A‑t-on vu en Europe de façon sig­ni­fica­tive, un refus et une riposte organ­isée opposé à l’ac­cord scélérat sur le dos des réfugiés de guerre et des migrants ? Les réac­tions les plus toni­tru­antes sont venues des milieux xéno­phobes et de leurs représen­tants, qui ont à la fois con­damné un “accord” avec la Turquie, par réflexe raciste, et souhaité néan­moins la fer­me­ture com­plète des routes de l’ex­il. Les autres réac­tions ont été dis­per­sées et sans suites, hors quelques mobil­i­sa­tions pop­u­laires sig­ni­fica­tives en Allemagne.

Depuis, les murs et les bar­belés ne cessent de s’ériger.

Cer­tains dirigeants européens sont même allés jusqu’à con­damn­er “l’ap­pel d’air” non con­certé, provo­qué par la poli­tique d’ac­cueil dans un pre­mier temps de la chancelière alle­mande. Des politi­ciens, pour­tant à gauche, selon leurs dires, ont remis ça sur le dis­cours con­venu : “il faut s’at­ta­quer aux caus­es, et même si nous devons respecter notre devoir d’ac­cueil, on ne peut accueil­lir toute la misère…bla bla bla”. Vous fer­ez vous même votre liste préférée, dans chaque pays européen, et au sein de ces “belles” insti­tu­tions. Il y en a des vari­antes multiples.

Une fois de plus, depuis plus d’un an, ce sont des human­istes, intel­lectuels, vieux ou jeunes mil­i­tants de toutes les caus­es, asso­ci­a­tions de société civile, par­fois des élus, par­fois plus pau­vres que ceux qu’ils aident, qui se sont col­lés à la tâche, lais­sant les dis­cours et les dia­tribes élec­toral­istes à dis­tance. Curieuse­ment, dans le con­cert xéno­phobe qui se généralise dans la belle europe de la paix, des sondages têtus lais­sent pour­tant devin­er que “la volon­té d’ac­cueil” est loin d’être une niche pour utopistes rêveurs, et qu’il reste une human­ité qui croit en l’hu­main autrement que sur le papi­er, ou comme une marchandise.

Mais, bien sûr, dans les con­trées où “l’é­tat prov­i­dence, l’état/nation, l’é­tat redis­trib­u­teur, l’é­tat pro­tecteur dans ses fron­tières” reste l’al­pha et l’omé­ga de tout dis­cours élec­toral digne d’être labélisé, (et la sai­son de la chas­se aux voix est ouverte un peu partout en ce moment), on ne peut guère s’at­ten­dre à des mir­a­cles politiques.

Le réfugié, le migrant, restera un “prob­lème”, ou un “enne­mi potentiel”.

Et même si les chiffres démon­trent que l’Eu­rope ne voit venir sur son sol que les miettes de migra­tions Sud/Sud, elles, bien plus con­séquentes, même si les chiffres de réfugiés de guerre, rap­portés à la pop­u­la­tion européenne, et au PIB de ses “économies”, pren­nent l’al­lure de pour­cent­ages der­rière la vir­gule, vous ne fer­ez pas quit­ter le domaine de l’ir­raison­né à ce débat.

réfugiés

Pho­to extraite du doc­u­men­taire “Réfugié-es, City Plaza”

Il est devenu iden­ti­taire, religieux, raciste, colo­nial, xéno­phobe, tant il s’est éloigné de toute once d’hu­man­ité et de poli­tique. Les “tout pour ma gueule” s’y vautrent à l’en­vie, quels qu’ils soient, ten­ants du néo libéral­isme, petite ou grande bour­geoisie, ou fana­tiques du nation­al­isme iden­ti­taire de tou­jours, religieux com­plexés des “racines”, défenseurs de “l’emploi français, belge, alle­mand…”. Le “pas de ça chez nous” du port de Calais, à lui seul, offre la palette complète…

On pour­rait dévelop­per à l’in­fi­ni sur ce fond de peur de l’autre, ici et là, ren­for­cé par les dis­cours sur “la guerre”, “le terrorisme”…

Mais intéres­sons nous plutôt à celles et ceux qui ten­tent de faire de ce com­bat pour l’ac­cueil une démon­stra­tion poli­tique. S’il est non seule­ment un devoir humain, inscrit dans toutes nos belles déc­la­ra­tions post “lumières”, il est une néces­sité imposée par des sit­u­a­tions d’ex­ploita­tion, de pré­da­tions de ressources, de guer­res et de con­flits, crées partout dans le monde par la mon­di­al­i­sa­tion du cap­i­tal­isme néo libéral.

Au “vos guer­res, nos morts”, on doit ajouter “vos guer­res, nos réfugiés”.

