Voici les “chroniques de la révolution kurde”, présentées par Ronahi TV. Un retour sur la quinzaine du 9 au 21 janvier 2017. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trouverez ici, chaque semaine.
Vous pouvez également visionner séparément les quelques vidéos incluses dans le texte complet du journal.
Vidéo du journal francophone complet et textes en français
Gros titres
- CONFÉRENCE D’ASTANA • Échec en vue
- RAQQA • Opération COLÈRE DE L’EUPHRATE
- RÉGION DE SHEHBA • Poursuite de l’invasion turque
- RÉFÉRENDUM CONSTITUTIONNEL • Le HDP mènera la campagne du “NON”
- TURQUIE • Mise au pas de la société
- PARLEMENT TURC • Le député Garo Paylan doit s’excuser ou se taire
- DRAME POUR LES RÉFUGIÉS ÉZIDIS DE SENGAL • Un nouveau crime se prépare
- EUROPE • Manifestations
- TURQUIE • C’est la mémoire qu’on assassine
CONFÉRENCE D’ASTANA
ÉCHEC EN VUE
C’est demain que débuteront les négociations d’Astana. L’Iran, la Turquie et la Russie tenteront d’entériner dans la capitale kazakhe un processus de paix de paix pour mettre un terme au conflit qui secoue la Syrie depuis 6 ans déjà. Mais tous ces efforts semblent d’ores et déjà voués à l’échec, comme le confirment les différents acteurs politiques du nord de la Syrie.
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Trois pays ont donc décidé de régler, seuls entre eux, la crise que traverse la Syrie. Réunis à Astana, la Turquie, l’Iran et la Russie vont tenter de mettre en place un processus de paix.
La semaine dernière à Ankara, 30 groupes rebelles avaient accepté d’être représentés à Astana. Ce sont des groupes soutenus par la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite et différentes puissances occidentales. Ces groupes sont tous coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Le représentant spécial de l’Onu, Stafan de Mistura, ne sera pas personnellement à Astana, mais il y sera représenté.
Quant aux Kurdes, ils n’ont tout simplement pas été invités à Astana.
Mais comment cette conférence est-elle perçue sur le terrain, en Syrie ?
Le conseil exécutif du système fédéral de la Syrie du nord a déploré le fait que les forces démocratiques avaient déjà été exclues des conférences de Genève I, Genève II et Genève III. Et à Astana, on répète les mêmes erreurs.
Il est injuste, dit le communiqué du conseil exécutif, que les Kurdes, les Arabes, les Assyriaques, les Turkmènes, les Arméniens et les autres peuples de Syrie soient encore exclus de ces négociations, alors que des avancées majeures sur le plan politique, social et militaire ont été réalisées.
De plus, les unités YPG, YPJ et les forces démocratiques syriennes doivent avoir leur mot à dire concernant une solution politique à la crise syrienne parce que ce sont eux qui ont libéré de vastes portions du territoire des bandes armées.
En conclusion, pour le conseil exécutif du système fédéral de la Syrie du nord, les négociations d’Astana sont tout autant que les réunions précédentes vouées à l’échec, et le système fédéral du nord de la Syrie ne se sentira aucunement lié à quelque décision que ce soit à laquelle il n’aura pas pris part.
Le TEVdem, le mouvement pour une société démocratique a lui aussi dénoncé ces négociations.
Melê Beşir, du conseil économique du TEVdem, considère que la seule alternative qui puisse déboucher sur une solution est l’auto-administration des peuples et un système fédéral démocratique.
Et le TEVdem de condamner cet état d’esprit qui toujours rejette la volonté des peuples de Syrie. Le TEVdem ne reconnaitra pas non plus le résultat des négociations d’Astana.
Salih Muslim, le co-président du PYD, a affirmé lors de la conférence du parti à Dirbisiyé, ce mercredi, que les trois pays, Russie, Iran et Turquie, agissent uniquement pour leurs intérêts propres et non pas pour les intérêts des peuples de Syrie. C’est bien pour cela, dit Salih Muslim, que les forces démocratiques n’ont pas été invitées à Astana, parce que les trois pays qui organisent la conférence savent que l’objectif des peuples de la fédération du nord veulent construire une société libre et démocratique. Le co-président du PYD a insisté : notre objectif, a‑t-il dit, est de s’assurer que ce soit la population qui décide pour elle-même.
