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Voici une inter­view exclu­sive de Cemil Bayık, leader kurde, parue en anglais sur Medya News, le 10 févri­er 2021 et traduite ici par nos soins.

Comme le mot est sou­vent con­tro­ver­sé, pré­cisons qu’il y manie le con­cept de “géno­cide”, au sens où le définit Raphael Lemkin, celui qui l’énonça. Cemil Bayık dresse là un panora­ma qui per­met d’aller plus loin que ce qu’il est com­mode d’ap­pel­er “reven­di­ca­tion ottomane” du prési­dent turc, à pro­pos de sa poli­tique. La ques­tion kurde, épine dans le pied de l’E­tat turc depuis tou­jours, est analysée à la lumière de l’his­toire de l’E­tat turc lui-même, et de la nature de l’al­liance au pou­voir aujour­d’hui. Les men­aces qui pèsent sur les Kur­des, le mou­ve­ment kurde, le Roja­va, sont là explic­itées. On mesure ain­si l’ur­gence d’un sou­tien nécessaire.


 

Cemil Bayık, le coprési­dent du Con­seil exé­cu­tif de l’U­nion des com­mu­nautés du Kur­dis­tan (KCK), a partagé ses per­spec­tives sur le “géno­cide” et la sit­u­a­tion poli­tique actuelle au Kur­dis­tan irakien, en Syrie et en Turquie.

Comment évaluez-vous la visite du ministre turc de la défense Hulusi Akar en Irak et au Kurdistan irakien pour rencontrer des responsables irakiens et kurdes (dont le Premier ministre du Kurdistan Masrour Barzani et le président de la région du Kurdistan Nechirvan Barzani) quelques jours seulement après l’investiture de Joe Biden à la présidence des États-Unis d’Amérique ?

Oui, le min­istre de la défense, égale­ment avec l’an­cien chef d’é­tat-major général, a effec­tué une telle vis­ite et a ren­con­tré une délé­ga­tion du chef d’é­tat-major actuel et un comité du ser­vice nation­al de ren­seigne­ment de Turquie (MIT). Il y a des raisons qui expliquent pourquoi une telle vis­ite a été plan­i­fiée à une telle péri­ode et pourquoi les réu­nions avaient un but mil­i­taire. Lorsque vous regardez la délé­ga­tion, vous pou­vez voir que toute la vis­ite a été effec­tuée pour des raisons mil­i­taires. Les déc­la­ra­tions pub­liées à la suite de leur vis­ite ont révélé que le véri­ta­ble ordre du jour de la vis­ite était l’anéan­tisse­ment du Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK) : c’est-à-dire qu’ils n’ont ren­con­tré les respon­s­ables du gou­verne­ment cen­tral irakien et du Par­ti démoc­ra­tique du Kur­dis­tan (PDK) que pour une seule rai­son. Il s’agis­sait de l’anéan­tisse­ment du mou­ve­ment de lib­erté kurde et de la manière dont ils pou­vaient réelle­ment attein­dre cet objectif.

Reliez-vous le véritable ordre du jour de ces réunions à une approche stratégique de la Turquie qui est historiquement ancrée dans les caractéristiques fondatrices de l’Etat turc ?

Lorsque la République de Turquie a été créée il y a près de cent ans, elle n’a pas été établie en con­for­mité avec le tis­su his­torique et cul­turel de l’Ana­tolie, sur lequel la république règne. La région ana­toli­enne, avec sa grande diver­sité de groupes eth­niques qui y vivent, ses com­mu­nautés, ses cul­tures très divers­es et ses peu­ples aux croy­ances et aux langues très dif­férentes, vivaient aupar­a­vant en rel­a­tive har­monie. C’é­tait une région débor­dante de diver­sité. Tout sys­tème con­stru­it sur cette région était cen­sé l’être en fonc­tion de cette richesse cul­turelle, en recon­nais­sant cette incroy­able et vibrante diver­sité. Mal­heureuse­ment, les fon­da­teurs de la République de Turquie l’ont établie sur la base d’un sys­tème d’É­tat-nation monop­o­lis­tique qui a pris l’i­den­tité “tur­co-sun­nite” comme point cen­tral de déf­i­ni­tion, qu’il a imposé ensuite à toute la république.

