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Ziya Ata­man, jour­nal­iste et pris­on­nier malade, est détenu depuis le 11 avril 2016 dans la prison de haute sécu­rité de Van. Une incar­céra­tion préven­tive au delà des lim­ites légales, un juge­ment dans la série des procès kafkaïens habituels de Turquie, une con­damna­tion sans réelles preuves… L’emprisonnement de Ziya, avec de graves prob­lèmes de san­té, s’est trans­for­mé en une dou­ble peine…

Ziya a d’abord tra­vail­lé comme dis­trib­u­teur pour Özgür Gün­dem, puis, pen­dant  7 mois, comme jour­nal­iste sta­giaire pour l’agence d’information DİHA, jusqu’à l’in­ter­dic­tion et la fer­me­ture du jour­nal,  par un décret loi du 30 octo­bre 2016, comme beau­coup d’autres médias…

Nous pub­li­ions le 13 juil­let 2019 les derniers développe­ments, et appe­lions à la sol­i­dar­ité organ­isée, autour d’une pétition.

Voici un résumé des faits :

Ziya fut placé en garde-à-vue le 10 avril 2016, alors qu’il suiv­ait, en tant que jour­nal­iste, une man­i­fes­ta­tion dans la ville de Van, dans l’est de la Turquie. Sous l’allégation four­retout “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste”, il fut incar­céré le lende­main, le 11 avril 2016. L’acte d’accusation défini­tif fut pré­paré seule­ment en décem­bre 2017, soit près de 20 mois après sa pre­mière arresta­tion. Le 13 juil­let 2019, après 1188 jours d’emprisonnement, la lim­ite de 2 ans max­i­mum d’incarcération préven­tive des accusés étant large­ment dépassée,  Ziya fut pour­tant main­tenu en déten­tion, mal­gré ses prob­lèmes de san­té, com­pli­quant sa situation.

En effet, il souf­frait déjà avant son arresta­tion d’une mal­adie intesti­nale grave. Il suiv­ait un traite­ment et cette mal­adie incur­able était con­trôlée. Depuis son empris­on­nement, dans les con­di­tions car­cérales, avec des pos­si­bil­ités d’accès et des moyens médi­caux extrême­ment lim­ités, sa mal­adie a pro­gressé d’une façon critique.

Que s’est-il passé depuis ?

Pour de procès à mul­ti­ple “sus­pects” accusés entre autres, d’avoir com­mis un atten­tat à la bombe, la dernière audi­ence s’est déroulée le 24 sep­tem­bre 2019, au tri­bunal de Şır­nak. Lors de sa défense, Ziya a à nou­veau rap­pelé que les témoignages à son encon­tre avaient été recueil­lis sous tor­tures et men­aces, et que les témoins eux-mêmes se sont exprimés ain­si. Effec­tive­ment, sans les “témoignages for­cés”, une pra­tique très courante et non fiable, l’ac­cu­sa­tion n’avait plus autre chose qu’un agen­da con­fisqué, comme “preuve”, dans lequel se trou­verait le nom de Ziya Ata­man, par­mi près de 500 autres per­son­nes. Ziya a demandé “Pourquoi, s’il est ques­tion de 400, 500 noms, seules 8, 9 per­son­nes sont jugées ?”. Il a égale­ment souligné sa mal­adie et demandé son acquittement.

Finale­ment Ziya Ata­man fut con­damné à 14 ans et 3 mois de prison. Son état de san­té n’é­tant pas pris en compte, il fut main­tenu en prison. 

D’ailleurs, selon le “Rap­port d’ob­ser­va­tion des procès con­cer­nant la lib­erté d’ex­pres­sion 2020”, pub­lié en mars 2020 par Media and Law Stud­ies Asso­ci­a­tion (MLSA), il s’ag­it là d’une con­damna­tion la plus impor­tante, don­née pour une accu­sa­tion d’ap­par­te­nance, en Turquie.

Le syn­di­cat des jour­nal­istes de Turquie TGS, les organ­i­sa­tions de pro­tec­tion des jour­nal­istes et de défense des droits humains ont large­ment réa­gi à cette condamnation.

Pandémie, Tribunal constitutionnel…

Avec l’ar­rivée de la pandémie de Covid-19, Ziya Ata­man se trou­vant dans le pre­mier groupe à risques, ses avo­cats ont sol­lic­ité, début avril 2020, le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel, pour deman­der sa libéra­tion. Ensuite, le régime a annon­cé avec un nou­veau “pack d’am­nistie” la libéra­tion de près de cent mille pris­on­nierEs, pour cause de pandémie. Le pack exclu­ant les con­damna­tions émis­es pour meurtre avec prémédi­ta­tion, traf­ic de drogue, crimes organ­isés et pour le ter­ror­isme, 97 jour­nal­istes opposantEs, majori­taire­ment kur­des, con­damnéEs ou empris­on­néEs en préven­tive, accuséEs d’ap­par­te­nance ou pro­pa­gande, n’ont pas été libéréEs, mal­gré tous les appels et réac­tions… Ziya Ata­man en fai­sait partie.

