Voici les “chroniques de la révo­lu­tion kurde”, présen­tées par Ron­ahi TV. Un retour sur la quin­zaine du 9 au 21 jan­vi­er 2017. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trou­verez ici, chaque semaine.

Vous pou­vez égale­ment vision­ner séparé­ment les quelques vidéos inclus­es dans le texte com­plet du journal.

Vidéo du journal francophone complet et textes en français


 

Gros titres

  • CONFÉRENCE D’ASTANA • Échec en vue
  • RAQQA • Opéra­tion COLÈRE DE L’EUPHRATE
  • RÉGION DE SHEHBA • Pour­suite de l’in­va­sion turque
  • RÉFÉRENDUM CONSTITUTIONNEL • Le HDP mèn­era la cam­pagne du “NON”
  • TURQUIE
 • Mise au pas de la société
  • PARLEMENT TURC • Le député Garo Pay­lan doit s’ex­cuser ou se taire
  • DRAME POUR LES RÉFUGIÉS ÉZIDIS DE SENGAL • Un nou­veau crime se prépare
  • EUROPE • Manifestations
  • TURQUIE • C’est la mémoire qu’on assassine

CONFÉRENCE D’ASTANA
ÉCHEC EN VUE

C’est demain que débuteront les négo­ci­a­tions d’Astana. L’Iran, la Turquie et la Russie ten­teront d’entériner dans la cap­i­tale kaza­khe un proces­sus de paix de paix pour met­tre un terme au con­flit qui sec­oue la Syrie depuis 6 ans déjà. Mais tous ces efforts sem­blent d’ores et déjà voués à l’échec, comme le con­fir­ment les dif­férents acteurs poli­tiques du nord de la Syrie.

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Trois pays ont donc décidé de régler, seuls entre eux, la crise que tra­verse la Syrie. Réu­nis à Astana, la Turquie, l’Iran et la Russie vont ten­ter de met­tre en place un proces­sus de paix.
La semaine dernière à Ankara, 30 groupes rebelles avaient accep­té d’être représen­tés à Astana. Ce sont des groupes soutenus par la Turquie, le Qatar, l’Arabie saou­dite et dif­férentes puis­sances occi­den­tales. Ces groupes sont tous coupables de crimes de guerre et de crimes con­tre l’humanité.
Le représen­tant spé­cial de l’Onu, Stafan de Mis­tu­ra, ne sera pas per­son­nelle­ment à Astana, mais il y sera représenté.
Quant aux Kur­des, ils n’ont tout sim­ple­ment pas été invités à Astana.
Mais com­ment cette con­férence est-elle perçue sur le ter­rain, en Syrie ?
Le con­seil exé­cu­tif du sys­tème fédéral de la Syrie du nord a déploré le fait que les forces démoc­ra­tiques avaient déjà été exclues des con­férences de Genève I, Genève II et Genève III. Et à Astana, on répète les mêmes erreurs.
Il est injuste, dit le com­mu­niqué du con­seil exé­cu­tif, que les Kur­des, les Arabes, les Assyr­i­aques, les Turk­mènes, les Arméniens et les autres peu­ples de Syrie soient encore exclus de ces négo­ci­a­tions, alors que des avancées majeures sur le plan poli­tique, social et mil­i­taire ont été réalisées.
De plus, les unités YPG, YPJ et les forces démoc­ra­tiques syri­ennes doivent avoir leur mot à dire con­cer­nant une solu­tion poli­tique à la crise syri­enne parce que ce sont eux qui ont libéré de vastes por­tions du ter­ri­toire des ban­des armées.
En con­clu­sion, pour le con­seil exé­cu­tif du sys­tème fédéral de la Syrie du nord, les négo­ci­a­tions d’Astana sont tout autant que les réu­nions précé­dentes vouées à l’échec, et le sys­tème fédéral du nord de la Syrie ne se sen­ti­ra aucune­ment lié à quelque déci­sion que ce soit à laque­lle il n’aura pas pris part.
Le TEV­dem, le mou­ve­ment pour une société démoc­ra­tique a lui aus­si dénon­cé ces négociations.
Melê Beşir, du con­seil économique du TEV­dem, con­sid­ère que la seule alter­na­tive qui puisse débouch­er sur une solu­tion est l’auto-administration des peu­ples et un sys­tème fédéral démocratique.
Et le TEV­dem de con­damn­er cet état d’esprit qui tou­jours rejette la volon­té des peu­ples de Syrie. Le TEV­dem ne recon­naitra pas non plus le résul­tat des négo­ci­a­tions d’Astana.
Sal­ih Mus­lim, le co-prési­dent du PYD, a affir­mé lors de la con­férence du par­ti à Dirbisiyé, ce mer­cre­di, que les trois pays, Russie, Iran et Turquie, agis­sent unique­ment pour leurs intérêts pro­pres et non pas pour les intérêts des peu­ples de Syrie. C’est bien pour cela, dit Sal­ih Mus­lim, que les forces démoc­ra­tiques n’ont pas été invitées à Astana, parce que les trois pays qui organ­isent la con­férence savent que l’objectif des peu­ples de la fédéra­tion du nord veu­lent con­stru­ire une société libre et démoc­ra­tique. Le co-prési­dent du PYD a insisté : notre objec­tif, a‑t-il dit, est de s’assurer que ce soit la pop­u­la­tion qui décide pour elle-même.
A Afrin, la respon­s­able du can­ton pour les affaires étrangères, Jihan Muham­mad, a elle aus­si déclaré que les autorités can­tonales d’Afrin ne sont pas dis­posées à adhér­er aux déci­sions qui se prendraient à Astana.