Dans ce con­texte, ils ont presque com­plète­ment détru­it les Arméniens, les Rhums [terme util­isé prin­ci­pale­ment pour désign­er les chré­tiens ortho­dox­es grecs de Turquie] et les Assyriens afin de pou­voir exclure les peu­ples chré­tiens de la région ana­toli­enne. Les Cir­cassiens, les Arabes et les Laz [un groupe eth­nique qui a ses orig­ines sur la côte ori­en­tale de la mer Noire, au sud-ouest de la Géorgie] qui sont musul­mans ont même été traités de telle manière qu’au­cun d’en­tre eux ne pou­vait exiger quoi que ce soit pour lui-même et ils ont finale­ment été “fon­dus” dans l’i­den­tité “turque”.

Ils ont expul­sé les Kur­des Yazi­di du Kur­dis­tan et ont “mélangé” les peu­ples et eth­nies restants dans l’i­den­tité “turque”. Ain­si, dans ce con­texte, toutes les diver­sités autres que la kurde et les Alévis ont été expa­triées, for­cées de fuir ou soumis­es à un géno­cide. Seuls les Kur­des et les Alévis ont con­sti­tué un obsta­cle à l’É­tat-nation monop­o­liste fondé sur la syn­thèse tur­co-islamique [qui a d’ailleurs évolué en tant que poli­tique d’É­tat en Turquie, surtout après le coup d’É­tat mil­i­taire de 1980].

Il y a une poli­tique “une et une seule” qui définit l’ap­proche de la République de Turquie envers le Kurde et les Alévis. Elle peut être décrite au mieux par deux mots, “assim­i­la­tion” et “géno­cide”. La seule poli­tique appliquée dans toutes les sphères de la vie et main­tenue depuis près d’un siè­cle en Turquie est cette poli­tique de déni et de destruc­tion. Cepen­dant, la résis­tance des Kur­des et des Alévis n’a jamais cessé face à ces attaques génocidaires.

Comment évaluez-vous la résistance des Kurdes à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de la Turquie ?

Les Kur­des, en effet, se sont engagés dans une lutte exis­ten­tielle inin­ter­rompue dans les qua­tre par­ties du Kur­dis­tan depuis que leurs ter­res ont été divisées en qua­tre ter­ri­toires par les États nations d’I­rak, de Syrie, d’I­ran et de Turquie. Il a fal­lu un cer­tain temps pour que les nom­breuses entités kur­des du sud du Kur­dis­tan se réu­nis­sent et for­ment l’actuel gou­verne­ment région­al du Kur­dis­tan (GRK) en Irak. La révo­lu­tion du Roja­va a été réal­isée à la fin du proces­sus en Syrie, appelée com­muné­ment “Print­emps arabe”. Même si elle n’est pas recon­nue offi­cielle­ment, elle est dev­enue une révo­lu­tion, qui a été adop­tée par les peu­ples du monde entier et les a influ­encés. La dis­cus­sion actuelle porte sur le “statut” du Roja­va en Syrie.

Rojhılatê Le Kur­dis­tan (Kur­dis­tan ori­en­tal, qui désigne les régions du nord-ouest de l’I­ran comp­tant une impor­tante pop­u­la­tion de Kur­des) est égale­ment un lieu où la lutte pour l’ex­is­tence et la lib­erté du peu­ple kurde se poursuit.

En ce qui con­cerne la lutte à l’in­térieur des fron­tières de la Turquie, c’est-à-dire le Kur­dis­tan du Nord [égale­ment appelé Bakurê Kürdis­tan, la par­tie sud-est de la Turquie à majorité kurde], les Kur­des sont engagés dans une lutte de près d’un siè­cle pour l’ex­is­tence et la lib­erté ; et cette lutte est menée par le PKK depuis plus de 40 ans. Bien que la République de Turquie [ci-après dénom­mée TC — terme préféré de Cemil Bayık] — qui a été fondée et s’est égale­ment inspirée de la syn­thèse tur­co-islamique et a adop­té la destruc­tion de l’i­den­tité kurde au sein de l’i­den­tité turque dans le cadre de sa poli­tique “une et une seule” — ait atteint cer­tains aspects de cet objec­tif au Bakurê Kürdis­tan, elle n’a en aucun cas atteint ce but final.

En out­re, le CT a tou­jours craint tout “développe­ment” qui favoris­erait les intérêts des Kur­des dans les autres par­ties du Kur­dis­tan. Cette crainte a été telle­ment pronon­cée qu’Er­doğan a défi­ni le sou­tien et le statut accordés au PKK par les autres par­tis poli­tiques du Kur­dis­tan du Sud comme “la plus grande erreur qui ne sera jamais répétée”. Il a tou­jours con­sid­éré ces “développe­ments” dans les autres par­ties du Kur­dis­tan comme un “exem­ple” pour le Bak­our (Nord) et a estimé que cela représen­tait un dan­ger pour son pouvoir.