Car les con­som­ma­teurs que nous sommes, vivent aus­si de “la mis­ère du monde”, et nous en vivrons tant qu’une par­tie de l’hu­man­ité sup­port­era d’être dom­inée par l’autre, qui acca­pare les richess­es, utilise la force de tra­vail pour ses prof­its, quitte à créer des crises humaines et écologiques. Nous en vivrons tant que nous en serons les “con­som­ma­teurs et acteurs soumis”. Le cap­i­tal­isme prospère sur ces principes, notre alié­na­tion, et nous vivons dedans.

Alors, ren­voy­er la balle et com­mencer par dire, “tant que les caus­es sub­sis­teront, nous ne pour­rons faire face”, et se repren­dre un coca ou se resservir du quinoa, c’est un peu facile. Cette “révo­lu­tion” là, elle ne se fera pas toute seule, et encore moins cha­cun dans son coin. Et en suiv­ant le raison­nement jusqu’au bout, on irait même jusqu’à penser qu’un Peu­ple du Moyen Ori­ent qui se bat en ce moment pour se faire recon­naître, serait un “par­tic­u­lar­isme” région­al qui ferait par­tie des “caus­es”, la guerre. Si le mou­ve­ment kurde dépo­sait les armes, il y aurait “moins de réfugiés” sans doute ???… Mais cette polémique autour du nation­al­isme sou­verain­iste d’une par­tie de la gauche française n’a guère d’in­térêt. 2017 n’ou­vri­ra aucune fron­tière, et les fer­mera davan­tage, si j’en lis toutes les déclarations.

Il faut avoir une âme de politi­cien bien ancré dans le sys­tème “nation­al et européen”, pour refuser d’ad­met­tre, de voir, que ces exilés des guer­res, de guer­res armées, économiques ou écologiques, racistes et nation­al­istes, pour la Turquie proche, se retrou­vent pro­lé­tarisés en masse, à la mer­ci d’un sys­tème prêt à les exploiter, les broy­er comme marchan­dise périmée, ou con­tin­uer à les faire dis­paraître der­rière les bar­belés de camp “d’ac­cueil” et de “tris”, en attente de les faire rede­venir “con­som­ma­teurs”. Ne pas être capa­ble, pour la majeure par­tie de la gauche européenne, de se saisir du mot “accueil”, pour en faire une arme retournée con­tre les oli­garchies européennes qui bâtis­sent des murs pour les hommes et libéralisent tou­jours plus la cir­cu­la­tion marchande, reste une tare, qui tient à la fois de l’a­ban­don de toute utopie de trans­for­ma­tion, que de la défense acharnée d’un sys­tème d’é­tat prov­i­dence, qui défend l’état/nation tout court. Après ça, on va se deman­der pourquoi cette gauche là s’émeut à peine du nation­al­isme turc, et n’y com­prend d’ailleurs rien. 

Ce qui me redonne un peu de courage mil­i­tant, et me fait aus­si réfléchir, sont par­fois les choses les plus sim­ples, et pour­tant les alter­na­tives les plus “décriées”, parce que juste­ment qual­i­fiées d’utopies.

C’est ain­si que je voulais vous par­ler de pro­jets con­crets d’ac­cueil, qui ont un sens poli­tique, et qui pour cela sont com­bat­tus… par le gou­verne­ment Tsipras par exem­ple, désor­mais acquis à l’UE, en Grèce, et qui lui aus­si est pour “lut­ter con­tre les caus­es”, mais en “réduisant les flux”, quitte à négoci­er avec le gou­verne­ment turc, en pointe avancée de la poli­tique européenne.

réfugiés

Pho­to extraite du doc­u­men­taire “Réfugié-es, City Plaza”

J’au­rais pu choisir les com­bats mul­ti­ples, en France, qui de Grande Syn­the, Calais, Vin­timille, Paris, Nantes, Rennes…en pas­sant par toutes les petites villes où des squatts de migrants, de sans papiers, ou de deman­deurs d’asile résis­tent aux expul­sions, dépor­ta­tions, destruc­tions. Dans cha­cun d’en­tre eux, des expéri­ences et des mis­es en place d’au­to organ­i­sa­tion, d’au­to partage et d’au­to ges­tion ten­tent de se dévelop­per, avec plus ou moins de succès.