RAQQA
OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE

Raqqa, la cap­i­tale du Daesh en Syrie, n’est plus qu’à une petite trentaine de kilo­mètres des unités des forces démoc­ra­tiques syri­ennes qui par­ticipent à l’opération « Colère de l’Euphrate ». Chaque jour, de nou­veaux vil­lages sont libérés.
Les forces démoc­ra­tiques syri­ennes se rap­prochent tou­jours plus de Raqqa. L’objectif prin­ci­pal des com­bat­tants reste la sécu­rité des civils. Depuis la pre­mière phase de l’opération « Colère de l’Euphrate », lancée le 5 novem­bre 2016, plus de 3200 km car­rés sur lesquels se trou­vent 236 vil­lages ont été libérés. Les lieux sont soigneuse­ment déminés afin de per­me­t­tre aux habi­tants de revenir vivre chez eux en toute sécurité.
Les habi­tants libérés sont heureux de vivre le déclin de Daesh. Ils espèrent que Raqqa sera bien­tôt libérée aus­si. Leurs amis et leurs familles s’y trou­vent tou­jours, mais ils accor­dent toute leur con­fi­ance aux com­bat­tants de l’opération « Colère de l’Euphrate ».
Les forces démoc­ra­tiques syri­ennes se sont aus­si recon­sti­tuées avec de nou­veaux com­bat­tants arabes des régions libérées. Il y a eu 2500 nou­velles recrues arabes, bien décidées à chas­s­er le Daesh de leur ville. D’ailleurs, les tribus arabes sou­ti­en­nent pleine­ment cette offen­sive con­tre le Daesh. La tribu des Wiz­ze, la plus grande tribu de Raqqa, ain­si que des dizaines d’autres tribus de la région appor­tent leur sou­tien aux FDS.

Vidéo en kurde
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Les femmes arabes rejoignent égale­ment les unités des com­bat­tantes YPJ.

Lay­la Esterk explique qu’elle a gran­di dans une société mar­quée par des cou­tumes injustes et des tra­di­tions opp­ri­mant les femmes. Pour cette com­bat­tante arabe, l’arrivée des mer­ce­naires du Daesh a privé les femmes de tous leurs droits, et main­tenant, rejoin­dre les rangs des unités YPJ, c’est la meilleure manière pour les femmes de dévelop­per leur volon­té et de libér­er leurs pensées.
La société arabe a été très affec­tée par ces femmes qui por­taient des armes, mais après avoir vu des femmes arabes se bat­tre con­tre le Daesh, les com­porte­ments ont changé, et la con­fi­ance s’est installée.
Après avoir rejoint les unités YPJ, Ley­la explique que beau­coup de ses amies ont aus­si rejoint son unité, et aujourd’hui, elles sont fières en tant que femmes arabes de pou­voir défendre leurs droits.

