Voici les “chroniques de la révolution kurde”, présentées par Ronahi TV. Un retour sur la semaine du 25 au 31 décembre 2016. Il s’agit de l’émission régulière en langue française, que vous trouverez ici, chaque semaine.
Vidéo et texte en français
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Gros titres :
- LE LONG DE LA FRONTIÈRE : Nouvelles violences de l’armée turque
- OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE : Les FDS avancent vers Raqqa
- SYRIE DU NORD : L’armée turque se livre à des massacres
- FÉDÉRATION DÉMOCRATIQUE DE LA SYRIE DU NORD : Congrès de Rimelan
- ROBOSKI : 5 ans déjà
- ROBOSKI : 5 ans plus tard
- BAKUR-KURDISTAN DU NORD : Crimes d’Etat contre l’humanité
- TURQUIE : Procès « Özgür Gündem »
- PROCÈS DE SÛR : 40 personnes jugées à Diyarbakir
- TURQUIE : La prison pour seul horizon
- RUSSIE — IRAN — TURQUIE : Cessez-le-feu en Syrie
LE LONG DE LA FRONTIÈRE
NOUVELLES VIOLENCES DE L’ARMÉE TURQUE
Le long de la frontière qui sépare le nord de la Syrie de la Turquie, les militaires turcs multiplient encore les agressions.
Cette semaine, les forces turques s’en sont particulièrement prises aux villages entourant la ville de Kobani.
Pendant un quart d’heure, les soldats turcs ont tiré samedi dernier sur les maisons du village de Kaniya Kurdan. Les tirs ont continué jusqu’au lendemain matin.
Heureusement, il n’y a pas eu de victime.
Plus tard dans la soirée, entre les villes de Dirbisiyé et d’Amudé, 3 frères accompagnés de leurs trois compagnes ont été pris sous le feu des soldats turcs en poste le long de la frontière. Les trois femmes ont été blessées, mais les trois frères, Refet 18 ans, Firas 27 ans et Mezher Osman 25 ans ont tous été tués.
Le père des trois frère Osman, Ebid, a expliqué à l’agence Anha que les forces turques veulent forcer les syriens à l’exil et qu’elles utilisent ces attaques pour accélérer les départs.
Un autre frère des trois victimes a imploré la justice internationale pour qu’Erdogan soit jugé.
Le lendemain, dimanche, les troupes turques pilonnaient différents villages à l’est de Kobani : Kaniya Kurda, Qeremox, Koran, ainsi que le village de Ziyaret à l’ouest de la ville de Kobani.
Au milieu de la nuit de mercredi, les forces turques réattaquaient à l’arme lourde les villages de Girbenav, de Yabse et de Siluleh, toujours à l’est de la ville de Kobani.
Et au même moment, les troupes du conseil national syrien lançaient également un assaut sur le canton kurde d’Afrin, à hauteur du village de Birc Sileman.
D’autres attaques du CNS ont ensuite visé le district de Menarez, toujours dans le canton kurde d’Afrin.
Au nord de la ville de Minbij, les soldats turcs utilisent des missiles thermiques.
Une de ces attaques au missile a tué une autre femme, Meryem El-Hesen, et blessé ses trois enfants. Un autre enfant de 6 ans Ala Musa, est également gravement blessé.
Près de Gire Sipi (Til Abbiad), les soldats turcs sont entrés sur le sol syrien avec des machines de terrassement. À plus de 25 mètres de la frontière, les machines creusent des fondations pour installer des murs. Une délégation de la commune a été envoyée vers les terrassiers pour s’inquiéter du sort des maisons qui se trouvent le long du tracé des bulldozers. Après avoir été chassé par des tirs d’armes à feu, le représentant de la délégation a finalement pu s’entretenir avec les soldats turcs et les ouvriers de terrassement. On lui a confirmé que les projets de construction du mur s’enfonçaient jusqu’à 50 mètres par-delà la frontière, et que les maisons qui s’y trouvent seront détruites. Après la visite du délégué de la commune, les ouvriers ont suspendu leurs travaux le temps de confirmer les ordres d’Ankara.
OPÉRATION COLÈRE DE L’EUPHRATE
LES FDS AVANCENT VERS RAQQA
Depuis le début de la deuxième phase des opérations militaires pour délivrer la ville de Raqqa, les forces démocratiques syriennes balaient la résistance du Daesh. De nombreux villages sont repris tous les jours, et les combattants de la liberté s’approchent toujours plus de Raqqa.