Quelle est votre évaluation de l’approche actuelle de la Turquie concernant ses frontières nationales et les tentatives de la Turquie de prendre le contrôle des régions situées de l’autre côté de ses frontières ?

Étant don­né que toutes les régions du Kur­dis­tan, à l’ex­cep­tion du Kur­dis­tan ori­en­tal (sous la dom­i­na­tion de l’I­ran), ont été gou­vernées par les Ottomans jusqu’à la Pre­mière Guerre mon­di­ale, le CT n’a jamais con­sid­éré comme légitimes les traités qui exclu­ent ces ter­ri­toires de ses fron­tières. Elle a tou­jours con­sid­éré ces ter­res, c’est-à-dire toutes les par­ties du Kur­dis­tan autres que le Kur­dis­tan ori­en­tal, comme faisant par­tie de ses fron­tières Misak‑ı Mil­lî, c’est-à-dire comme faisant par­tie des fron­tières nationales de la CT. C’est pourquoi elle revendique à chaque fois ses droits sur les autres par­ties du Kur­dis­tan qui se trou­vent à l’in­térieur des fron­tières actuelles de la Syrie et de l’Irak.

Si nous éval­u­ons l’ap­proche actuelle de la Turquie dans ce con­texte, nous pou­vons dire qu’elle va ten­ter d’en­vahir tout le Kur­dis­tan, à l’ex­cep­tion du Kur­dis­tan ori­en­tal, en util­isant l’ex­cuse de la “sécu­rité nationale”. Elle trans­formera les con­di­tions de l’actuelle “troisième guerre mon­di­ale” en une oppor­tu­nité pour elle-même, parce qu’elle se sent déjà “men­acée” par les “développe­ments” dans les par­ties du Kur­dis­tan autres que le Bakur (le Nord) et parce qu’elle con­sid­ère ces ter­res comme faisant par­tie de ses fron­tières nationales.

L’in­va­sion d’Afrin, de Serêkanî (Ras el-Ayn) et de Girêsipî (Tell Abyad) et la men­ace d’in­va­sion du Roja­va ont été plan­i­fiées en con­séquence, tout comme les plans d’in­va­sion de divers­es ter­res dont Shen­gal (Sin­jar), Max­mur (Makhmour), Mossoul et Kirkuk.

Cette approche se reflète dans la per­spec­tive et l’ob­jec­tif stratégiques de la dernière vis­ite du min­istre turc de la défense et le CT ne cache pas ses plans con­cer­nant le Kur­dis­tan du Sud.

Quel est le cadre stratégique et conceptuel qui rassemble les élites du pouvoir turc en une alliance malgré de nombreux conflits d’intérêts internes ?

Le Par­ti de la jus­tice et du développe­ment (AKP), le Par­ti du mou­ve­ment nation­al­iste (MHP, un par­ti ultra-nation­al­iste) et l’al­liance Ergenekon [Ergenekon fait référence à une organ­i­sa­tion secrète ultra-nation­al­iste qui aurait été for­mée au sein de l’ar­mée turque] sont ancrés dans le con­cept de géno­cide des Kurdes.

Ce n’est qu’avec une telle poli­tique et un tel cadre stratégique et con­ceptuel qu’elle peut chercher à détru­ire le PKK. Le PKK, pour sa part, est con­sid­éré comme l’ob­sta­cle kurde qui fait échouer les poli­tiques de néga­tion et de destruc­tion des Kur­des de l’al­liance et ses plans d’in­va­sion du Kur­dis­tan du Sud et de pris­es de ter­ri­toire. L’al­liance affiche un but vis­i­ble alors même qu’elle pour­suit de nom­breux buts et objec­tifs invisibles.

Nous en arrivons à la “ques­tion du cal­en­dri­er” soulevée par votre pre­mière ques­tion, l’É­tat-nation de la CT est dirigé par une alliance entre l’AKP-MHP et les euroasianistes.

