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Berat Albayrak, le gendre d’Erdoğan a démissionné de son poste de ministre du Trésor et des Finances il y a trois mois. Besoin de vacances ? Querelles de ménage ? Marre du beau père ? Allez savoir.
Toujours est-il que cela n’a pas échappé aux politiciens de l’opposition, toujours prêts à chercher des fuites de milliards quelque part. Et qu’un ministre du trésor national tire sa révérence alors qu’on se questionne sur la Réserve de Change et ses 128 milliards qui ont fondu au soleil en début d’hiver, forcément, ça questionne.
Le beau-papa avait jusqu’ici fait mine de rien, mais pressé par des parlementaires, et l’opposition CHP, il a bien fallu qu’il réponde.
Erdoğan a bien sûr défendu la famille. On attaque mon gendre, alors on m’attaque et avec moi la Turquie éternelle qui rayonne et rayonnera.
C’est à peu près la ligne de défense. Il a choisi la tribune du 7e Congrès provincial ordinaire de l’AKP à Izmir. Là, pas d’envolées vers la lune et les étoiles, mais d’abord un retour aux fondamentaux.
“Les ennemis de l’extérieur ne gagneront pas. Leurs tentatives se sont déjà terminées dans le golfe d’Izmir”. C’est à peu près ce qu’il a dit, en référence lointaine à ceux de “Sèvres”, comprenez les méchants qui voulurent envahir ce qui n’était pas encore la Turquie il y a un siècle, et les méchants d’aujourd’hui qui veulent étrangler la Turquie et empêcher le gaz de gazer en rond. D’où les fuites sans doute, justifiées comme suit : “Il était nécessaire de prendre des mesures contre les fluctuations financières qui ont émergé sur la scène internationale avec l’épidémie. Des opérations de change planifiées et contrôlées ont été effectuées. Toutes ces transactions s’inscrivent dans le cadre des règles du marché et sont légales. Ni l’évaporation de la monnaie étrangère ni le gain injuste ne sont en cause. Grâce à ces opérations de change, notre pays a réussi à rester attaché à ses objectifs sur la scène internationale.”
Et d’enchaîner sur les milliards qu’il a fallu aussi rembourser au FMI. Bref, de quoi justifier l’activité du gendre, qui s’est si bien débrouillé, alors qu’il était occupé aussi à faire naviguer des bateaux en Méditerranée. Du coup, on comprend mieux le coup de fatigue.
Mais Erdoğan ne s’est pas arrêté là. Il était à Izmir, un fief du CHP, et il se devait de répondre là à ceux qui attaquaient le gendre en question, et surtout n’avaient pas assez soutenu “l’exploit de Garê”.
Dans un savant mélange entre, les ennemis fourbes et sournois de l’extérieur, et ceux qui soutiendraient le “terrorisme”, il a fait dans le local.
Izmir connaîtrait désormais bien le PKK mais ne comprendrait toujours pas, selon lui. Et comme Izmir n’est pas un modèle de soutien à l’AKP, Erdoğan s’est adressé directement à ses opposants politiques nationaux du CHP, en les dénonçant comme accommodants avec :
“Cette organisation terroriste qui tue tout le monde, des enfants dans l’utérus, aux mères, grands-mères et personnes âgées à barbe blanche depuis près de 40 ans. Ôoo CHP, ôoo Kılıçdaroğlu avez-vous déjà visité le district de Diyarbakır ? Au lieu de condamner l’organisation terroriste en adoptant une position honorable, vous accusez l’État, soi-disant tourmentés par le meurtre de personnes innocentes”
Voilà, Erdoğan a botté en touche à propos du gendre et embrayé sur “Nous, nous sommes partout, sur chaque chemin des terroristes”.
Et cela coûte cher, très cher, on le sait. En vies humaines, mais en matériel, munitions, logistique, mais aussi subventions substantielles pour entretenir les “proxis”, ces milices envoyées en Lybie, développées en Syrie, jetées contre l’Arménie… Une guerre permanente, ça entretient le moral de l’état profond, ça soude l’alliance avec les ultra-nationalistes, mais ça coûte des sous au cartel et à la famille. Là, c’est moi qui parle, et avec moi quelques unEs qui pensent encore en Turquie, ce qui inquiète en haut lieu.
On saura peut être un jour si le gendre avait un désaccord ou non sur ces financements là, ou s’il était trop gourmand autour de la table. Mais ce que l’on comprend, c’est qu’Erdoğan a été obligé de sortir du bois, pour que la fuite de gaz ne parvienne pas jusqu’à lui.