Dimanche dernier, c’était le village de Caber qui était délivré du Daesh. 38 membres du daesh ont été tués lors des combats qui s’y sont déroulés. Les avions de la coalition menée par les Etats-Unis ont aidé les combattants. A Caber, les Fds ont aussi pu reprendre le site historique du château.
Lundi, les bandes de Daesh ont voulu lancer une offensive pour tenter de reprendre Caber et le village de Segulê. 18 autres membres de Daesh y ont encore perdu la vie.
Mardi, les Fds reprenaient le contrôle du village de Caber-est.
Malgré de mauvaises conditions météo, les Fds ont encore poursuivi leur avance, vers le village de Hadaj. Plusieurs dizaines de membres du Daesh ont encore été tués lors de ces combats.
Le combattant Givara Qeremox explique que l’opération pour libérer Raqqa a été lancée à la demande des habitants de la ville. Les combattants sont déterminés à libérer les habitants de la brutalité du daesh, mais la première des priorités reste la sécurité des civils.
Pour le combattant Qeremox, les combattants sont confiants : les habitants de Raqqa les accueilleront et leur offriront toute l’aide nécessaire pour libérer la ville.
SYRIE DU NORD
L’ARMÉE TURQUE SE LIVRE À DES MASSACRES
Dans le nord de la Syrie, dans la région de Bab, l’armée turque a déjà commis plusieurs massacres.
Le co-président du conseil de la ville de Bâb, Ahmad Hamo, dénonce ce qu’il appelle l’armée des massacreurs.
Ahmad Hamo rappelle tout d’abord ce premier massacre perpétré par les forces armées turques le 22 décembre. 84 personnes y ont été tuées et 45 autres blessées lors d’une attaque de l’aviation turque.
D‘autres massacres perpétrés par les forces turques ont également endeuillé les localités de Bir Kosa, de Siresat, de Holwaniya. A Bab même, le 9 décembre, les avions turcs avaient déjà lâché leurs bombes sur un groupe de douze personnes, toutes tuées. Parmi les victimes, il y avait surtout des femmes et des enfants .
Pour le co-président du conseil de Bab, on ne peut pas qualifier de libérateurs les soldats d’une armée qui tuent des civils innocents. Si la Turquie occupe Bâb, explique Hamo, elle commettra d’autres massacres. Hamo le dit clairement : l’armée turque est une armée de massacreurs.
Il appelle donc la population de sa ville à s’opposer à tous ceux qui voudront occuper leur cité.
***
Suite au massacre du 22 décembre, les populations civiles paniquées fuient vers le canton d’Afrin. Des milliers de réfugiés sont donc arrivés cette semaine pour trouver un refuge dans le canton kurde.
Parmi ces réfugiés, d’autres sont en provenance des villes de Deir Azzor, frappée cette semaine par une frappe aérienne d’origine inconnue, une frappe qui a fait 22 morts dont 10 enfants ce mercredi, ou encore de Jarablus et de Palmyre.
FÉDÉRATION DÉMOCRATIQUE DE LA SYRIE DU NORD
CONGRÈS DE RIMELAN
C’est dans la ville de Rimelan que s’est tenu entre le 27 et le 29 décembre le congrès de l’assemblée constituante du système fédéral démocratique de la Syrie du nord.
165 représentants des trois cantons kurdes et des autres régions du nord de la Syrie ont approuvé le nouveau contrat social, la loi organique qui encadrera le système fédéral choisi par les habitants du nord de la Syrie.
La nouvelle constitution, appelée contrat social, a changé le nom de l’entité autogérée du nord de la Syrie. On parlera dorénavant de Système fédéral démocratique du nord de la Syrie. Le terme constitution, qui renvoie à la formation des états-nations, a été évacué au profit de l’appellation « contrat social », une référence au philosophe des lumières, J‑J. Rousseau.
Hikmet Hebîb, un représentant du conseil national arabe à Rimelan, voit dans ce contrat social une forme de carnet de route pour sortir de la crise qui affecte la Syrie. Faisant référence aux réunions qui rassemblent la Turquie, la Russie et l’Iran, Hikmet Hebîb estime que toutes les réunions qui se font sans les représentants réels du peuple syrien sont vouées à l’échec.
Le système fédéral démocratique du nord de la Syrie est un projet qui part d’une dynamique interne à la Syrie.
