Deux nouvelles à propos du sommet d’Istanbul sur la Syrie. Une bonne, les parties prenantes se sont engagées à éviter le massacre à Idleb, une mauvaise, Allemagne, France et Russie en imputent la réussite à Erdoğan et à Poutine.
Erdoğan reprend en effet bon pied dans ces négociations, puisque justement il a fait jouer les relations plus qu’amicales avec les djihadistes de multiples obédiences, qui l’ont entre autres bien aidé à pacifier “à sa manière” la région d’Afrin. Erdoğan a en effet obtenu de ses alliés de toujours la diminution du stock d’armes lourdes dans le secteur d’Idleb, et des engagements à ne pas provoquer le régime de la part des combattants islamistes.
Erdoğan s’est, entre autres sujets, félicité, lors de l’ouverture de la conférence de presse commune d’après sommet, du travail accompli depuis l’irruption des forces blindées turques sur le territoire syrien à Jerablus, jusqu’à l’invasion d’Afrin, donc de ses succès anti-terroristes. A ses côtés, les trois partenaires, Allemagne, France et Russie ont opiné du bonnet et aucun d’entres eux n’a par la suite éprouvé le besoin de rectifier l’amalgame Daech/PYD prononcé devant eux par Erdoğan. Nous sommes bien loin de la période où le régime turc trempait dans le pétrole de Daech et s’essuyait avec le coton des mêmes, et que les “alliés” s’offusquaient mollement.
C’est d’ailleurs, dans les déclarations préliminaires de cette conférence, la seule référence qui sera faite à la partie kurde, comme si celle-ci n’avait existé que comme sigle terroriste parmi d’autres, en résonance avec la fameuse liste internationale.
Oubliée la façon dont les puissances occidentales ont utilisé à leur profit, avec moultes chantages à l’armement, l’auto-défense et l’offensive des Peuples de la région, et majoritairement les Kurdes, contre Daech et la galaxie djihadiste qui a pourri le soulèvement syrien. Oubliés les combats qui se mènent encore actuellement à l’Est de l’Euphrate contre Daech, et qui voient encore tomber des combattantEs kurdes des YPG/YPJ.
Et lorsque dans toute la presse occidentale et turque, aucun mot n’est prononcé dans le compte rendu pour signaler ce grand absent dans ce “nouveau format pour la Syrie”, à savoir plusieurs millions de personnes fédérées en Syrie Nord à partir du projet de départ du Rojava, on constate la réelle raison de cette médiatisation de la rencontre.
Erdoğan, réélu Président, est la clé incontournable pour éviter le “flot de réfugiés en Europe” et permettre une pression suffisante à suivre sur les Kurdes, pour remettre en selle tant bien que mal un Etat-nation syrien à offrir aux futurs “reconstructeurs”.
Personne ne doute des intentions louables de Paix affichée par le quarteron de dirigeantEs. Mais on ne peux douter non plus de leurs appétits réciproques, auxquels il convient d’ajouter celui de l’Iran, d’une certaine partie nationaliste arabe syrienne, et la problématique attitude d’un Président américain.
Ce sommet aura donc eu le mérite de mettre à jour une stratégie globale de convergences d’intérêts disparates mais précis dont les Peuples de la Région seront priés de faire les frais, au nom de la Paix mondiale pour les affaires.
Est-ce cynique que d’écrire qu’il n’est pas sûr du tout que cette stratégie n’éclate pas à nouveau en petits “small grups” ?
Est-ce non politiquement correct que de se poser la question d’une politique “pragmatique et réaliste”, qui pourrait bien se faire jour en Syrie Nord, du fait des pressions énormes et de la nécessité de survie de millions de personnes ? Qui blâmerait dans ces circonstances celles et ceux qui, sommés de choisir entre la vie et la mort, édulcoreraient un projet politique, pour préserver une lutte pour l’avenir ?
Ces nouvelles configurations dans les négociations sur la Syrie, plus que jamais, doivent interroger les soutiens du Rojava, et pas que sous l’angle de la théorie.
28/29/30/10/2018 : Et comme Erdoğan ne manque jamais de tester l’inertie de ses partenaires, de la parole aux actes, il a aujourd’hui fait bombarder des positions des Unités de protection du peuple (YPG) à l’ouest de Kobané, dans le nord de la Syrie.
“Nous ne permettrons pas la création d’une structure terroriste à l’est de l’Euphrate, nous la détruirons. Pas à pas, nous nettoierons la zone colline après colline. Nous avons terminé les préparatifs, et nos objectifs sont définis. Dans un proche avenir, nous entamerons une opération d’envergure contre les formations armées kurdes à l’est de l’Euphrate”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan.
“L’’Etat turc continue ses attaques contre le Rojava. Selon l’agence de presse Hawar (ANHA), l’armée turque aurait attaqué le village de Selim à 15 km à l’ouest de Kobane avec des tanks mercredi matin. L’attaque a eu lieu après les précédentes attaques lancées par l’armée turque contre Gire Spi (Tal Abyad) hier soir, au cours desquelles un membre des forces d’autodéfense a été tué et un civil blessé.” Source Rojinfo