La majorité de ces “migrants” ont vécu des répres­sions mul­ti­ples et var­iées durant leurs “périples”. Ils ont tous eu recours à des “passeurs” à un moment ou un autre de leur exil. Ils ont peu ou proue con­nu les expul­sions du “petit matin”, d’un lieu à l’autre. Il suf­fit d’une courte con­ver­sa­tion pour s’apercevoir qu’ils se retrou­vent pour majorité, après par­fois plusieurs années de galère, plus dans la survie immé­di­ate que dans les pro­jets d’avenir, encore moins d’in­té­gra­tion, à de rares excep­tions près. La même galère que tous les sans abris, toutes les vic­times cachées, dont ils rejoignent la cohorte dans les pays où ils sont blo­qués. Dans ces con­di­tions, il est vite facile, pour des asso­ci­a­tions dont la prin­ci­pale moti­va­tion est celle du coeur, de se trou­ver dému­nies et de som­br­er dans un assis­tanat sans fond, et guère dif­férent, à part le sourire, de l’ac­cueil mil­i­tarisé et dis­ci­plinaire des struc­tures d’E­tat. (Et même s’il en existe ici ou là, en petit nom­bre, parce que des directeurs résis­tent à l’ad­min­is­tratif, et qui ser­vent pour­tant de faire val­oir, jusqu’à ce qu’on leur coupe le robi­net des finances et des sub­ven­tions). Chaque endroit asso­ci­atif d’ac­cueil, chaque “camp”, squatt, a ses dynamiques et ses dif­fi­cultés. Aucun en France, n’échap­pent à la répres­sion éta­tique, soucieuse de cacher la mis­ère der­rière des pan­neaux élec­toraux. Je vous ren­voie à un suivi de ces com­bats là.

réfugiés

Pho­to extraite du doc­u­men­taire “Réfugié-es, City Plaza”

La tra­di­tion lib­er­taire a en Grèce, la vie dure. Et, accueil­lir de plus pau­vres que soi, ne fait apparem­ment pas peur à une par­tie non nég­lige­able de milieux pop­u­laires, trompés récem­ment par leurs politi­ciens. Il était donc logique que le com­bat “pour les réfugiés” soit lié directe­ment à celui “con­tre l’austérité européenne”. Les dirigeants de l’UE sont perçus là bas comme les mêmes qui prof­i­tent des guer­res au Moyen Ori­ent, de la par­ti­tion de Chypre, du pil­lage économique et financier de la région. Quoi de plus nor­mal de chercher à lut­ter con­tre ces “caus­es”, et de faire une unité de com­bat avec celles et ceux qui en sont les “réfugiés des con­séquences” et qui, dans leur fuite, échouent sur les côtes ? La démon­stra­tion qu’on ne partage pas la mis­ère, qu’elle ne peut être motif de divi­sion, mais au con­traire moteur d’in­soumis­sion, voilà ce que font des “activistes” en Grèce, avec un suc­cès cer­tain à leur petite échelle.

Alors, comme je n’ai pas l’en­vie du copié-col­lé, je vous envoie sur le site de Yan­nis Youloun­tas, où, sans chercher bien loin, vous trou­verez décrites ces expéri­ences et ces démon­stra­tions, et aus­si les moyens de les soutenir.

Mes amis qu’on dit “Roms”, faute de s’in­téress­er à leurs iden­tités mul­ti­ples, et à leur his­toire de voy­ages et d’er­rances assumées ou non, ne m’en voudront pas j’en suis sûr, de les avoir “oublié”. Pour moi ils ne sont ni migrants, ni réfugiés, ni deman­deurs d’asile, même si on veut les assim­i­l­er à des “prob­lèmes”. S’ils sont vic­times des mêmes ostracismes, et s’ex­i­lent aus­si de ce fait de leurs pro­pres com­mu­nautés, l’his­toire de leur dis­crim­i­na­tion est encore plus anci­enne et mérit­erait bien des lignes. Les pop­u­la­tions de Turquie en con­nais­sent aus­si quelque chose.

J’ai aus­si vision­né “Réfugié-es, City Plaza”, un doc­u­men­taire que Kedis­tan dif­fuse, et vous invite à le regarder et le partager. Il décrit un des lieux d’ac­cueil en Grèce, aujour­d’hui cible à la fois de l’ex­trême droite et du gou­verne­ment Tsipras.

Vous com­pren­drez vous même pourquoi ce film répond en grande par­tie aux ques­tions que je viens de me pos­er dans cet arti­cle, et qu’il en pose bien d’autres.

Décidé­ment, le Moyen Ori­ent, ses guer­res et les Peu­ples qui ten­tent de s’en extraire, y com­pris par un pro­jet poli­tique comme celui du Roja­va, peu­vent être sources de bien des réflex­ions qui remet­tent large­ment en cause le dogme des Etats/Nations, cher à l’Oc­ci­dent, et le “bien” qu’il aurait apporté à l’humanité.

Peut être un jour, fau­dra-t-il enfin, comme on le fit pour le colo­nial­isme, s’apercevoir qu’il est et a été la cause et le pré­texte de tous mas­sacres, fussent-ils républicains.

Et voici le film, que Kedis­tan a reçu et partage à son tour.

[vsw id=“ZPmUiJbBaP0” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]


Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Daniel Fleury on FacebookDaniel Fleury on Twitter
Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…