A Afrin, la responsable du canton pour les affaires étrangères, Jihan Muhammad, a elle aussi déclaré que les autorités cantonales d’Afrin ne sont pas disposées à adhérer aux décisions qui se prendraient à Astana.
RAQQA
OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE
Raqqa, la capitale du Daesh en Syrie, n’est plus qu’à une petite trentaine de kilomètres des unités des forces démocratiques syriennes qui participent à l’opération « Colère de l’Euphrate ». Chaque jour, de nouveaux villages sont libérés.
Les forces démocratiques syriennes se rapprochent toujours plus de Raqqa. L’objectif principal des combattants reste la sécurité des civils. Depuis la première phase de l’opération « Colère de l’Euphrate », lancée le 5 novembre 2016, plus de 3200 km carrés sur lesquels se trouvent 236 villages ont été libérés. Les lieux sont soigneusement déminés afin de permettre aux habitants de revenir vivre chez eux en toute sécurité.
Les habitants libérés sont heureux de vivre le déclin de Daesh. Ils espèrent que Raqqa sera bientôt libérée aussi. Leurs amis et leurs familles s’y trouvent toujours, mais ils accordent toute leur confiance aux combattants de l’opération « Colère de l’Euphrate ».
Les forces démocratiques syriennes se sont aussi reconstituées avec de nouveaux combattants arabes des régions libérées. Il y a eu 2500 nouvelles recrues arabes, bien décidées à chasser le Daesh de leur ville. D’ailleurs, les tribus arabes soutiennent pleinement cette offensive contre le Daesh. La tribu des Wizze, la plus grande tribu de Raqqa, ainsi que des dizaines d’autres tribus de la région apportent leur soutien aux FDS.
Vidéo en kurde
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Les femmes arabes rejoignent également les unités des combattantes YPJ.
Layla Esterk explique qu’elle a grandi dans une société marquée par des coutumes injustes et des traditions opprimant les femmes. Pour cette combattante arabe, l’arrivée des mercenaires du Daesh a privé les femmes de tous leurs droits, et maintenant, rejoindre les rangs des unités YPJ, c’est la meilleure manière pour les femmes de développer leur volonté et de libérer leurs pensées.
La société arabe a été très affectée par ces femmes qui portaient des armes, mais après avoir vu des femmes arabes se battre contre le Daesh, les comportements ont changé, et la confiance s’est installée.
Après avoir rejoint les unités YPJ, Leyla explique que beaucoup de ses amies ont aussi rejoint son unité, et aujourd’hui, elles sont fières en tant que femmes arabes de pouvoir défendre leurs droits.
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Lors des combats, les FDS ont déploré la mort de 42 de leurs combattants, dont trois d’origine étrangère, un américain, un canadien et un anglais. Du côté de daesh, on a déjà dénombré plus de 300 morts depuis le début de la deuxième phase de l’offensive le 10 décembre 2016.
Pour défendre leurs positions, le Daesh utilise aussi des enfants. Trois de ces enfants ont été libérés par les combattants des FDS. Ils ont expliqué avoir été arrêtés par le Daesh et envoyés armés pour se battre.
RÉGION DE SHEHBA
POURSUITE DE L’INVASION TURQUE
Dans la région de Shehba, les forces armées turques poursuivent leurs attaques pour empêcher les FDS de relier les cantons kurdes d’Afrin et de Kobani. Des milliers de civils fuient les combats.
Le weekend dernier, on a dénombré 1351 nouveaux réfugiés qui se sont rendus dans le canton d’Afrin pour fuir les attaques des forces armées turques et des bandes armées qui les accompagnent.
Mardi, les soldats turcs ont pilonné à l’artillerie les villages de Boledq, de Mehsenli et d’Ereb Hesen, trois villages situés au nord de la ville de Minbij.
