Il y a ces ren­con­tres lumineuses qui survi­en­nent subite­ment, comme un papil­lon qui sur­v­ole des fleurs et vient soudain se pos­er sur la main. Ces ren­con­tres qui te font dire, “Mais bon sang, com­ment est-il pos­si­ble que j’ai pu pass­er à côté, depuis tout ce temps”, parce que tu te sens telle­ment ami, telle­ment par­ent, telle­ment en osmose…

Ces ren­con­tres sont de véri­ta­bles retrouvailles.

On en a eu une comme ça, pas plus tard qu’a­vant hier, au Kedistan…

Il s’ag­it d’une ren­con­tre, qui souf­fle à plein poumons sur les nuages noirs dans lesquels nous plon­geons sans cesse tous les jours, en suiv­ant l’ac­tu­al­ité et la sit­u­a­tion en Turquie et au Moyen-Ori­ent. Ces lignes que j’écris ici, sont donc une grande res­pi­ra­tion, comme de celles qu’on prend, en se sauvant d’une noy­ade, après avoir frap­pé le fond avec le pied, en sor­tant la tête de l’eau.

Et ce que j’ai par­cou­ru, feuil­leté, et surtout surtout, écouté, est comme… com­ment dire ? Retrou­ver de la vie.

En par­lant de ren­con­tre, il s’ag­it là, non pas d’une per­son­ne, mais de toute une joyeuse bande. Les chemins qui se sont croisés ce jour là, étaient parsemés de morceaux d’une mosaïque musi­cale, et quand je par­le de “mosaïque” elle n’est pas des moindres…

Ces femmes et ces hommes réu­niEs dans la musique se nom­ment “Haïd­outi Orkestar” et brassent les couleurs musi­cales de peu­ples indompt­a­bles, à la façon dont ma douce mère brasse thés et herbes de dif­férentes val­lées, pour pré­par­er son in-fusion divine. Dès les pre­mières notes, je me coule dans un plaisir qua­si pal­pa­ble, le même plaisir que je pêche dans une gorgée de tisane melt­ing-pot de maman.

Plaisir, plaisir.… avec en cadeau, un pied de nez aux à‑priori, un merde aux amal­games, et un “halte à la haine qui divise”.

Le Haïd­outi Orkestar con­forte son rôle d’ambassadeur d’une France métis­sée.” dis­ent-ils en se présen­tant. Et c’est bien dit ! “A l’heure où la ten­ta­tion du repli com­mu­nau­tariste est grande, le groupe affirme sa volon­té de s’ouvrir large­ment aux dif­férentes cul­tures. Cer­tains éri­gent des murs à leurs fron­tières, le Haïd­outi, lui, les transcendent.”

Je ne peux être que d’accord.

Ecoutes les. Je mets ma main au feu, que tu mar­queras le rythme du pied, tu tâcheras de chanter, voire, tu danseras, même seulE à la maison.

Alors ?

Tu veux en savoir plus ?… Bon, d’accord.

Haïdouti”, Qu’est-ce que c’est ?

Le mot diverge légère­ment d’une langue à l’autre : hay­dut en turc sig­ni­fie “hors-la-loi”, hajdú en Hon­grie, haiduc en Roumanie et Mol­davie, хајдук/haj­duk en Alban­ie, Croat­ie, Bosnie et Ser­bie, ајдук/ajduk en Macé­doine, хайдутин/haïd­ou­tine en Bul­gar­ie… Mais aus­si aiduc­co en Ital­ie, haï­douk en France, hayadut en Arménie et гайдук/gaïdouk en Russie.

Les sonorités sont voisines, la sig­ni­fi­ca­tion dif­fère légère­ment, mais sa présence depuis la Hon­grie jusqu’à l’Ar­ménie indique son orig­ine ottomane. Si en turc il sig­ni­fie “hors-la-loi”, “brig­and”, “scélérat”, en revanche le terme est syn­onyme de “rebelle”, “per­son­ne libre”. Rebelle et libre, voilà pourquoi haïd­outi nous plait, et Haïd­outi Orkestar nous parait comme unE amiE de toujours…

Et la musique ?

