A l’ap­proche des élec­tions lég­isla­tives du 7 juin, une vague de grèves sans précé­dent s’étend sur toute la Turquie . Les ouvri­ers des deux prin­ci­pales usines du secteur auto­mo­bile — Renault à Oyak et Fiat à Tofas — se sont mis en grève le 14 mai , suite à la mobil­i­sa­tion et à la vic­toire des ouvri­ers de l’usine Bosch qui avaient revendiqué une aug­men­ta­tion de salaires.

A Bur­sa, à 150 km d’Istanbul, les ouvri­ers de l’usine Renault se sont organ­isés et dénon­cent le « syn­di­cat jaune » Türk Met­al , au ser­vice des patrons, qui a signé la con­ven­tion col­lec­tive en 2014, gelant les salaires pour une péri­ode de 3 ans.

Les ouvri­ers s’opposent à la fois au syn­di­cat et aux patrons. Ils souhait­ent, pour un cer­tain nom­bre d’entre eux, adhér­er au syn­di­cat Bir­lesik Met­al-Is, con­sid­éré comme étant « de gauche »; alors que d’autres préfèrent s’organiser de manière plus autonome. Mal­gré les men­aces de licen­ciement, les intim­i­da­tions et les vio­lences infligées aux ouvri­ers, le syn­di­cat Türk Met­al compt­abilise plus de 10.000 démis­sions ; ceci mal­gré les men­aces de licen­ciements, des intim­i­da­tions et vio­lences con­tre les ouvriers.

Les 4500 ouvri­ers de l’usine Fiat ont rapi­de­ment rejoint la mobil­i­sa­tion amor­cée par leurs 5600 col­lègues de Renault. Ils met­tent égale­ment en cause la représen­ta­tiv­ité du syn­di­cat Türk Met­al et revendiquent une con­ven­tion sem­blable à celle signée à l’usine Bosch, et exclu­ant tout licenciement.

Les tra­vailleurs d’autres entre­pris­es de Bur­sa — telles que Valeo, Del­phi, Mako, Coşkunöz et Ototrim — ont rejoint la mobil­i­sa­tion. Ils sont en grève depuis le 18 mai, et c’est désor­mais 14.000 grévistes qui paral­y­sent la pre­mière indus­trie du pays. Les ouvri­ers de Ford et Hyundai à Kocaeli ont déclaré à leur tour qu’ils allaient rejoin­dre la lutte. Avec ces derniers le nom­bre de grévistes attein­dra les 20.000.

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La Direc­tion de Renault a porté plainte con­tre sur un cer­tain nom­bre d’entre eux, ain­si que l’explique , aujourd’hui, un des ouvriers :

Nous sommes organ­isés en con­seil ouvri­er et nous ne souhaitons pas avancer selon le principe con­sis­tant à suiv­re un leader. Le con­seil ouvri­er a choisi trente porte-paroles et seuls six à sept per­son­nes sont en con­tact direct avec la Direc­tion. Le con­seil d’Administration de l’Usine, après  nous avoir demandé de choisir des porte-paroles, pointe du doigt ces per­son­nes et a porté plainte con­tre elles. Hier, nous avons reçu la con­vo­ca­tion du pro­cureur pour être inter­rogés dès aujourd’hui. Nous sommes accusés d’orienter les ouvri­ers et d’être leurs « lead­ers ». Ain­si, j’ai pris la déci­sion de porter plainte con­tre la Direction.

Les ouvri­ers, regroupés dans un col­lec­tif dénom­mé Met­al İşçil­eri Bir­liği  (MIB), pren­nent toutes les déci­sions lors des réu­nions du Con­seil Inter-usines.

Actuelle­ment, les dix ouvri­ers en garde à vue sont majori­taire­ment mem­bres du MIB. Le rédac­teur en chef du jour­nal Kızıl­bayrak, Tay­fun Altın­taş, est égale­ment accusé de « venir de l’extérieur de la ville, dans le but de provo­quer les ouvri­ers via les réseaux soci­aux ». Cette pro­pa­gande du Bureau de Lutte avec le ter­ror­isme, dépen­dant de la Direc­tion de la Sécu­rité de Bur­sa, est relayée par l’agence AA qui déclare : « Il a été observé que le mou­ve­ment de grève est dirigé par des indi­vidus venus de l’extérieur de la ville, et les per­son­nes en garde à vue ont l’objectif d’élargir leur base organ­i­sa­tion­nelle en prof­i­tant du chaos social. »

Bien que la dimen­sion anti gou­verne­men­tale de cette vague de grève ne soit pas encore évi­dente, l’irruption du mou­ve­ment ouvri­er dans le type de sit­u­a­tion poli­tique qu’on con­nait peut être un relai impor­tant de toutes les autres luttes en cours, qu’elles soient sur les ques­tions écologiques, fémin­istes, anti théocra­tiques ou anti gou­verne­men­tal. Dans un tel type de con­texte où la répres­sion de l’état ne man­quera pas d’arriver, on peut espér­er que la con­ta­gion se passe tout comme une convergence.

En tout état de cause cette volon­té de choisir son syn­di­cat donne à cette lutte une dimen­sion poli­tique de classe qui ne peut être que béné­fique pour l’avenir des luttes, y com­pris européennes.

 

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.