C’est ce qu’a confirmé Senherib Bersûm, un autre membre du congrès, qui estime que le projet fédéral est appréhendé positivement par la population.
Rappelons que parmi les points de ce contrat social, le rôle dévolu aux femmes est de première importance. Elles seront les chevilles du nouveau projet politique.
ROBOSKI
5 ANS DÉJÀ
Souvenons-nous : c’était le 28 décembre 2011. Un groupe de villageois transportant des marchandises à dos de mules dans la montagne, près du village de Roboski, était délibérément visé par une frappe de F‑16 turcs. Il y avait eu 34 morts, dont de nombreux adolescents.
Le village de Roboski, près de la frontière irakienne, est peuplé de Kurdes ayant dû fuir leur villages dans les années 90, après que l’Etat turc les en ait chassé en y disposant des mines, des mines qui avaient fait à l’époque 5 morts et de nombreux blessés. Réfugiés le long de la frontière, ces habitants n’ont d’autre ressource que de perpétuer le commerce à dos de mules entre l’Irak et la Turquie. Pour ces habitants, la frontière ne signifie rien. En Irak, juste de l’autre côté, vivent leurs cousins ou leurs amis. Il y a juste au milieu de la montagne une borne de pierre sur laquelle est gravé le chiffre 15. L’Etat a décrété que ces pauvres gens sont des contrebandiers.
Le 28 décembre 2011, alors qu’ils rentrent avec leurs mules à Roboski, les villageois constatent que toutes les routes sont fermées par les soldats. Dans cette région où le PKK n’a jamais mené d’opération, les unités locales de l’armée connaissent bien les habitudes des villageois.
Et pois, un tir d’artillerie résonne. Dans le village, un homme dont le fils de 13 ans est dans la caravane, entend le tir et s’inquiète. Il téléphone immédiatement au commandant militaire. L’officier répond à Ubaydullah Encü que ce n’est qu’un tir d’avertissement.
Puis, surgissent des F‑16 qui lâchent leurs bombes. Un carnage. Des débris de corps d’hommes et d’animaux sont projetés partout.
17 des 34 victimes ont moins de 18 ans.
Les soldats empêchent les équipes de secours de Sirnak d’intervenir. Les habitants doivent donc aller à pied aider leurs proches. Certains blessés meurent gelés, alors que d’autres se vident de leur sang, faute de soins.
Ce sera sur les selles des mulets que les habitants ramèneront leurs enfants et leurs frères.
La presse turque ne se posera que deux questions : S’agissait-il de contrebandiers ou de terroristes et a‑t-on eu affaire à un accident ou à une négligence.
Pendant que tout l’ouest de la Turquie se réjouit pour célébrer le nouvel an à venir, le premier ministre d’alors, Recep Tayyip Erdogan, remercie le chef de la défense et les responsables militaires pour « la sensibilité dont ils ont fait preuve ».
Le lendemain du massacre, les soldats turcs arrivaient sur les lieux du crime pour brûler tous les restes et faire disparaitre les preuves.
Sur le plan judiciaire, le procureur a classé le dossier comme une simple erreur et a aussitôt promis que personne ne serait arrêté. Ce procureur avait pris le temps d’enquêter en survolant simplement les lieux depuis un hélicoptère avant de tirer la conclusion que l’on ne voyait rien. A sa décharge, on y voyait d’autant moins que la scène du crime avait été nettoyée par les militaires
ROBOSKI
5 ANS PLUS TARD
Prolongeant la tradition négationniste en vigueur depuis les origines de la République de Turquie, il est interdit de rappeler ce genre de faits. Les assassins courent donc toujours, mais les proches des victimes sont harcelés, emprisonnés, réduits au silence.
Veli Encü est le président du syndicat de Roboski. Il a lui-même perdu plusieurs de ses proches dans le massacre. Dimanche dernier, une semaine avant la date de la commémoration, sa maison a été envahie par des dizaines de soldats à 3 heures du matin. Veli a été emprisonné avec deux autres amis, le militant de la paix Yannis Vasilis et Meral Geylani.
Ferhat Encü, le frère de Veli, avait été élu comme député du parti HDP pour Şirnak. Malgré son immunité parlementaire, Ferhat a été arrêté et emprisonné le 4 novembre, dans la foulée du coup d’Etat d’Erdogan.