Pour cela, ne te fies pas à mon retard dans cette décou­verte, le Haïd­outi Orkestar existe depuis un bon bout de temps… Il est par­venu à réalis­er déjà 3 albums. Le dernier est “Doğu”, “Est” en turc… Mea Cul­pa… c’est moi qui étais à l’ouest…

Les Balka­ns réu­nis”, sor­ti en 2005, a été suivi par “Balkan Heroes” en 2007. En 2008, le Haïd­outi s’est invité à la fête du “Balkan Fever”, une com­pi­la­tion avec Taraf de Haidouk, Emir Kus­turi­ca, Goran Bre­gov­ic, et Ben­abar. Infréquentable. “Tek tek” arrive en 2009, “Doğu” explose en 2012, et avec Didi­er Mal­herbe et Ibrahim Maalouf s’il vous plait. Pour finir le topo de tou­u­u­ut ce que j’ai raté, j’a­joute la Bande Orig­i­nale “La Vache”, pour laque­lle le Haïd­outi Orkestar retrou­va de nou­veau Ibrahim Maalouf.

Oh la vache !

Haïd­outi Orkestar | Ibrahim Maalouf
Bande orig­i­nale du film “La Vache” de Mohamed Hami­di
avec Djamel Deb­bouze et Lam­bert Wilson

D’ailleurs c’est avec “La Vache” que le Haïd­outi Orkestar fait son entrée dans le 7ème Art ! Il s’ag­it là d’un Road Movie signé Mohamed Hami­di. Avec “La Vache”, on est du voy­age, mais il est rapi­de. Comme quoi par­fois, il suf­fit de faire quelques pas, pour chang­er de bled. Notre des­ti­na­tion sera cette fois, le Salon de l’A­gri­cul­ture ! Si cette aven­ture nous amène du cœur de l’Al­gérie rurale à la porte de Ver­sailles, ce n’est pas pour autant qu’on se sent dépaysés. Pour celles et ceux qui savent se laiss­er pren­dre par le rythme, se fon­dre dans les mélodies, il n’y a pas de con­trées étrangères. “Quoi de mieux qu’une fan­fare Gyp­sy Ori­en­tale pour ryth­mer l’im­prob­a­ble épopée d’un homme et de sa vache ?!” s’est dit dit Ibrahim Maalouf, et hop le Haïd­outi Orkestar se trou­va à sa place. Tout à fait à sa place. Il faut dire que pour Ibrahim et la bande de Haïd­outi, c’est toute une his­toire. Ils se sont croisés et enlacés en musique, régulière­ment, notam­ment pour les 3 opus précé­dents, et aus­si sur scène…

Mais qui sont les haïdouts ?

Le groupe est com­posé de neuf musi­ci­enNEs, Zeki Ayad Çölas (Turquie) au chant ; Syl­vain Dupuis (France) tapan, bat­terie ; Denys Danielides (France) Soubas­so­phone ; Krassen Lutzkanov (Bul­gar­ie) kaval, sax­o­phone ; Jasko Ram­ic (Tsi­gane de Ser­bie) accordéon soubas­so­phone ; Pierre Rigopou­los (Grèce) der­bou­ka, rek ; Mar­tin Sac­cardy (France) trompettes ; Char­lotte Auger, Manel Girard, Alon Peylet (France) tubas et Nuria Rovi­ra Salat (Espagne), danse…

Mais, le Haïd­outi est comme de l’eau qui coule de source, mul­ti­forme et bouil­lon­nante. Il arrive que le groupe joue en trio autour du chanteur poly­glotte et saziste Zeki Ayad Çölas, ou étende ses couleurs musi­cales sans fron­tières encore plus loin avec des invitéEs, comme c’est le cas de “Doğu” qui nous offre la voix de Sanaa Moulali et de Gülay Hac­er Toruk, le doudouk de Didi­er Mal­herbe, zarb de Pierre Rigopou­los ou encore la trompette d’I­brahim Maalouf…

Doğu

Et voici “Doğu”… Le troisième album, “opus” pour pren­dre l’ap­pel­la­tion mai­son… J’avoue que j’adore rien que la pochette. Mon côté artiste en est même un peu jaloux… C’est la plume mag­ique de Zeina Abirached, dessi­na­trice de BD libanaise, donc respect !

haidouti

Mais je ne l’ai pas encore acheté, alors je laisse la parole à mes haïd­outs préférés pour les présentations.

