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L’audience finale du “procès Özgür Gündem” s’était déroulée le 14 février 2020, et terminée par un acquittement, pour la romancière turque Aslı Erdoğan, accusée de “propagande pour une organisation terroriste”.
Nous annoncions alors, pour les inculpéEs de ce procès kafkaïen, que Aslı Erdoğan, Bilge Oykut et Necmiye Alpay étaient acquittés et que pour Zana Bilir, Inan Kızılkaya, Eren Keskin et Kemal Sancılı, leur calvaire n’était pas encore terminé.
Ce jour là, en apprenant le verdict qui annonçait son acquittement Aslı nous avait dit “je suis heureuse de l’apprendre, mais je n’ai pas confiance. Ils peuvent recommencer à tout moment, comme ils le font pour d’autres”. Ô combien l’avocat d’Aslı a raison, en déclarant à son tour “les procès deviennent en eux mêmes une peine à part entière”.
De nombreux intellectuelLEs, journalistes, écrivainEs, universitaires, défenseurEs de droits humains opposants dont certains devenus emblématiques n’en sortent pas de cette spirale. Vous n’avez pas besoin de suivre mon doigt pour voir Eren Keskin avocate et activiste des droits humains, qui reste droit debout et intègre, sous la menace de nombreuses années de prison, et Pınar Selek sociologue féministe, anticapitaliste et antimilitariste, à l’encontre de laquelle procès, acquittements, réouvertures de procès s’enchaînent depuis 20 ans… C’est juste pour citer deux noms, parmi d’autres…
“Ils ne lâcheront pas” disions-nous… En effet, le verdict pour Aslı fut contesté, et avait pris le chemin d’un tribunal local expéditif (Istinaf). Et, le 10 juin 2021, celui-ci a prononcé sa décision “à l’unanimité” et “au nom de la Nation turque”… Aslı vient de recevoir le document qui annonce la poursuite de son calvaire… En résumé, et en jargon juridique, voilà ce que ce simple papier, dont vous trouverez l’original en turc ici, nous raconte :
“Selon l’acte d’accusation, les articles faisant l’objet du procès étaient publiés également sur un site Internet, et, dans ce cas, l’article 5186 Loi sur la presse n°26, pour les crimes commis via Internet, n’étant pas applicable, le tribunal a pris pourtant sa décision sans en tenir compte, et sans examen complet, et avec justification insuffisante. La requête du procureur de République est considérée donc comme justifiée, et selon les articles 280/1‑e et 289/1‑e du Code de Procédure Pénale, il a été décidé le 10/06/2021, à l’unanimité d’annuler la décision d’acquittement, sans examiner d’autres aspects, et d’envoyer le dossier au tribunal de première instance, dont la disposition a été annulée pour réexamen.”
Quant à Aslı Erdoğan, elle nous dit : “Au debut il m’ont emprisonnée, seulement ensuite, ils ont cherché des ‘preuves’ pour leur accusation. Ils ont versé dans le dossier quatre articles, pour lesquels il n’y avait jamais eu d’ouverture de procès. D’ailleurs, je n’avais jamais été poursuivie jusque là, pour aucun de mes écrits. “Le journal du fascisme : aujourd’hui” par exemple, est un texte littéraire, un monologue intérieur, qui figure dans mon livre “Le silence même n’est plus à toi” depuis publié par Actes Sud. Ce texte, traduit en une trentaine de langues, fut également mis en scène pour le théâtre.
Ensuite, en cours de route, ils ont retiré deux des articles du dossier, ils les ont remplacé par deux autres dont “75 — 76” dans lequel je parle des journalistes assassinés. Ces deux articles ajoutés ultérieurement, parlent de la liberté de presse. Et, sincèrement, avec leur démarche, ils illustrent concrètement ce dont je parle dans ces textes même…
La réouverture du dossier est une nouvelle étape d’un processus qui dure depuis cinq ans, et n’est autre chose qu’une véritable torture.”
Cet acharnement qui dure depuis 5 années, qui vit une campagne de solidarité, qui se développa autour d’Aslı Erdoğan et des autres, montre que ce régime utilise un terrorisme judiciaire comme outil, contre ses opposantEs. Tant que cet acharnement durera, la solidarité restera indispensable !
Nous appelons toute la presse et les médias à se faire l’écho de ce rebondissement, dans les actes judiciaires contre Aslı Erdoğan, aujourd’hui réfugiée en Europe.