police d’Istanbul.
L’appartement d’un autre jour­nal­iste, Deniz Yücel, qui a la chance d’avoir la dou­ble nation­al­ité turque et alle­mande, a été fouil­lé par la police. Ce jour­nal­iste de « Die Welt » de 43 ans est tou­jours en état d’arrestation. Grâce aux mesures de l’état d’urgence, il pour­ra rester enfer­mé pen­dant 14 jours sans même ren­con­tr­er un juge.