Depuis deux jours de fortes inon­da­tions ont paralysé Hopa, com­mune d’Artvin et ont fait 8 morts, 19 blessés. Il s’agit des inon­da­tions les plus impor­tantes des 50 dernières années à Artvin.

Mert Güvenç, Prési­dent de la cham­bre des Ingénieurs d’environnement du TMMOB (Union des Cham­bres des Archi­tectes et des Ingénieurs) pub­lie une déc­la­ra­tion con­cer­nant les inon­da­tions et pointe comme respon­s­able de cette cat­a­stro­phe les nom­breuses cen­trales hydroélec­triques instal­lés anar­chique­ment dans la région.

Où sont donc ceux qui nous ont accusé de racon­ter des bêtis­es, de refuser le pro­grès du secteur élec­trique, et d’être des traitres con­tre la patrie, quand nous avions dit «vous ne pou­vez pas retenir autant d’eau car ces ter­res ont leurs pro­pres dynamiques» ? Vous croyiez que vous pou­viez couper les riv­ières comme vous voulez, que vous pou­viez ori­en­ter l’eau à votre guise ? En plus, l’eau qui a pu s’échapper des cen­trales ne peut pas tra­vers­er la route côtière pour attein­dre la mer !

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En effet les pro­jets de cen­trales se mul­ti­plient comme des champignons en Turquie. Actuelle­ment il existe 2000 cen­trales hydroélec­triques en fonc­tion, en con­struc­tion ou en phase de pro­jet dont une grande par­tie dans la région de Mer Noire. Et l’objectif du gou­verne­ment est d’atteindre en 2020 le nom­bre insen­sé de 4000 ! Des luttes mil­i­tantes et judi­ci­aires sont menées con­tre ces pro­jets destruc­teurs qui se trou­vent pra­tique­ment tous dans des régions naturelles à pro­téger. Ces luttes sont ini­tiées et soutenues par les pop­u­la­tions qui devi­en­nent de fac­to de véri­ta­bles ZAD comme nous en con­nais­sons à Notre-Dame-Des-Lan­des, à Agen, à Oléron ou ailleurs…

La rivière Melet à Ordu, avant et après la centrale

La riv­ière Melet à Ordu, avant et après la centrale

Ces “pro­jets” qui sont cen­sés pré­par­er d’autres “pro­jets” de développe­ment économique ou d’ur­ban­i­sa­tion sont en fait décon­nec­tés de toute réflex­ion d’ensem­ble, et sou­vent met­tent des “béton­neurs” en con­cur­rence plus qu’ils ne pré­fig­urent un quel­conque avenir, comme furent à une époque con­stru­its des immeubles tou­jours vides aujour­d’hui, dans des zones improb­a­bles… Chantiers, con­struc­tions, pots de vin, prof­its de très court terme, finance­ments sans trans­parence, ami­tiés politi­ci­ennes ou con­flits d’in­térêts. “Des chantiers de boîte à chaussures”…

Ces pro­jets ne reposent pas non plus sur des deman­des de pop­u­la­tions, des besoins mis en évi­dence et iden­ti­fiés, mais sur un pos­tu­lat de “pro­duc­tion d’én­ergie” exportable dans le pays ou ailleurs (je vous dit pas les pylônes… et les déperdi­tions). Ils copi­ent les mod­èles de cen­tral­i­sa­tion énergé­tique qui ailleurs mon­trent leur échec (sauf pour les exploitants). Les mêmes veu­lent bâtir “cen­trales nucléaires” et cen­trales “hydro-élec­triques”, comme “cen­trales char­bon”, dans le sim­ple souci du prof­it à tous les étages.

Cer­tains de ces “pro­jets”, datant déjà de quelques années, après des batailles juridiques sur l’en­vi­ron­nement, puis l’u­til­i­sa­tion de l’eau, s’avèrent aujour­d’hui au point mort faute de ressource naturelle suff­isante pour les faire fonc­tion­ner ensuite. Aux pop­u­la­tions de gér­er les dégâts laissés.

Kedis­tan avait déjà relayé quelques unes de ces nom­breuses luttes con­tre les cen­trales, comme celle de la Val­lée de Kamilet et de Zile
Il n’y a pas que les cen­trales qui grif­f­ent la peau et qui man­gent le coeur de la nature… L’ex­trac­tion d’or au cya­nure fait par­tie des caus­es de luttes… comme à Fat­sa.

Un des habi­tants des mon­tagnes s’ex­pri­mait récem­ment devant le paysage dévasté de son pays. Ecoutez-le…

Je me suis fait vir­er de ce vil­lage deux fois. Le coeur aurait voulu que je vienne cent fois et que je me fasse jeter cent fois et que je ne voie pas cette cat­a­stro­phe. Ceux qui font ça, c’est des humains ? Un Min­istre du gou­verne­ment, un Min­istre d’Environnement et des forêts dit que les gens qui sont con­tre ça, sont des crétins. Allez qu’ils m’expliquent le cré­tin­isme là… Qu’ils nous expliquent ça… Soit dis­ant qu’il va planter des arbres. Tu vas les planter où ? Cette pierre est du gran­it mon ami. C’est du gran­it, du  gran­it ! Un pous­sière met des mil­liers d’années pour se détach­er de ce morceau de rocher. Où planteras-tu des arbres ?
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Allez dis­ons que tu as replan­té sur les hau­teurs… A la moin­dre pluie, cette terre glis­sera vers le bas. Vous vous moquez de qui ? Vous nous avez déclaré traitre à la patrie. Nous sommes déclarés comme des traitres parce que nous avons lut­té con­tre les pro­jets de cen­trales hydroélec­triques. Si les gens qui sont con­tre ces pro­jets, con­tre ce mas­sacre sont des traitres, oui, je suis traitre. Moi je ne veux pas qu’elles se con­stru­isent. Ici c’est mon lieu de vie.
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Les gens, vous qui lut­tez ou pas pour vos riv­ières, s’il vous plait, s’il vous plait, ne pros­tituez pas vos riv­ières… Voilà le paysage, voilà la cata.
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Ces mecs vont gag­n­er de l’argent ici, et ils vont installer leurs enfants dans les meilleurs endroits au monde. Mais nous, nous n’avons pas d’autre endroit à aller.

Naz Oke pour Kedistan
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Ici c’est à nous…

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.