La ville d’Erima, à 20 km de Minbij, a elle aussi été frappée : 5 obus d’artillerie ont frappé le centre de la ville.
Les chiffres de l’observatoire syrien des droits de l’homme font actuellement état de 332 civils tués dans la région de Shehba depuis le début de l’invasion turque le 24 aout 2016. Parmi ces victimes, il y a 76 enfants. On compte aussi des centaines de blessés.
Vidéo en kurde
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Des blessés comme la petite Aya Hussein, 11 ans, qui fuyait les bombardements turcs sur sa ville de Maran, et qui a marché sur une mine. Elle a perdu une jambe, et l’autre jambe est gravement déformée. Aujourd’hui réfugiée à Minbij, Aya et sa famille ont besoin d’aide. Mais aucune aide d’aucune organisation internationale n’arrive jamais à Minbij, à cause de l’embargo turc, et ses souffrances risquent de s’aggraver.
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Dans la ville de Bab, le Daesh refuse de céder ses positions aux forces armées turques comme il l’avait toujours fait depuis la prise de Jarablus en aout 2016, jusqu’à celle d’Exterin. Des combats violents ont encore eu lieu cette semaine et au moins 5 soldats turcs auraient été tués lors d’une attaque ce vendredi. On estime qu’il y a eu une quarantaine de soldats turcs tués à Bab lors des récents combats entre les forces turques et le Daesh.
RÉFÉRENDUM CONSTITUTIONNEL
LE HDP MÈNERA LA CAMPAGNE DU « NON »
Les manoeuvres pour transformer la constitution de la république de Turquie sont en cours : des députés du MHP se sont joints à ceux de l’AKP pour permettre au président Erdogan de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. Il ne reste donc plus qu’à organiser un référendum.
Toutes les propositions de l’AKP pour modifier la constitution ont été acceptées par le parlement turc. Le porte-parole du parti HDP, Ayhan Bilgen, a déclaré que son parti mènera la campagne du « Non » à la nouvelle constitution.
Pour le HDP, La Turquie traverse actuellement une grave crise économique : la lire turque risque d’être sérieusement dévaluée. Le pouvoir d’achat s’effondre. Le chômage flirte avec les 12%. Cette dégradation de la santé de l’économie turque n’est pas seulement due à la situation des marchés, mais estime le HDP, aussi à la politique économique du pays.
Ayhan Bilgen rappelle aussi que cette réforme de la constitution se mène parallèlement à la mise au pas de la presse libre et indépendante. 143 journalistes croupissent aujourd’hui dans les prisons turques. C’est la moitié de l’ensemble des journalistes emprisonnés sur toute la planète.
La manière de voter et la publicité donnée pour ce changement de constitution est inacceptable sur le plan des principes : Ce sera toute la légitimité de la nouvelle constitution qui sera minée. En effet, tous les élus du parti HDP sont empêchés de voter et les élus du CHP sont mis sous pression.
Des dizaines d’articles de la constitution vont ainsi être modifiés à travers une simple proposition : le rôle du parlement sera donc autant diminué que le pouvoir dévolu au président sera augmenté.
Pour le HDP, de pareils changements de la constitution n’auraient normalement été introduits que par ceux qui auraient réussi le coup d’Etat du 15 juillet. Le HDP décrit donc ce processus politique comme une tentative de polarisation de la société. Le parti organisera donc une campagne du « NON » au changement constitutionnel pour le référendum qui sera organisé.
TURQUIE
MISE AU PAS DE LA SOCIÉTÉ
L’association de journalistes ÇGD a remis son rapport trimestriel concernant les trois derniers mois de l’année 2016. Les élus et les cadres des partis d’opposition sont également la cible de vastes campagnes d’arrestations. Les syndicats sont eux aussi visés par le pouvoir.
En seulement trois mois, il y a eu 300 arrestations de journalistes, et 80 d’entre eux ont été emprisonnés ; 32 journalistes ont été violentés, 7 journalistes étrangers ont été renvoyés dans leur pays, 2622 journalistes ont été licenciés et mis au chômage, 5 centres de médias ont été perquisitionnés, 157 media et 20 sites internet ont été fermés, 624 cartes de journalistes ont été confisquées.