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Lors des com­bats, les FDS ont déploré la mort de 42 de leurs com­bat­tants, dont trois d’origine étrangère, un améri­cain, un cana­di­en et un anglais. Du côté de daesh, on a déjà dénom­bré plus de 300 morts depuis le début de la deux­ième phase de l’offensive le 10 décem­bre 2016.

Pour défendre leurs posi­tions, le Daesh utilise aus­si des enfants. Trois de ces enfants ont été libérés par les com­bat­tants des FDS. Ils ont expliqué avoir été arrêtés par le Daesh et envoyés armés pour se battre.

RÉGION DE SHEHBA
POURSUITE DE L’INVASION TURQUE

Dans la région de She­h­ba, les forces armées turques pour­suiv­ent leurs attaques pour empêch­er les FDS de reli­er les can­tons kur­des d’Afrin et de Kobani. Des mil­liers de civils fuient les combats.
Le week­end dernier, on a dénom­bré 1351 nou­veaux réfugiés qui se sont ren­dus dans le can­ton d’Afrin pour fuir les attaques des forces armées turques et des ban­des armées qui les accompagnent.
Mar­di, les sol­dats turcs ont pilon­né à l’artillerie les vil­lages de Boledq, de Mehsen­li et d’Ereb Hes­en, trois vil­lages situés au nord de la ville de Minbij.
La ville d’Erima, à 20 km de Min­bij, a elle aus­si été frap­pée : 5 obus d’artillerie ont frap­pé le cen­tre de la ville.
Les chiffres de l’observatoire syrien des droits de l’homme font actuelle­ment état de 332 civils tués dans la région de She­h­ba depuis le début de l’invasion turque le 24 aout 2016. Par­mi ces vic­times, il y a 76 enfants. On compte aus­si des cen­taines de blessés.

Vidéo en kurde
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Des blessés comme la petite Aya Hus­sein, 11 ans, qui fuyait les bom­barde­ments turcs sur sa ville de Maran, et qui a marché sur une mine. Elle a per­du une jambe, et l’autre jambe est grave­ment défor­mée. Aujourd’hui réfugiée à Min­bij, Aya et sa famille ont besoin d’aide. Mais aucune aide d’aucune organ­i­sa­tion inter­na­tionale n’arrive jamais à Min­bij, à cause de l’embargo turc, et ses souf­frances risquent de s’aggraver.

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Dans la ville de Bab, le Daesh refuse de céder ses posi­tions aux forces armées turques comme il l’avait tou­jours fait depuis la prise de Jarablus en aout 2016, jusqu’à celle d’Exterin. Des com­bats vio­lents ont encore eu lieu cette semaine et au moins 5 sol­dats turcs auraient été tués lors d’une attaque ce ven­dre­di. On estime qu’il y a eu une quar­an­taine de sol­dats turcs tués à Bab lors des récents com­bats entre les forces turques et le Daesh.

RÉFÉRENDUM CONSTITUTIONNEL
LE HDP MÈNERA LA CAMPAGNE DU « NON »