La réal­i­sa­tion d’un géno­cide kurde est le seul objec­tif qui rassem­ble ces trois élites de pou­voir. Il n’y a pas de fac­teur plus impor­tant que cela pour unir ces trois élites de pou­voir et c’est ce thème et cet objec­tif com­muns qui main­ti­en­nent l’al­liance. De plus, même le sys­tème de prési­dence [en Turquie] a été con­venu afin de réalis­er et de faciliter le proces­sus géno­cidaire kurde en util­isant un cen­tre unique qui pour­rait agir de manière sys­té­ma­tique et unifiée. Cepen­dant, comme ils n’ont pas pu réalis­er ce géno­cide kurde dans le délai ini­tiale­ment prévu, chaque jour qui passe au-delà de ce délai, il est devenu de plus en plus dif­fi­cile pour les trois par­ties de main­tenir cette alliance.

Cette alliance a été dénon­cée au niveau nation­al et inter­na­tion­al pour avoir ten­té de per­pétr­er le géno­cide kurde avant que chaque par­tie de cette alliance ne prenne son pro­pre chemin. C’est dans ce con­texte que cette alliance a un prob­lème de “tim­ing” et que le “tim­ing” est devenu une ques­tion stratégique impor­tante pour les par­ties concernées.

De manière sig­ni­fica­tive, les récents développe­ments sur la scène inter­na­tionale ont ren­du par­ti­c­ulière­ment dif­fi­cile la pour­suite du tra­vail et du fonc­tion­nement de cette alliance fasciste.

L’al­liance de l’AKP-MHP-Ergenekon a un prob­lème de “con­for­mité” en ce qui con­cerne les poli­tiques étrangères qu’elle promeut.

Le gou­verne­ment actuel a dans son bilan :
a) Soutenu des dji­hadistes rad­i­caux qui sont main­tenant con­sid­érés comme une men­ace sérieuse pour l’Occident,
b) Acheté les sys­tèmes de défense antimis­sile S‑400 à la Russie et
c) Recul­tivé un point de vue qui se dif­féren­cie de l’ ”Occi­dent” en ce qui con­cerne la Méditerranée.

Ces fac­teurs sont devenus les prin­ci­pales sources de désac­cord entre l’É­tat turc et l’ ”Occi­dent”. Le “monde occi­den­tal”, mené par les États-Unis et l’U­nion européenne, affirme aujour­d’hui que la Turquie “manque de démoc­ra­tie libérale”, ce qui est déclaré “très impor­tant”. L’ ”Occi­dent” ne con­sid­ère plus la Turquie comme “démoc­ra­tique” ou “libérale” : il la qual­i­fie d’ ”auto­cratie”, un “terme adouci” qui fait référence à un régime fas­ciste génocidaire.

Quelle est votre évaluation de l’opération imminente du président Recep Tayyip Erdoğan lorsqu’il a déclaré “Nous pouvons venir soudainement une nuit” ?

Erdoğan est le porte-parole de l’al­liance fas­ciste AKP-MHP et son praticien.

Cette alliance dit ceci [c’est-à-dire, “Nous pour­rions arriv­er soudaine­ment une nuit”] via Erdoğan à une heure par­ti­c­ulière. Ils ont déjà fait quelques occu­pa­tions dans ce con­texte. Ils ont pris la déci­sion d’ap­pro­fondir leur occu­pa­tion au Kur­dis­tan du Sud (Kur­dis­tan irakien), y com­pris dans les zones de guéril­la, et de la main­tenir pour les raisons déjà évo­quées. Dans ce con­texte, Erdoğan ne dit rien de nou­veau, si ce n’est la déci­sion d’é­ten­dre géo­graphique­ment la zone sous occupation.
La vis­ite [du min­istre turc de la défense et des représen­tants du MIT] vise déjà à faire con­naître leur déci­sion aux respon­s­ables con­cernés en Irak et au Kur­dis­tan irakien et, si pos­si­ble, à les inclure dans leur plan. Cepen­dant, il sem­ble que l’I­rak ne s’est pas exacte­ment engagé dans le plan de la Turquie mal­gré la pres­sion intense qui lui est imposée mais, en même temps, il n’a pas non plus dévelop­pé une atti­tude pour l’empêcher.
Cepen­dant, il a été observé que le PDK, en ren­forçant son rôle dans le plan de retrait actuel, et en assumant des tâch­es de haut niveau, a ten­té de légitimer les assauts de l’É­tat turc. En ce sens, si l’on con­sid­ère le dis­cours de Erdoğan, on pour­rait con­clure que des opéra­tions mil­i­taires pour­raient être menées con­tre le Roja­va (nord-est de la Syrie) et le Kur­dis­tan irakien et qu’une telle stratégie n’est pas nou­velle non plus.
La Turquie a déjà occupé une cer­taine par­tie de la Syrie du Nord-Est et du Kur­dis­tan irakien, qu’elle con­sid­ère comme ses pro­pres ter­res. L’aspect qui est nou­veau n’est pas la déci­sion qui a été prise, mais la nature de l’ex­ten­sion de la zone d’oc­cu­pa­tion par le biais de nou­velles opéra­tions. Par con­séquent, il n’est pas dif­fi­cile de prévoir qu’une guerre assez impor­tante pour­rait se pro­duire entre nous, l’É­tat turc et le PDK, qui coopère avec la Turquie.