Parmi les personnalités de l’étranger renvoyées dans leur pays, on peut encore ajouter cette semaine Barbara Spinelli, l’avocate et féministe italienne, refoulée dès son arrivée à l’aéroport d’Istanbul. Une affaire qui fait grand bruit en Italie : l’avocate a été enfermée dans une pièce isolée toute la nuit, sans son téléphone, avant d’être renvoyée sous prétexte qu’elle constitue une menace pour la sécurité de la Turquie.
La police réprime aussi tous les responsables politiques de l’opposition : la nuit de mardi à mercredi, 4 membres du Parti Socialiste des Opprimés ont été arrêtés lors d’un raid nocturne de la police au domicile où ils se trouvaient. Après avoir défoncé les portes, les policiers ont frappé les 4 hommes, les ont emmenés et ont insulté toutes les personnes présentes dans la maison.
Plus tard dans la journée de mercredi, des dizaines de personnes ont encore été arrêtées lors de raids policiers dans la province du Hatay, à Adana, à Manisa, à Bursa et à Agri.
Rien que pour le Hatay, il y a eu 37 arrestations. Ce sont des médecins, des avocats, des responsables politiques du HDP ou des responsables syndicaux du Egitim Sen. L’administration de l’université de Düzce collabore avec le pouvoir : elle a remis aux forces de police 6 de ses étudiants.
Le co-président du district de Silopi, Mahmut Yildiz du parti DBP, a lui aussi été arrêté lors d’un raid nocturne : il a été immédiatement envoyé à la prison de type F de Sirnak pour son « appartenance à une organisation »
Vendredi, c’était encore une nouvelle vague d’arrestations à Adana et à Manisa. Il y a parmi les personnes arrêtées des responsables de centres culturels, comme Kemal Çelik à Adana.
Parfois, le pouvoir turc procède directement à des exécutions extrajudiciaires, comme à Van, dans la nuit de mercredi. Les forces aéroportées de la police ont fait irruption dans le quartier d’Edremit, et deux personnes ont été immédiatement assassinées. On ne connait toujours pas à l‘heure actuelle leur identité.
Et puis, il y a aussi cette grève dans le secteur de l’industrie du métal, une grève organisée par les ouvriers du syndicat DISK. 2200 membres du syndicat avaient débrayé dans 13 usines situées à Istanbul, Kocaeli, Izmir et Manisa. Le président Erdogan, son premier ministre Binali Yildirim et les ministres responsables ont fait publier par la gazette officielle un avis selon lequel la grève devait être reportée de 60 jours, en raison des habituelles prétendues menaces à la sécurité nationale.
PARLEMENT TURC
LE DÉPUTÉ GARO PAYLAN DOIT S’EXCUSER OU SE TAIRE
Etre élu en Turquie ne signifie pas avoir le droit de défendre des idées, même dans l’enceinte parlementaire.
Garo Paylan, un élu arménien du HDP a été sommé de s’excuser pour ses propos avant d’être exclus de l’assemblée pour trois jours. Il siège au parlement turc et il assistait ce 14 janvier aux débats concernant les changements apportés à la constitution.
Il a alors pris la parole et a dit ceci : « Où que ce soit, quand toute l’autorité est remise à une seule personne, et que toutes les institutions sont court-circuitées, les nations s’écroulent. C’est ce que des siècles d’histoire nous enseignent.
Dans l’empire ottoman, l’Etat se caractérisait par sa structure pluraliste. En 1876, la constitution de l’empire était rédigée par 109 personnalités, parmi lesquelles on retrouvait 40 chrétiens et 69 musulmans, c’est-à-dire la même proportion que celle qu’il y avait dans l’empire ottoman.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quelques-uns sur mille. »
Et puis, le député Garo Paylan a encore prononcé ces paroles : « entre les années 1913 et 1923, nous avons perdu quatre peuples : les Arméniens, les Grecs, les Juifs et les Assyriaques. Ils ont été déportés ou tués lors de massacres à large échelle et de génocides.