Les manoeu­vres pour trans­former la con­sti­tu­tion de la république de Turquie sont en cours : des députés du MHP se sont joints à ceux de l’AKP pour per­me­t­tre au prési­dent Erdo­gan de con­cen­tr­er tous les pou­voirs entre ses mains. Il ne reste donc plus qu’à organ­is­er un référendum.
Toutes les propo­si­tions de l’AKP pour mod­i­fi­er la con­sti­tu­tion ont été accep­tées par le par­lement turc. Le porte-parole du par­ti HDP, Ayhan Bil­gen, a déclaré que son par­ti mèn­era la cam­pagne du « Non » à la nou­velle constitution.
Pour le HDP, La Turquie tra­verse actuelle­ment une grave crise économique : la lire turque risque d’être sérieuse­ment déval­uée. Le pou­voir d’achat s’effondre. Le chô­mage flirte avec les 12%. Cette dégra­da­tion de la san­té de l’économie turque n’est pas seule­ment due à la sit­u­a­tion des marchés, mais estime le HDP, aus­si à la poli­tique économique du pays.
Ayhan Bil­gen rap­pelle aus­si que cette réforme de la con­sti­tu­tion se mène par­al­lèle­ment à la mise au pas de la presse libre et indépen­dante. 143 jour­nal­istes croupis­sent aujourd’hui dans les pris­ons turques. C’est la moitié de l’ensemble des jour­nal­istes empris­on­nés sur toute la planète.
La manière de vot­er et la pub­lic­ité don­née pour ce change­ment de con­sti­tu­tion est inac­cept­able sur le plan des principes : Ce sera toute la légitim­ité de la nou­velle con­sti­tu­tion qui sera minée. En effet, tous les élus du par­ti HDP sont empêchés de vot­er et les élus du CHP sont mis sous pression.
Des dizaines d’articles de la con­sti­tu­tion vont ain­si être mod­i­fiés à tra­vers une sim­ple propo­si­tion : le rôle du par­lement sera donc autant dimin­ué que le pou­voir dévolu au prési­dent sera augmenté.
Pour le HDP, de pareils change­ments de la con­sti­tu­tion n’auraient nor­male­ment été intro­duits que par ceux qui auraient réus­si le coup d’Etat du 15 juil­let. Le HDP décrit donc ce proces­sus poli­tique comme une ten­ta­tive de polar­i­sa­tion de la société. Le par­ti organ­is­era donc une cam­pagne du « NON » au change­ment con­sti­tu­tion­nel pour le référen­dum qui sera organisé.

TURQUIE
MISE AU PAS DE LA SOCIÉTÉ

L’association de jour­nal­istes ÇGD a remis son rap­port trimestriel con­cer­nant les trois derniers mois de l’année 2016. Les élus et les cadres des par­tis d’opposition sont égale­ment la cible de vastes cam­pagnes d’arrestations. Les syn­di­cats sont eux aus­si visés par le pouvoir.
En seule­ment trois mois, il y a eu 300 arresta­tions de jour­nal­istes, et 80 d’entre eux ont été empris­on­nés ; 32 jour­nal­istes ont été vio­len­tés, 7 jour­nal­istes étrangers ont été ren­voyés dans leur pays, 2622 jour­nal­istes ont été licen­ciés et mis au chô­mage, 5 cen­tres de médias ont été perqui­si­tion­nés, 157 media et 20 sites inter­net ont été fer­més, 624 cartes de jour­nal­istes ont été confisquées.

Par­mi les per­son­nal­ités de l’étranger ren­voyées dans leur pays, on peut encore ajouter cette semaine Bar­bara Spinel­li, l’avocate et fémin­iste ital­i­enne, refoulée dès son arrivée à l’aéroport d’Istanbul. Une affaire qui fait grand bruit en Ital­ie : l’avocate a été enfer­mée dans une pièce isolée toute la nuit, sans son télé­phone, avant d’être ren­voyée sous pré­texte qu’elle con­stitue une men­ace pour la sécu­rité de la Turquie.

La police réprime aus­si tous les respon­s­ables poli­tiques de l’opposition : la nuit de mar­di à mer­cre­di, 4 mem­bres du Par­ti Social­iste des Opprimés ont été arrêtés lors d’un raid noc­turne de la police au domi­cile où ils se trou­vaient. Après avoir défon­cé les portes, les policiers ont frap­pé les 4 hommes, les ont emmenés et ont insulté toutes les per­son­nes présentes dans la maison.
Plus tard dans la journée de mer­cre­di, des dizaines de per­son­nes ont encore été arrêtées lors de raids policiers dans la province du Hatay, à Adana, à Man­isa, à Bur­sa et à Agri.
Rien que pour le Hatay, il y a eu 37 arresta­tions. Ce sont des médecins, des avo­cats, des respon­s­ables poli­tiques du HDP ou des respon­s­ables syn­di­caux du Egit­im Sen. L’administration de l’université de Düzce col­la­bore avec le pou­voir : elle a remis aux forces de police 6 de ses étudiants.