Quelle est votre évaluation de la déclaration du ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, selon laquelle “une feuille de route commune” a été convenue avec l’UE ?

En fait, il sera plus cor­rect d’en dis­cuter [“la feuille de route”] en inclu­ant les États-Unis (US) avec l’UE. Les rela­tions de la Turquie avec les États-Unis et l’UE, les forces “représen­tant” l’Oc­ci­dent, sont assez prob­lé­ma­tiques du point de vue des peuples.

L’aspect qui encour­age la Turquie dans ses mis­es en œuvre fas­cistes-géno­cidaires est l’at­ti­tude des États-Unis et de l’UE.

Les États-Unis et l’U­nion européenne con­sid­èrent les intérêts poli­tiques, mil­i­taires et com­mer­ci­aux d’abord avec la Turquie, et non les droits de l’homme, les valeurs démoc­ra­tiques, etc. Ce fait per­met à l’al­liance au pou­voir AKP-MHP de préserv­er sa posi­tion géno­cidaire con­tre le Kur­dis­tan et son fas­cisme en Turquie. Cepen­dant, les droits de l’homme uni­versels, les droits et lib­ertés démoc­ra­tiques ne doivent et ne peu­vent être ignorés au prof­it d’au­cun intérêt. Bien que l’UE cri­tique occa­sion­nelle­ment la Turquie pour cette ques­tion, ou même qu’elle définisse le régime actuel comme “auto­cratie”, elle ne prend pas de mesures con­crètes pour résoudre le prob­lème actuel et pour sur­mon­ter la sit­u­a­tion actuelle.

Une posi­tion démoc­ra­tique exige une cer­taine cohérence. Il est cer­taine­ment impor­tant et oblig­a­toire que l’UE soit sen­si­ble aux droits et lib­ertés démoc­ra­tiques en soi et qu’elle réagisse con­tre les mis­es en œuvre anti­dé­moc­ra­tiques où qu’elles se pro­duisent dans le monde. Toute­fois, si elle fait preuve de cohérence dans son approche, elle devrait égale­ment faire preuve de la même sen­si­bil­ité à l’é­gard du Kur­dis­tan. Cepen­dant, elle ne peut même pas garan­tir que les déci­sions insuff­isantes qui ont été pris­es par le Con­seil européen, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Comité européen pour la préven­tion de la tor­ture et des peines ou traite­ments inhu­mains ou dégradants (CPT) con­cer­nant les Kur­des peu­vent être et seront mis­es en œuvre. Elle n’im­pose même pas de sanc­tions à la Turquie qui ne respecte pas les déci­sions pris­es par ces organes.

En out­re, en ce qui con­cerne les droits et l’ex­is­tence des Kur­des, ils sou­ti­en­nent la Turquie, même si celle-ci a été cri­tiquée sur plusieurs points dans ce domaine. C’est pourquoi les réu­nions et les déc­la­ra­tions du min­istre turc des affaires étrangères et du min­istre alle­mand des affaires étrangères sus­ci­tent la sus­pi­cion et les inquié­tudes des par­tis démoc­ra­tiques, en par­ti­c­uli­er du peu­ple kurde.

On peut dire la même chose de la posi­tion améri­caine. Don­ald Trump a ouvert la voie à l’oc­cu­pa­tion géno­cidaire par la Turquie du nord-est de la Syrie et du Kur­dis­tan irakien, et a ouverte­ment soutenu le géno­cide dans le nord du Kur­dis­tan (est de la Turquie/Bakur). James Jef­frey a même heureuse­ment admis ce fait il y a peu de temps. Bien que l’at­ti­tude de l’ad­min­is­tra­tion Joe Biden ne soit pas encore claire, on attend de lui qu’il cor­rige l’im­age des États-Unis qui avait été érodée par l’ad­min­is­tra­tion Trump précé­dente, en ce qui con­cerne la sen­si­bil­ité à l’é­gard des droits et lib­ertés de l’homme et des préoc­cu­pa­tions liées aux droits et lib­ertés démoc­ra­tiques. En con­séquence, ils pren­nent en compte leurs pro­pres intérêts, pure­ment et sim­ple­ment. Mal­heureuse­ment, leur sen­si­bil­ité aux droits de l’homme ne devient active que lorsqu’elle est liée à la portée de leurs intérêts. Cela les rend égale­ment très inco­hérents dans leurs actions.