Le “Haid­outi Orkestar”, la fan­fare-orchestre balka­no turque est de retour avec son 3ème opus. Alléluia ! Mazel tov ! Çok Güzel ! Les con­nais­seurs atten­dent l’évènement de pied ferme et peaufinent déjà leur jeu de jambes pour groover façon Balkans !

Ce troisième opus élar­git ses fron­tières ! Il s’invite en Ser­bie, Macé­doine, Bul­gar­ie, Turquie… Il pousse même encore plus loin à l’est (Doğu), en fouil­lant les réper­toires des musiques Azéri, Kurde, Syro-Libanaise et Arménienne.

Sur scène ou dans la rue, le “Haïd­outi” cul­tive l’art et le génie de la ren­con­tre des cul­tures : Imag­inez les éner­gies croisées d’un turc, d’un tsi­gane de Ser­bie, d’un grec de la rue de la Roquette, d’un bul­gare… Accom­pa­g­nés de musi­ciens français nour­ris à la sauce balka­nique depuis leur ten­dre enfance !

Dans le pub­lic, ça danse à s’essouffler, ça rit, ça se ren­con­tre, ça rêve, ça frissonne…

L’album est fine­ment ciselé prin­ci­pale­ment grâce aux arrange­ments de l’accordéoniste tsi­gane, Jasko Ram­ic. On y retrou­ve avec bon­heur la voix chaude, pro­fonde et si sincère du chanteur Zéki Ayad Çölas. Quelques invités comme Didi­er Mal­herbe et Ibrahim Maalouf sont (re)venus saluer le Haïd­outi »… Et c’est tant mieux pour nos oreilles !

De bal­lades en rythmes soutenus, de la tra­di­tion à la moder­nité, l’album se déguste et dévoile, écoute après écoute, tou­jours un peu plus de sa richesse.

Cette fois encore, le “Haid­outi” mené par le bat­teur-tapaniste Syl­vain Dupuis, porte un pro­jet d’envergure et nous livre un véri­ta­ble mes­sage d’amitié et de partage entre les peuples.

Bah, après ça, j’en suis là où les mots sont de trop. Alors je me tais, et on écoute…

Tchekchouka

Encore encore ?

Fais-toi plaisir sur la chaîne vidéo de la bande. Pour plus d’in­fos, va donc voir Haïd­outi Orkestar sur le site de Tchek­chou­ka col­lec­tif d’artistes, tourneur éthique, Eco-label… Mais, avant, je vous donne ren­dez-vous à vous toutes et tous, pour un prochain arti­cle, pour par­ler des nou­veaux pro­jets du groupe… et de leur approche de la Turquie du Sul­tan. Parce que j’ai comme une chou­ette impres­sion qu’on va bien s’entendre…

Et, en atten­dant, comme je suis gen­tille, je vous souf­fle déjà de quoi rem­plir vos agendas :

  • 9 févri­er > Théa­tre Les Docks, Cor­bie (80)
  • 7 avril > Dôme de Saint-Avé (56)
  • du 12 au 14 avril > Rési­dence, Paul B (91)
  • 28 avril > Sor­tie d’album !
  • 6  mai > FGO Bar­bara (75)
  • 12 mai > Espace des Allo­bro­ges, Cluzes (74)
  • 20 mai > L’Es­t­a­minet, Mag­ny les hameaux (78)
  • 11 juin > Villepreux (78)
  • 23 juin > Fes­ti­val Les Sara­man­des, Rouil­lac (22)

Bonus

Haïd­outi Orkestar à la céré­monie de clô­ture du Fes­ti­val de Cannes 2016, sur l’in­vi­ta­tion d’I­brahim Maalouf.
L’un des moments inou­bli­able de l’an­née 2016 !

Pour plus...
Haïdouti Orkestar www.haidoutiorkestar.com | Facebook | Twitter @HaidoutiOrkest

Rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Kerema xwe dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas
Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.