Ce mot de « génocide », c’en était trop pour les députés des partis AKP, CHP et MHP : ils ont immédiatement agressé verbalement le député arménien, puis ils l’ont forcé à s’excuser. Enfin, les députés ont pris la décision de suspendre Garo Paylan de son droit à se présenter au parlement de la république de Turquie pour une période de trois jours.
Cette violation de la liberté d’expression dans l’enceinte parlementaire est révélatrice du climat dans lequel se déroulent les débats pour introduire les changements à la constitution.
Cet épisode est aussi révélateur des tensions que vivent les chrétiens de Turquie. Vahit Yildiz est le pasteur de l’église protestante de Van.
Il explique que plusieurs pasteurs ont été arrêtés pour leurs prétendus liens avec le mouvement Gülen. Dans les rues de Van, des affiches s’en prennent la communauté chrétienne. Les fêtes de noël ont été l’occasion de déclarations offensantes contre les chrétiens. Le pasteur dénonce la montée du radicalisme, les agressions physiques et verbales récentes contre ceux qui ne sont pas musulmans ; et le pasteur d’espérer que les enfants chrétiens pourront malgré tout avoir un avenir en Turquie.
DRAME POUR LES RÉFUGIÉS ÉZIDIS DE SENGAL
UN NOUVEAU CRIME SE PRÉPARE
Les Ezidis qui avaient pu fuir la ville de Sengal lors de l’attaque du Daesh en aout 2014 ont rejoint différents centres de réfugiés au Rojava, au Bakur et au Başur.
Aujourd’hui, les autorités turques préparent à l’encontre de ces réfugiés ézidis de nouvelles mesures, des mesures cruelles qui risquent de dégénérer en de nouvelles tueries.
Dans le Kurdistan du nord, ces réfugiés avaient trouvé refuge à Amed, dans un camp aménagé par la municipalité de la ville ainsi qu’ à Nuseybin, dans un autre camp entièrement financé par les Nations Unies.
A Nuseybin, les réfugiés Ezidis avaient déjà été évacués de force de leur camp.
Or, ce camp de réfugiés avait été financé par les Nations-Unies : les soldats turcs l’ont confisqué et en ont fait une base militaire pour leurs unités spéciales de guerre.
Et à Amed, les réfugiés vivaient depuis deux ans et demi sous la protection des autorités municipales de la ville. Quand les co-bourgmestres ont été remplacés par un curateur à la solde de l’Etat, Mehmet Güzel, le camp de Fidanlik où se trouvaient les réfugiés a été vidé de force de ses occupants. Tous les réfugiés qui s’y trouvaient ont été replacés dans le camp AFAD de Mydiat.
Le député HDP de confession ézidie Ali Atalan a voulu se rendre dans le camp AFAD où sont relogés les anciens résidents du camp d’Amed. Mais il n’a pas pu y rentrer.
Ce camp est fermé au public, isolé du reste du monde. Or, ce camp de Mydiat est bien connu en Turquie : il abrite des anciens combattants de Daesh et du Front al Nosra, ainsi que leurs familles. Dans le camp de Midyat, les cercles jihadistes affichent ouvertement leur haine des Ezidis. En y envoyant les réfugiés ézidis, le pouvoir AKP prépare un nouveau massacre, à l’abri des regards.
Des témoignages d’Ezidis torturés ont d’ailleurs déjà été recueillis.
Xidir Xalef, un vieil homme de 74 ans, est mort ce 11 janvier des suites de son transfert forcé au camp de Mydiat. Avant de décéder, il a dénoncé les conditions épouvantables qui régnaient dans ce camp. Les réfugiés Ezidis n’ayant aucun statut en Turquie, ils n’ont même pas la possibilité de se faire soigner.
Les membres de sa famille n’ont même pas eu la possibilité de traverser la frontière pour venir récupérer le corps du vieil homme.
EUROPE
MANIFESTATIONS
Des manifestations ont encore eu lieu en Allemagne et en suède pour exiger la libération du leader kurde Abdullah Öcalan, toujours enfermé sur l’île prison d’Imrali.
