Le 8 septembre, se déroulait à Istanbul, au palais de Justice d’Anadolu, la 23ème audience dans le procès Ahmet Yıldız, assassiné par son père le 15 juillet 2008, parce qu’il était homosexuel.
Le procès d’Ahmet ouvert le 8 septembre 2009, a la particularité d’officialiser la notion de « meurtre d’honneur pour homosexualité » en la portant devant la justice, pour la première fois en Turquie.
Des membres et activistes des organisations de société civile LGBTI, et les avocats étaient présents pour cette nième audience. Ils avaient toutes et tous, l’amer souvenir de la 22ème audience en avril dernier, qui n’avait duré qu’à peine 30 secondes. Yahya Yıldız, accusé unique de ce procès, était toujours absent dans le tribunal. L’audience a donc encore été reportée au 31 janvier 2017.
Recherché depuis sept ans, y compris par mandat d’arrêt international, Yahya Yıldız est curieusement introuvable et d’une audience à l’autre, la chaise de l’accusé reste toujours vide…
L’avocat intervenant Fırat Söyle, exprimait dans une interview, ses doutes sur la rigueur des recherches effectuées par la police turque, et précisait qu’il avait été découvert lors des enquêtes policières effectuées, que Yahya Yıldız avait fui trois mois après son crime, dans la ville de Zaho en Irak. L’avocat soulignait qu’en 2012, un mandat d’arrêt international avait été lancé par l’Interpol, mais qu’aucune démarche n’avait été faite depuis, par les administrations turques, ne serait-ce qu’exploitant sa localisation à Zaho en Irak.
Le père d’Ahmet n’était que la main qui appuie sur la détente
Ahmet avait 26 ans. Il était étudiant à la Faculté de Physique de l’Université de Marmara à Istanbul. Il a décidé d’annoncer son homosexualité à son père. Quand son père a menacé de le tuer, il avait porté plainte auprès du Procureur de la République d’Üsküdar à Istanbul. Mais il n’ y avait pas eu de suite à sa requête…
Peu de temps après il a été tué, dans sa voiture, par son père.
L’avocat Fırat Söyle expliquait que le fait de trouver et juger le père d’Ahmet ne serait pas satisfaisant, car son assassinat avait été décidé par un conseil de famille, dans lequel se trouvait sa mère et son grand-père et d’autres membres de famille. “Je ne sais pas si le grand-père est en vie, mais sa mère et les autres proches sont vivants et libres. Le procureur a décidé de ne pas les poursuivre.”
Il n’est pas facile d’être LGBTI en Turquie. Pour les familles, c’est toujours et de plus en plus considéré comme inacceptable et intolérable. Il n’est pas rare d’entendre, ou de lire que « Ces gens là, doivent être tués ». Nous avons vu les exemples de rejets, de menaces et de violences avant et pendant les dernieres Gay Prides. Plus l’homophobie, la transphobie sont encouragés aussi bien par les médias que ministres et prêcheurs, plus les violences continuent en toute impunité, plus les assassinats et agressions de personnes LGBTI augmentent. Nous n’avons pas oublié par exemple Hande Kader, trans femme, récemment assassinée, dont le corps a été brûlé… Hande, une victime parmi d’autres.
Dans cette atmosphère, il n’est pas étonnant de constater l’immobilisme quasi volontaire des administrations, de la police et des tribunaux sur les droits des personnes LGBT, et les décisions de Justice sont loin d’être équitables. Nous n’oublions pas par exemple Sibel, trans femme en prison, qui a tué pour ne pas être tuée… Sibel, une victime elle aussi parmi d’autres.
Pour demander justice pour Ahmet, et à travers son symbole, pour soutenir tous les Ahmet… une pétition s’adressant au Ministre de la Justice turc est en ligne.
*Le texte de la pétition est en turc. Voici la traduction :
Pour que le “père assassin” soit retrouvé et jugé.
Ahmet Yıldız a été assassiné par son père le 15 juillet 2008 à Üsküdar simplement parce qu’il était homosexuel.
Le 8 septembre 2009 s’est ouvert le procès de son assassinat, pour la première fois en Turquie qualifié de “crime d’honneur à caractère homophobe”. L’unique témoin du meurtre étant le prévenu lui-même, le banc des accusés reste toujours vide 6 ans après le crime. L’assassin, également recherché par Interpol, est en fuite, on n’a aucune nouvelle de lui et la justice n’a pas pu être rendue.
Pourtant, nous savons que le système judiciaire turc demeure machiste et hétérosexiste et continue de mépriser les personnes LGBTI. Cette justice à deux vitesses pourrait en effet probablement retrouver le meurtrier afin de le juger, mais le Ministère de la Justice et les autres institutions étatiques concernées préfèrent, dans cette affaire, faire la sourde oreille. L’enquête n’avance pas d’un pouce, et semble même avoir été jetée aux oubliettes.
Avec cette pétition, nous exigeons que tout crime inspiré par l’identité ou l’orientation sexuelle, que tout crime de haine commis par un ou des proches de la victime, ne reste pas impuni et soit jugé avec la plus grande sévérité.
C’est pourquoi nous exigeons que le justice retrouve et juge le père d’Ahmet Yıldız au plus tôt.
Nous, HÊVÎ LGBTI, suivrons tout évolution dans cette affaire et ferons notre possible pour lutter contre la persistance de la haine, du machisme, des crimes d’honneur, de l’homophobie et de la transphobie. Nous invitons tout le monde à signer cette pétition pour que l’enquête continue et que le père meurtrier soit retrouvé et jugé.
Nous comptons sur toi !
Date du procès: 5 avril 2016 à la 5e Cour d’assise de Kartal, 9h.
Tribunaux de Kartal, Anatolie.
Site mémoire : “Ahmet Yıldız is my family”
Son histoire avait inspiré le très beau film de Caner Alper et Mehmet Binay, tous les deux amis d’Ahmet : « Zenne », sorti en janvier 2011. Le film a reçu cinq prix au Festival Altın Portakal à Antalya.
Voici la bande annonce de “Zenne”
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