Le co-prési­dent du dis­trict de Silopi, Mah­mut Yildiz du par­ti DBP, a lui aus­si été arrêté lors d’un raid noc­turne : il a été immé­di­ate­ment envoyé à la prison de type F de Sir­nak pour son « appar­te­nance à une organisation »
Ven­dre­di, c’était encore une nou­velle vague d’arrestations à Adana et à Man­isa. Il y a par­mi les per­son­nes arrêtées des respon­s­ables de cen­tres cul­turels, comme Kemal Çelik à Adana.
Par­fois, le pou­voir turc procède directe­ment à des exé­cu­tions extra­ju­di­ci­aires, comme à Van, dans la nuit de mer­cre­di. Les forces aéro­portées de la police ont fait irrup­tion dans le quarti­er d’Edremit, et deux per­son­nes ont été immé­di­ate­ment assas­s­inées. On ne con­nait tou­jours pas à l‘heure actuelle leur identité.
Et puis, il y a aus­si cette grève dans le secteur de l’industrie du métal, une grève organ­isée par les ouvri­ers du syn­di­cat DISK. 2200 mem­bres du syn­di­cat avaient débrayé dans 13 usines situées à Istan­bul, Kocaeli, Izmir et Man­isa. Le prési­dent Erdo­gan, son pre­mier min­istre Binali Yildirim et les min­istres respon­s­ables ont fait pub­li­er par la gazette offi­cielle un avis selon lequel la grève devait être reportée de 60 jours, en rai­son des habituelles pré­ten­dues men­aces à la sécu­rité nationale.

PARLEMENT TURC
LE DÉPUTÉ GARO PAYLAN DOIT S’EXCUSER OU SE TAIRE

Etre élu en Turquie ne sig­ni­fie pas avoir le droit de défendre des idées, même dans l’enceinte parlementaire.
Garo Pay­lan, un élu arménien du HDP a été som­mé de s’excuser pour ses pro­pos avant d’être exclus de l’assemblée pour trois jours. Il siège au par­lement turc et il assis­tait ce 14 jan­vi­er aux débats con­cer­nant les change­ments apportés à la constitution.
Il a alors pris la parole et a dit ceci : « Où que ce soit, quand toute l’autorité est remise à une seule per­son­ne, et que toutes les insti­tu­tions sont court-cir­cuitées, les nations s’écroulent. C’est ce que des siè­cles d’histoire nous enseignent.
Dans l’empire ottoman, l’Etat se car­ac­téri­sait par sa struc­ture plu­ral­iste. En 1876, la con­sti­tu­tion de l’empire était rédigée par 109 per­son­nal­ités, par­mi lesquelles on retrou­vait 40 chré­tiens et 69 musul­mans, c’est-à-dire la même pro­por­tion que celle qu’il y avait dans l’empire ottoman.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quelques-uns sur mille. »
Et puis, le député Garo Pay­lan a encore pronon­cé ces paroles : « entre les années 1913 et 1923, nous avons per­du qua­tre peu­ples : les Arméniens, les Grecs, les Juifs et les Assyr­i­aques. Ils ont été déportés ou tués lors de mas­sacres à large échelle et de génocides.
Ce mot de « géno­cide », c’en était trop pour les députés des par­tis AKP, CHP et MHP : ils ont immé­di­ate­ment agressé ver­bale­ment le député arménien, puis ils l’ont for­cé à s’excuser. Enfin, les députés ont pris la déci­sion de sus­pendre Garo Pay­lan de son droit à se présen­ter au par­lement de la république de Turquie pour une péri­ode de trois jours.
Cette vio­la­tion de la lib­erté d’expression dans l’enceinte par­lemen­taire est révéla­trice du cli­mat dans lequel se déroulent les débats pour intro­duire les change­ments à la constitution.

Cet épisode est aus­si révéla­teur des ten­sions que vivent les chré­tiens de Turquie. Vahit Yildiz est le pas­teur de l’église protes­tante de Van.
Il explique que plusieurs pas­teurs ont été arrêtés pour leurs pré­ten­dus liens avec le mou­ve­ment Gülen. Dans les rues de Van, des affich­es s’en pren­nent la com­mu­nauté chré­ti­enne. Les fêtes de noël ont été l’occasion de déc­la­ra­tions offen­santes con­tre les chré­tiens. Le pas­teur dénonce la mon­tée du rad­i­cal­isme, les agres­sions physiques et ver­bales récentes con­tre ceux qui ne sont pas musul­mans ; et le pas­teur d’espérer que les enfants chré­tiens pour­ront mal­gré tout avoir un avenir en Turquie.