A Hambourg, les participants à la manifestation ont scandé des slogans condamnant le fascisme et les pratiques brutales de la Turquie quand il est question de la volonté du peuple kurde.
Dans la capitale suédoise, à Stockholm, des jeunes ont accroché des photos d’Abdullah Ocalan, pour attirer l’attention sur l’isolement strict qui lui est imposé par les autorités turques.
A Strasbourg, les vigiles du combat pour la liberté d’Ocalan se relaient devant les bâtiments du Conseil de l’Europe. Cette semaine ce sont les femmes du TJK‑E des Pays Bas (le TJK‑E est l’organisation des femmes kurdes d’Europe) qui ont pris la relève de cette garde ininterrompue devant les bâtiments européens.
A Düsseldorf, une autre manifestation a dénoncé devant le consulat de France l’abandon des poursuites judiciaires menées pour éclaircir le triple meurtre de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Söylemez, qui avaient toutes les trois été tuées à Paris en janvier 2013.
D’autres manifestations dénonçant la complicité des autorités françaises ont également eu lieu à Bruxelles, devant l’ambassade de France.
Encore à Strasbourg, une autre manifestation a eu lieu ce mercredi pour dénoncer l’inactivité des autorités judiciaires françaises dans le dossier du triple assassinat.
A Paris, les manifestants ont aussi organisé un rassemblement devant le bureau d’information du Kurdistan, où ont été assassinées les trois femmes il y a quatre ans. Ce lundi, les manifestants se donneront encore rendez-vous devant le tribunal de Paris pour exiger qu’enfin on fasse la lumière sur ce crime politique.
TURQUIE
C’EST LA MÉMOIRE QU’ON ASSASSINE
En Turquie, tout est mis en place pour que les générations de demain ignorent leur passé. Les monuments commémoratifs sont détruits, les villes sont rasées, et le patrimoine architectural et naturel est livré à la prédation des entreprises immobilière.
Il y avait dans le parc d’amed un monument commémoratif qui rappelait le souvenir de ces 34 civils innocents massacrés volontairement par des F‑16 turcs dans les montagnes de Roboski, le 28 décembre 2011.
On devait ce monument au sculpteur Suat Yakut. On y voyait des femmes pleurer leurs proches, entourées de 8 missiles.
Aujourd’hui, le monument est rasé. Les soldats turcs sont rentrés dans le parc et ont tout détruit. Il ne faut pas que l’on se souvienne de ces évènements tragiques. Les noms des 34 victimes ont été arrachés. La culture de l’impunité va de pair avec celle de l’oubli.
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A Sur, le quartier historique d’Amed, il y avait des maisons vieilles de 300 ans, des maisons qui portaient le témoignage des techniques de construction spécifiquement développées à Amed. Tout a été rasé par les bulldozers turcs. Et c’est ainsi que 40.000 habitants sont aujourd’hui sans domicile à Sur.
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Et puis, à Amed, il y a aussi cette fameuse vallée de Dicle et les jardins de Hevsel. Ces lieux sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
Les autorités turques ont cependant commencé à couper les arbres de ces fabuleux jardins. On sait que ces sites doivent être reconvertis en centres commerciaux et en parcs d’attractions.
L’Unesco se tait dans toutes les langues.
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Rappelons enfin le triste sort qui est réservé à la ville de Sirnak. La députée Leyla Birlik est sortie de prison ce 4 janvier : elle a pu rejoindre la ville et ce qu’elle a constaté est désespérant :
Il n’y a plus que des gravats. Les mosquées sont elles aussi démolies. Aucune réunion de plus de trois personnes n’est autorisée dans la ville détruite.
Les habitants sont arrêtés au hasard par la police, et on leur arrache ensuite au commissariat des aveux inventés sous la torture.
De milliers de personnes dont la maison a été détruite doivent vivre sous des tentes. Des camions qui apportaient des produits de soins pour les bébés ont été interdits d’entrée sur ordre des procureurs et du gouverneur.
Le but de l’Etat est de faire de Sirnak une ville sans habitants, d’effacer de la terre et des esprits la mémoire cette ville.