Mardi, c’était deux autres proches des victimes qui étaient kidnappés par les soldats du régiment de Gülyazi. Il s’agissait de Ubaydullah Encü, ce père qui avait téléphoné au commandant militaire peu avant le bombardement et de Nadir Alma, la sœur d’une autre victime. Lors du raid sur le village, les soldats ont menacé les villageois de représailles s’ils s’avisaient de commémorer la tragédie.
Tahir Elçi, le bâtonnier du barreau d’Amed, avait consacré sa vie à poursuivre les auteurs des crimes et disparitions. Le 10 décembre 2013, il écrivait dans son carnet qu’il se souvenait avec respect des évènements tragiques, et qu’il se tiendrait aux côtés des familles dans le combat pour la justice. Ce bâtonnier avait été assassiné devant des journalistes à Sûr, le quartier historique d’Amed le 28 novembre 2015.
Dans un communiqué, le parti Hdp rappelle que toute la chaine de commandement qui est impliquée dans ce massacre est connue, depuis les militaires jusqu’aux responsables politiques. Et ces crimes contre l’’humanité, rappelle le parti, ne pourront jamais être effacés de la mémoire du peuple.
BAKUR-KURDISTAN DU NORD
CRIMES D’ETAT CONTRE L’HUMANITÉ
Dans les villes et villages du Kurdistan du nord, sous l’administration turque, les violences contre les habitants se poursuivent en toute impunité. Après Sirnak, la ville de Nuseybin est rasée à son tour, et des civils sont assassinés en toute impunité.
La ville de Nuseybin est sous la coupe des bulldozers. Les travaux de démolition des maisons sont terminés dans les quartiers de Zeynel Abidin et de Kişla ; ils se poursuivent dans les quartiers de Dicle, de Firat, d’Abdulkadirpaşa et de Yenişehir. Les quartiers détruits sont cerclés de barbelés même quand les pillages et les destructions sont terminés. Partout dans la ville, on entend le bruit assourdissant des dizaines de bulldozers qui poursuivent leur sinistre travail.
https://www.youtube.com/watch?v=Zxoo7_L5X8E
Les mamans de Nuseybin sont à bout. Latife Akyüz a perdu un fils dans les années 90. Le cimetière où il repose a été démoli par les forces turques. Et elle s’interroge : « quelle religion ou quelle secte exige que l’on s’en prenne aux tombes ? Même lors des guerres saintes, dit-elle, les morts sont respectés. Les forces turques font preuve d’une telle sauvagerie qu’elles exhument les défunts pour les tuer encore une fois. »
Şükriye Çetin a aussi perdu sa fille dans les rangs du PKK pendant les années 90. Elle a revu la tombe de son enfant et celle de sa belle-sœur, décédée en couche, des tombes entièrement entièrement démolies. Aucune distinction n’est faite entre les tombes des combattants du PKK et celles de simples civils quand les soldats démolissent les cimetières de Nuseybin. Ils ont tout rasé jusqu’au sol.il ne reste rien, ni tombe, ni murets.
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Nesibe a perdu son fils, Sedat Kaya, le premier avril de cette année ; Son fils avait rejoint les rangs des unités d’auto-défense, les YPS, à Nuseybin. Nesibe a reconnu le corps de son fils à l’institut médico-légal d’Urfa, où elle s’est rendue, mais les autorités refusent pourtant de lui rendre le corps, sous prétexte de tests ADN à réaliser, 8 mois après le décès. Pour calmer la douleur de cette mère, il lui faut recevoir le corps de son enfant et procéder à son inhumation, mais voilà, les habitants du Bakur vivent sous l’administration turque.
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Plus loin dans le Bakur, à Mardin, les soldats qui terrorisent les habitants ont lancé une opération militaire près du village de Şutê, ce 25 décembre. Une auto passait par là. Ils l’ont percée à coups de balles, tuant un passager et en blessant un autre. Après le crime, les soldats turcs ont parlé d’un accident à mettre sur le compte de la guérilla du PKK.
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Et puis, à Baglar, il y a le curateur Tolga Togan. Ce commis de l’Etat remplace les co-bourgmestres élus et il profite des lois d’urgence pour licencier le personnel kurde.
Au premier janvier, 37 travailleurs d’une société d’entretien seront ainsi privés de leur emploi, et ces ouvriers iront ainsi rejoindre les dizaines de milliers d’autres personnes licenciées grâce aux lois d’urgence.
Ces lois d’urgence donnent tout pouvoir aux curateurs pour licencier : il leur suffit de demander une lettre aux services de police, une lettre qui doit faire état de liens avec le PKK, et le tour est joué. Il n’y a plus aucune protection légale des travailleurs.