Il n’est pas pos­si­ble d’at­ten­dre des États qu’ils agis­sent de manière éthique et équitable en faveur des peu­ples dans ce con­texte et lorsque la dom­i­na­tion con­stitue la base de la poli­tique dans le monde des États.

C’est pourquoi le plus impor­tant pour les peu­ples est l’at­ti­tude des peu­ples vivant en Europe et en Amérique plutôt que l’at­ti­tude des États. L’opin­ion publique de ces pays influ­ence dans une cer­taine mesure l’at­ti­tude et la poli­tique des États. C’est pourquoi nous nous préoc­cupons prin­ci­pale­ment du sou­tien de l’opin­ion publique et de la sen­si­bil­ité. Nous savons que les rela­tions établies avec les peu­ples sont des rela­tions stratégiques et nous agis­sons en accord avec ce fait. Notre désir est cer­taine­ment que les États ne sou­ti­en­nent pas les poli­tiques géno­cidaires. Cepen­dant, les États sont des États au bout du compte et il est imprévis­i­ble de savoir quand, à qui et com­ment ils com­mer­cialis­eront les droits de l’homme, les droits démoc­ra­tiques et les lib­ertés. Ain­si, l’at­ti­tude des puis­sances dom­i­nantes dépend de ces intérêts.

Cepen­dant, les atti­tudes des peu­ples et de l’opin­ion publique démoc­ra­tique ne suiv­ent pas cela. Ain­si, nous avons tous été témoins de la force de l’opin­ion publique démoc­ra­tique pen­dant la résis­tance de Kobani, l’oc­cu­pa­tion d’Afrin, Ras-al-Ayn (Serekaniye) et Tell Abyad (Gire Spi).

Et maintenant ?

L’AKP met à l’or­dre du jour “la mod­i­fi­ca­tion de la loi con­sti­tu­tion­nelle et la réforme” pour cou­vrir la guerre qu’il a menée con­tre les Kurdes.

L’al­liance fas­ciste-géno­cidaire AKP-MHP-Eurasian­iste a remar­qué les récents change­ments poli­tiques qui ont eu lieu. Elle se rend égale­ment compte qu’elle ne peut plus pour­suiv­re sa poli­tique. Cepen­dant, elle veut faire la guerre, pour par­venir à la mise en œuvre du géno­cide des Kur­des en sup­p­ri­mant le Mou­ve­ment de la lib­erté kurde et en insti­tu­tion­nal­isant le régime fas­ciste en Turquie dans un sens absolu.

Elle a effec­tué les vis­ites [en Irak, au Kur­dis­tan irakien et en Europe récem­ment] pour ces raisons. Pour cam­ou­fler la guerre, ils ont mis la “réforme”, voire l’ ”amende­ment con­sti­tu­tion­nel”, à l’or­dre du jour de manière intense. Mais il n’y a pas de véri­ta­ble “réforme” ou de “nou­velle con­sti­tu­tion” qui sera faite par cette men­tal­ité fas­ciste-géno­cidaire. Il n’y a que de la tristesse, des larmes et de l’op­pres­sion qui provi­en­nent de cette gou­ver­nance, qui con­sid­ère tout le monde sauf elle-même comme des “ter­ror­istes” ou “l’en­ne­mi” qu’il faut “élim­in­er”.

C’est pourquoi, oui, rien n’a changé, mais il devrait y avoir un change­ment. La dom­i­na­tion fas­ciste est dev­enue un grave dan­ger non seule­ment pour le Kur­dis­tan et la Turquie, mais aus­si pour le monde entier. Cette gou­ver­nance fas­ciste et géno­cidaire devrait pren­dre fin. Si quelque chose doit être fait pour la Turquie et le Kur­dis­tan, la sup­pres­sion de cette gou­ver­nance devrait être ren­due pos­si­ble en ne sou­tenant pas ses pro­jets et ses plans génocidaires.

La démoc­ra­tie en Turquie et la lutte pour la survie devraient être soutenues et la sol­i­dar­ité néces­saire devrait être fournie pour per­me­t­tre la sup­pres­sion de cette règle.


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