DRAME POUR LES RÉFUGIÉS ÉZIDIS DE SENGAL
UN NOUVEAU CRIME SE PRÉPARE

Les Ezidis qui avaient pu fuir la ville de Sen­gal lors de l’attaque du Daesh en aout 2014 ont rejoint dif­férents cen­tres de réfugiés au Roja­va, au Bakur et au Başur.
Aujourd’hui, les autorités turques pré­par­ent à l’encontre de ces réfugiés ézidis de nou­velles mesures, des mesures cru­elles qui risquent de dégénér­er en de nou­velles tueries.

Dans le Kur­dis­tan du nord, ces réfugiés avaient trou­vé refuge à Amed, dans un camp amé­nagé par la munic­i­pal­ité de la ville ain­si qu’ à Nusey­bin, dans un autre camp entière­ment financé par les Nations Unies.

A Nusey­bin, les réfugiés Ezidis avaient déjà été évac­ués de force de leur camp.
Or, ce camp de réfugiés avait été financé par les Nations-Unies : les sol­dats turcs l’ont con­fisqué et en ont fait une base mil­i­taire pour leurs unités spé­ciales de guerre.
Et à Amed, les réfugiés vivaient depuis deux ans et demi sous la pro­tec­tion des autorités munic­i­pales de la ville. Quand les co-bourgmestres ont été rem­placés par un cura­teur à la sol­de de l’Etat, Mehmet Güzel, le camp de Fidan­lik où se trou­vaient les réfugiés a été vidé de force de ses occu­pants. Tous les réfugiés qui s’y trou­vaient ont été replacés dans le camp AFAD de Mydiat.
Le député HDP de con­fes­sion ézi­die Ali Ata­lan a voulu se ren­dre dans le camp AFAD où sont rel­ogés les anciens rési­dents du camp d’Amed. Mais il n’a pas pu y rentrer.
Ce camp est fer­mé au pub­lic, isolé du reste du monde. Or, ce camp de Mydi­at est bien con­nu en Turquie : il abrite des anciens com­bat­tants de Daesh et du Front al Nos­ra, ain­si que leurs familles. Dans le camp de Midy­at, les cer­cles jihadistes affichent ouverte­ment leur haine des Ezidis. En y envoy­ant les réfugiés ézidis, le pou­voir AKP pré­pare un nou­veau mas­sacre, à l’abri des regards.
Des témoignages d’Ezidis tor­turés ont d’ailleurs déjà été recueillis.
Xidir Xalef, un vieil homme de 74 ans, est mort ce 11 jan­vi­er des suites de son trans­fert for­cé au camp de Mydi­at. Avant de décéder, il a dénon­cé les con­di­tions épou­vanta­bles qui rég­naient dans ce camp. Les réfugiés Ezidis n’ayant aucun statut en Turquie, ils n’ont même pas la pos­si­bil­ité de se faire soigner.
Les mem­bres de sa famille n’ont même pas eu la pos­si­bil­ité de tra­vers­er la fron­tière pour venir récupér­er le corps du vieil homme.

EUROPE
MANIFESTATIONS
Des man­i­fes­ta­tions ont encore eu lieu en Alle­magne et en suède pour exiger la libéra­tion du leader kurde Abdul­lah Öcalan, tou­jours enfer­mé sur l’île prison d’Imrali.
A Ham­bourg, les par­tic­i­pants à la man­i­fes­ta­tion ont scan­dé des slo­gans con­damnant le fas­cisme et les pra­tiques bru­tales de la Turquie quand il est ques­tion de la volon­té du peu­ple kurde.
Dans la cap­i­tale sué­doise, à Stock­holm, des jeunes ont accroché des pho­tos d’Abdullah Ocalan, pour attir­er l’at­ten­tion sur l’isole­ment strict qui lui est imposé par les autorités turques.

A Stras­bourg, les vig­iles du com­bat pour la lib­erté d’Ocalan se relaient devant les bâti­ments du Con­seil de l’Europe. Cette semaine ce sont les femmes du TJK‑E des Pays Bas (le TJK‑E est l’organisation des femmes kur­des d’Europe) qui ont pris la relève de cette garde inin­ter­rompue devant les bâti­ments européens.