TURQUIE
PROCÈS « ÖZGÜR GÜNDEM »
Deux procès viennent de débuter en Turquie cette semaine. Le premier concerne l’affaire Özgür Gündem
et le second celui des civils qui avaient pu s’échapper du quartier de Sûr, à Amed, un quartier qui était livré à la violence des forces armées turques.
La première audience du procès des responsables du journal Özgür Gündem a eu lieu ce jeudi. 4 inculpés doivent répondre de leurs écrits : le rédacteur en chef Zana Kaya, l’éditeur Inan Kizilkaya et les deux membres du bureau du journal, les écrivaines Asli Erdogan et Necmiye Alpay.
Ils sont accusés de propagande pour une organisation terroriste et d’activités visant à affaiblir l’unité de l’Etat.
Un élu du parti CHP, Bariş Yarkadaş, a dénoncé lors d’une conférence de presse tenue devant la 23ème haute cour pénale d’Istanbul, la poursuite des journalistes sur base de leurs idées, et il a rappelé, en présence des représentants des syndicats de journalistes, qu’actuellement il y a en Turquie 650 journalistes qui sont menacés en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux.
Un autre élu du CHP, Sezgin Tanrikulu, a expliqué lors de cette conférence de presse qu’il n’avait jamais vu cela en trente années d’activité judiciaire. Les arrestations sont devenues une routine, expliquait-il.
Lors de l’audience, Asli Erdogan, l’écrivaine bien connue pour ses nombreux romans traduits en français, a rappelé que la police avait utilisé ses notes et ses articles pour fabriquer les preuves des crimes dont on l’accuse. « la loi, dit-elle, a été transformée pour en faire un outil de manipulation ; je me défendrai donc comme si la loi existait, et je n’ai pas à expliquer ce qu’est la loi à des juristes et à des avocats. La sélection de quelques mots sortis de 8 livres et de centaines d’articles rappelle les techniques de l’inquisition au moyen-âge. »
Quant au journal Özgür Gündem, dit-elle encore, il est né comme une alternative aux média dominants qui ignorent tout des vérités concernant les kurdes.
Necmiye Alpay a rappelé lors de cette première audience la phrase célèbre de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
La cour a finalement décidé de remettre provisoirement en liberté Asli Erdogan, Necmiye Alpay et Zana Kaya pendant le procès. Mais Inan Kizilkaya restera encore sous les barreaux.
PROCÈS DE SÛR
40 PERSONNES JUGÉES À DIYARBAKIR
Un autre procès s’est ouvert à Diyarbakir. C’est celui des 40 personnes qui avaient pu fuir le quartier ravagé de Sûr lors des attaques militaires du début de l’année 2016.
40 personnes sont jugées devant la cinquième cour criminelle de Diyarbakir. 32 de ces personnes sont en prison depuis 10 mois déjà. Parmi elles, le journaliste de l’agence Diha, Mazlum Dolan.
Ces rescapés des violences de Sûr sont accusés de vouloir défaire l’unité de l’Etat. On leur reproche aussi d’appartenir à une organisation terroriste et de violer les lois concernant les réunions et les manifestations. Le procureur requiert à leur encontre la prison à vie.
Dilşad Şengul, une prévenue, a souhaité s’exprimer en kurde lorsque le président l’a interrogée. Elle a alors été interrompue par le magistrat, qui lui a demandé de se rassoir ; et ce magistrat d’affirmer que la suspecte « racontait des histoires ».
Arguant de son droit à se défendre, Dilşad a voulu continuer à parler ; le juge a alors fait intervenir les gendarmes, qui l’ont sortie de la salle. Les autres suspects ont contesté la décision et tous se sont faits violemment attaqués par les policiers et les gendarmes présents au tribunal. L’une des avocates, Remziye Tosun, a été tirée sur le sol par les policiers devant sa petite fille de trois ans.
Les gendarmes ont ensuite continué à agresser les familles des prévenus en dehors de la salle d’audience, dans les corridors.
Le procès s’est donc poursuivi à guichet fermé, avec uniquement la cour, les procureurs, les avocats, la police et les gendarmes.
TURQUIE
LA PRISON POUR SEUL HORIZON
Les arrestations des élus des partis HDP et DBP se poursuivent. Mais les prisons se remplissent aussi de journalistes. La menace des arrestations plane également sur 433 réalisateurs de cinéma.