Risque de Covid-19

En début jan­vi­er 2021, MLSA relayait une let­tre envoyée par Ziya Ata­man à son médecin :

Je suis encore en quar­an­taine. Juste après la péri­ode de quar­an­taine précé­dente, je fus pris par des crises de toux, accom­pa­g­nées de perte de goût et d’odor­at. L’ad­min­is­tra­tion en fut infor­mée, et je fus testé. Le résul­tat était négatif. En même temps que moi, d’autres pris­on­niers de mon quarti­er mon­traient les mêmes symp­tômes. Ils ont été testés aus­si. Un des résul­tats a été annon­cé positif.

Très peu de temps après, j’ai eu de très fortes douleurs à la poitrine et aux dos, suivi de trem­ble­ments et four­mille­ments. Je fus trans­féré à l’hôpi­tal. La car­di­olo­gie n’a pas con­staté d’ary­th­mie. Je pense qu’il est pos­si­ble que cela soit les effets des crises de toux qui auraient affec­té les poumons. Je ne suis pas spé­cial­iste, c’est le médecin qui diag­nos­tique… Je vais mieux, mais bien que deux mois se soient écoulés depuis, je con­tin­ue à tou­ss­er, et le goût et l’odor­at sont tou­jours absents.”

Depuis, Ziya est tou­jours en prison… Son cas fait par­tie de nom­breux-ses pris­on­nierEs malades main­tenuEs en incarcération.

Sa mal­adie néces­site des vis­ites et hos­pi­tal­i­sa­tions fréquentes. Pour les pris­on­niers, l’ac­cès à l’hôpi­tal con­tin­ue d’être une peine sup­plé­men­taire, ne serait-ce que le voy­age et les longues attentes dans le véhicule de trans­fert “le ring bleu”, dont l’écrivaine Aslı Erdoğan, souf­frant égale­ment d’une mal­adie, par­lait égale­ment dans un entre­tien réal­isé juste après sa libération.

Le côté le plus dif­fi­cile de la prison, c’est l’aide médi­cale. Tu vas à l’infirmerie une fois par semaine, et là, c’est une hor­reur. C’est la sécu­rité extérieure, la gen­darmerie qui t’y amène. Ils te font mon­ter dans cet hor­ri­ble véhicule, le ‘ring’. Le ‘ring, est une chose que même les 20 pris­on­nières qui sont habituées à tout ne peu­vent sup­port­er. Je n’ai jamais vu autre chose qui soit plus inhu­main que ce véhicule. Ils font assoir six femmes menot­tées, côte à côte, dans un espace petit comme un cer­cueil. La porte claque sur vous. La fenêtre est à peine plus grande que la paume d’une main. L’été, c’est très chaud, l’hiver c’est froid, et pas aéré. Et on est sec­ouées. Telle­ment que les gens vom­is­sent. Ils vous amè­nent à l’hôpital comme ça. Ils pren­nent les femmes à l’intérieur, une par une, accom­pa­g­nées de gen­darmes, der­rière de gros cade­nas. Les autres atten­dent dans le cer­cueil étroit. 3 heures, par­fois 4 heures. Celles qui vom­is­sent, celles qui s’évanouissent… Les gens devi­en­nent touts pâles. Tu veux à la fois aller voir un médecin, tu as atten­du des mois pour ce trans­fert, et à la fois tu te dis “com­ment je vais sup­port­er le ‘ring’ ?”.

Ces con­di­tions inhu­maines font d’ailleurs hésiter de nom­breux pris­on­niers et pris­on­nières, pour deman­der soins et aus­cul­ta­tions, et cela aggrave sou­vent leur état. Pour­tant l’ac­cès à la san­té est un des droits fondamentaux.

En ce qui con­cerne Ziya, à chaque retour de vis­ite ou hos­pi­tal­i­sa­tion à la “case prison”, il est main­tenu 14 jours en cel­lule d’isole­ment en quar­an­taine, ce qui devient pour lui, et pour d’autres détenuEs malades, une véri­ta­ble torture.

Le 17 juin dernier, Ali Kenanoğlu, député du Par­ti démoc­ra­tique des peu­ples (HDP), inter­ve­nait au Par­lement turc sur le sujet des pris­on­niers malades et appelait par­ti­c­ulière­ment pour la libéra­tion de Ziya Ataman.

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Atten­tion — Le 7 août 2022 Ziya fut l’ob­jet d’un trans­fert for­cé, il fut déporté vers la prison de haute sécu­rité de Dum­lu, près d’Erzurum.

Ziya Ata­man
Dum­lu 2. nolu Yük­sek Güven­lik­li Ceza ve İnf­az kurumu
Yaku­tiye — ERZURUM — TURQUIE

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