Aysun est une jeune femme turque par­mi tant d’autres.

Aysun est aus­si une femme vio­lée par­mi tant d’autres.

Aysun s’est sui­cidée ven­dre­di 31 juillet.

Une de plus.

Diplômée de l’Université, Aysun avait 22 ans. Elle tra­vail­lait comme secré­taire dans l’entreprise de son compagnon.

Elle a été retrou­vée morte dans son lit. Elle s’était tirée une balle dans le coeur.

Ce n’était pas la pre­mière fois que la jeune femme essayait d’en finir, elle avait déjà fait deux ten­ta­tives de sui­cide en tail­ladant les veines.

Avant son sui­cide elle écrivait ces lignes, à l’attention de son com­pagnon, dans son cahi­er intime :

J’en ai assez de la vie et de ce que je vis. Ne sois pas triste après mon départ.”

Après avoir été vic­time de viol de la part de son pro­pre frère, depuis en prison, Aysun avait quit­té Man­isa (Turquie Ouest), sa ville natale pour habiter Domaniç, com­mune de Manisa.

Le sui­cide d’Aysun a fait l’ob­jet de  beau­coup de réac­tions. Pourquoi ?

Parce que c’est une mort de trop.

Parce que le jour­nal Akşam a sus­cité l’indignation de femmes et d’hommes en annonçant la nou­velle à sa sauce.

Aysel a cédé à la honte” (mot pour mot “s’est rendue”)

Selon le quo­ti­di­en Akşam qui, rap­pelons le, appar­tient à Ethem San­cak, très proche de Tayyip Erdoğan, le sui­cide d’Aysun est une « red­di­tion à la honte ».

Le jour­nal prêche donc à l’opinion publique : une femme doit avoir honte d’être vio­lée, le con­firme et appuie ain­si l’idéologie patri­ar­cale et sex­iste de l’AKP défendue et propagée par tous moyens. Les paroles de min­istres, maires et d’autres élus trou­vent écho ain­si dans les lignes de ce jour­nal grand pub­lic. (pro­pos recueil­lis dans l’ar­ti­cle “Quand l’i­mam pète, les ouailles chient” du févri­er 2015, suite à la mort d’Özge­can Aslan)

Pen­dant le mois de Ramadan en juin 2015, un éru­dit, Prof. Dr. Osman Züm­rüt (Uni­ver­sité de Sam­sun, Directeur du Fac­ulté de Théolo­gie) déclarait : « Si une femme est vio­lée, son jeûne ne sera pas rompu ». Un grand soulage­ment pour les femmes, elles pou­vaient donc se faire vio­l­er tran­quilles, durant le mois de Ramadan.

hashtags-ozgecan-cansu-aysun

Les réseaux soci­aux (très réac­t­ifs en Turquie) hurlent de colère et pointent du doigt le patri­ar­cat, encore une fois… « Ce n’est pas un sui­cide, c’est un meurtre ! ».

Un hash­tag #AysunAl­tay se rejoint à #Ozge­canAslan, #Can­suKaya et les autres…

Le lien est fait spon­tané­ment avec les paroles récentes du vice-Pre­mier Min­istre de Bülent Arınç, devant l’Assemblée Nationale, adressées récem­ment à une députée « Madame, tais toi, en tant que femme, tais toi ! » (voir Brèves |5)

Aysun Altay, en tant que femme.… elle s’est tue

*Je tiens à pré­cis­er que l’info sur les pro­pos de Bülent Arınç a été pub­liée par la presse française, mais avec une tra­duc­tion approx­i­ma­tive et polie, allez savoir pourquoi… : « Madame, tenez vous tran­quille », ce qui n’a rien à voir avec la bru­tal­ité et le mépris de l’original, qui tutoie et dit claire­ment « tu es une femme donc ta gueule ! ».

Qu’une nou­velle comme celle-ci enflamme les réseaux en Turquie, alors que le Pays voit les bom­barde­ments et affron­te­ments faire 226 vic­times kur­des déjà, sans compter les nom­breux blessés, est sig­ni­fi­catif de la grande colère présente dans la jeunesse et dans beau­coup de milieux con­tre les « big­ots » du gou­verne­ment qui font pass­er pour des rap­ports hommes femmes « tra­di­tion­nels » selon eux des crimes dont les femmes à elles seules seraient responsables.

Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.