Ce mardi à Mezitli, dans le district de Mersin, ce sont les bureaux du parti Hdp qui ont été vandalisés. Sur les murs, les manifestants ont peint les trois croissants du MHP, le parti ultranationaliste ainsi que des slogans injurieux. A Istanbul, ce sont les policiers qui ont saccagé eux-mêmes les bureaux du Hdp, dans le quartier de Sultanbeyli pendant la nuit de lundi à mardi. Ils y ont laissé des tags racistes avant de s’en aller.
De nombreux élus et responsables du Hdp ont encore été arrêté cette semaine dans le cadre de ces opérations de police devenues tristement banales pour museler l’opposition.
5 co-présidents de district arrêtés à Balikesir dimanche dernier, ainsi que le co-bourgmestre de la ville d’Esendere.
Le lendemain, lundi, c’était le tour des vice-présidents du parti HDP et DBP, Aysel Tugluk et Seydi Firat de prendre le chemin de la prison. Plus tard dans la nuit, c’étaient 7 autres administrateurs et cadres du HDP d’Istanbul, tous arrêtés lors de raids nocturnes à domicile.
Mercredi, la co-bourgmestre d’Agri, Mukkades Kubilay, était mise aux arrêts après voir été kidnappée par les policiers lors d’un raid au domicile de sa fille.
Dans le Hatay, à Mersin, à Batman, à Dersim, partout dans le pays, des dizaines d’arrestations ont encore eu lieu mercredi. Les prisons font le plein.
Les journalistes sont aussi dans le collimateur: 4 d’entre eux ont été arrêtés dimanche dernier à Istanbul et à Amed ; Omer Çelik, de l’agence Diha a été tabassé lors de son arrestation.
Metin Yoksu, de Diha également, a vu sa maison familiale envahie par les policiers sur le coup de minuit ; tous les téléphones des membres de sa famille ont été confisqués.
Quant aux journalistes qui avaient diffusé les informations compromettant le gendre du président, le ministre de l’énergie Albayrak, des informations dont nous faisions l’écho dans ce journal il y a 15 jours, ils sont eux aussi enfermés.
Enfin, il y a cette enquête en cours et qui concerne 433 réalisateurs de cinéma. Ils avaient soutenu l’initiative des intellectuels, une initiative intitulée : « Nous ne serons pas complices de ce crime » et qui réclamait la poursuite des négociations de paix ;
Le chef de la police d’Istanbul a demandé au syndicat des artistes de lui fournir les informations concernant l’identité de ces 433 artistes. Ils seront sous le coup d’une nouvelle enquête pour avoir « soutenu le crime et des criminels », dans le cadre de la lutte du pouvoir contre la propagande terroriste ;
RUSSIE IRAN TURQUIE
CESSEZ-LE-FEU EN SYRIE
Les sommets trilatéraux entre l’Iran, la Russie et la Turquie ont débuté à Moscou ce 20 décembre ; ils se prolongeront avec les accords d’Astana, la capitale du Kazakhstan. Un cessez-le-feu a été conclu entre le régime et 7 groupes armés.
Ce n’est pas la première fois que le régime syrien et les bandes armées soutenues par la Turquie et l’Arabie saoudite déclarent le cessez-le-feu.
Ce dernier cessez-le-feu initié par la Russie a lieu juste après la reprise par le régime de la ville d’alep et celle par le Daesh de la ville de Palmyre.
Ilham Ehmed, la co-présidente du Conseil Démocratique Syrien, a fait l’analyse des enjeux de ce qui se passe à Moscou.
Pour la co-présidente de l’assemblée démocratique syrienne, le sommet de Moscou n’est jamais qu’un assemblage unilatéral de forces, et l’opposition véritable au régime n’y est pas représentée.
Ceux qui sont concernés par les décisions de ce couvre-feu ne représentent pas la seule opposition, dit-elle ; il existe une opposition révolutionnaire en Syrie, une opposition qui combat pour la démocratisation et pour l’unité de la Syrie. Une vraie solution pour la Syrie ne peut se mettre en place si une seule partie seulement de cette opposition est représentée. Pour Ilham Ehmed, toutes les parties doivent être présentes et se mettre d’accord pour trouver une solution. C’est la seule manière d’améliore la situation en Syrie. A Astana, le mois prochain, seuls viendront ceux qui ont décidé de soutenir le régime. D’ores et déjà, Ilham Ehmed prévoit que cette réunion n’aboutira à aucune solution.