A Düs­sel­dorf, une autre man­i­fes­ta­tion a dénon­cé devant le con­sulat de France l’abandon des pour­suites judi­ci­aires menées pour éclair­cir le triple meurtre de Sakine Can­siz, Fidan Dogan et Ley­la Söyle­mez, qui avaient toutes les trois été tuées à Paris en jan­vi­er 2013.
D’autres man­i­fes­ta­tions dénonçant la com­plic­ité des autorités français­es ont égale­ment eu lieu à Brux­elles, devant l’ambassade de France.
Encore à Stras­bourg, une autre man­i­fes­ta­tion a eu lieu ce mer­cre­di pour dénon­cer l’inactivité des autorités judi­ci­aires français­es dans le dossier du triple assassinat.
A Paris, les man­i­fes­tants ont aus­si organ­isé un rassem­ble­ment devant le bureau d’information du Kur­dis­tan, où ont été assas­s­inées les trois femmes il y a qua­tre ans. Ce lun­di, les man­i­fes­tants se don­neront encore ren­dez-vous devant le tri­bunal de Paris pour exiger qu’enfin on fasse la lumière sur ce crime politique.

TURQUIE
C’EST LA MÉMOIRE QU’ON ASSASSINE

En Turquie, tout est mis en place pour que les généra­tions de demain ignorent leur passé. Les mon­u­ments com­mé­morat­ifs sont détru­its, les villes sont rasées, et le pat­ri­moine archi­tec­tur­al et naturel est livré à la pré­da­tion des entre­pris­es immobilière.
Il y avait dans le parc d’amed un mon­u­ment com­mé­moratif qui rap­pelait le sou­venir de ces 34 civils inno­cents mas­sacrés volon­taire­ment par des F‑16 turcs dans les mon­tagnes de Robos­ki, le 28 décem­bre 2011.
On devait ce mon­u­ment au sculp­teur Suat Yakut. On y voy­ait des femmes pleur­er leurs proches, entourées de 8 missiles.
Aujourd’hui, le mon­u­ment est rasé. Les sol­dats turcs sont ren­trés dans le parc et ont tout détru­it. Il ne faut pas que l’on se sou­vi­enne de ces évène­ments trag­iques. Les noms des 34 vic­times ont été arrachés. La cul­ture de l’impunité va de pair avec celle de l’oubli.

*

A Sur, le quarti­er his­torique d’Amed, il y avait des maisons vieilles de 300 ans, des maisons qui por­taient le témoignage des tech­niques de con­struc­tion spé­ci­fique­ment dévelop­pées à Amed. Tout a été rasé par les bull­doz­ers turcs. Et c’est ain­si que 40.000 habi­tants sont aujourd’hui sans domi­cile à Sur.

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Et puis, à Amed, il y a aus­si cette fameuse val­lée de Dicle et les jardins de Hevsel. Ces lieux sont classés au pat­ri­moine mon­di­al de l’Unesco.
Les autorités turques ont cepen­dant com­mencé à couper les arbres de ces fab­uleux jardins. On sait que ces sites doivent être recon­ver­tis en cen­tres com­mer­ci­aux et en parcs d’attractions.
L’Unesco se tait dans toutes les langues.

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Rap­pelons enfin le triste sort qui est réservé à la ville de Sir­nak. La députée Ley­la Bir­lik est sor­tie de prison ce 4 jan­vi­er : elle a pu rejoin­dre la ville et ce qu’elle a con­staté est désespérant :
Il n’y a plus que des gra­vats. Les mosquées sont elles aus­si démolies. Aucune réu­nion de plus de trois per­son­nes n’est autorisée dans la ville détruite.
Les habi­tants sont arrêtés au hasard par la police, et on leur arrache ensuite au com­mis­sari­at des aveux inven­tés sous la torture.
De mil­liers de per­son­nes dont la mai­son a été détru­ite doivent vivre sous des tentes. Des camions qui appor­taient des pro­duits de soins pour les bébés ont été inter­dits d’entrée sur ordre des pro­cureurs et du gouverneur.
Le but de l’Etat est de faire de Sir­nak une ville sans habi­tants, d’effacer de la terre et des esprits la mémoire cette ville.