Zinarin, de son véritable nom Selma Doğan, est née en 1972 dans la région de Dersim. Elle a grandi à Istanbul et croisé le PKK durant sa scolarité. Elle le rejoint en 1992. Elle est tombée au combat le 04 septembre 1997.
Voici un extrait de son journal de guérilla, dans lequel elle évoque le moment où elle gagne les zones de combat au Kurdistan nord, avec la charge qui lui a été confiée, par Abdullah Öcalan, d’y développer un bataillon féminin.
Zinarin a écrit son journal sous forme de lettres à son amie et camarade Melisa. Ce journal a été publié en turc aux éditions Mezopotamya.
Le texte ci-dessous est une traduction, à partir d’une première traduction du turc vers l’anglais, sur le site Komun Academy : (partie 1, partie 2)
1 février 1997
Heftanin/Geliyê Pisaga
Ma chère amie,
Alors que je descendais une vallée enneigée – je ne sais pas combien de fois j’ai glissé – je me suis sentie lourde, plein de nostalgie et d’émotions. Mes ami.es n’étaient pas avec moi. I.elles me manquent. Pourquoi les premières secondes, les premières heures de séparation et de nostalgie ont-elles été si lourdes et douloureuses? Pourquoi ai-je eu une boule dans la gorge et pourquoi les larmes dans mes yeux ont-elles failli déborder?
A côté de moi mes camarades, dont l’amitié et la camaraderie n’étaient pas encore mises à l’épreuve, et pas encore prouvées. I.elles étaient loin. Nous n’avions pas encore pleuré ensemble, pas encore ri ensemble. Nous n’avions pas encore disparu ensemble dans le labyrinthe complexe de la vie, et nous ne nous étions pas encore retrouvés sur le bon chemin par la suite. Ces compagnon.nes d’armes étaient donc encore très loins de moi. J’étais comme un enfant qui s’était perdu dans une branche du labyrinthe de la vie et qui gelait. Sur mon dos, je portais de bons et de mauvais souvenirs avec moi au lieu d’un sac à dos.
Au fur et à mesure que la distance entre moi et mes ami.es grandissait, les souvenirs devenaient de plus en plus difficiles. Séparations! Surtout la nôtre, ma très chère amie, que je trouve impitoyable. La douleur de ne jamais voir ceux qui restent est comme un couteau planté dans le cœur. Je n’aime pas les ruptures. Mais qui les aime…
L’amour passe sa plus importante épreuve lors des séparations. L’amour ne peut être créé que si vous ne l’oubliez pas, si vous le renforcez avec le désir et si vous élargissez votre cœur avec la force d’attendre les retrouvailles. Et le plus grand désir est de ne pas être oublié. Quelle peur impitoyable d’être oublié! Est-ce la raison pour laquelle les gens se donnent des cadeaux avant une séparation et disent les quatre mots codés “Ne le perdez pas”, qui signifient en fait “Ne m’oubliez pas”? Oui, mes ami.es, mes cher.es camarades et vous, ma chère ami, je n’oublierai bien sûr pas.
J’ai des centaines de graines d’amour dans mon cœur et je dois laisser chacune grandir. Je suis dans une partie paradisiaque de notre pays… et en même temps, je suis au moment d’un nouveau départ. Une transition aussi brusque sera certainement douloureuse. Mais mon cœur supportera la douleur. Cette séparation, à laquelle je suis hostile jusqu’aux os, se transformera en une douce nostalgie, je le sais. Il doit en être ainsi, car je ne veux pas faire des gens que j’aime la raison de mes échecs. (Le stylo avec lequel j’écris m’a été donné par mon ami Serkan. Le stylo est épuisé. Si vous saviez à quel point même cela m’attriste. J’ai vraiment besoin de surmonter cette émotion.) Parce que pour moi, le succès est la seule condition pour vous revoir. Je ne veux pas que les gens regrettent de m’avoir aimé. Les gens qui m’aiment devraient en être fiers. La seule condition est le succès de la révolution. C’est la promesse que j’ai faite à tous mes camarades et c’est pourquoi je la tiens.
Il y a des tâches et des jours difficiles devant moi. Peut-être que tout recommencera pour moi. La guerre, et le combat pour créer la vie dans la lutte. La pratique de la vie me fait face avec toute sa complexité et ses difficultés. Je ne suis pas censée trébucher d’avant en arrière comme un canard confus battant des ailes. Ce n’est pas non plus ce que je veux faire.
Sauter dans les multiples couches de l’océan de la vie, nager et se laisser flotter… Je dois faire ça, Melsa. Parce que j’ai des raisons historiques, contemporaines et personnelles de le faire. Je veux me battre avec conviction. Je veux me battre avec l’ennemi, avec l’arriération, avec le fait d’être sans foyer qui m’a séparé de toutes les personnes que j’aime, avec ce manque de liberté et toutes les inégalités et injustices, je veux me battre. Peut-être que ces séparations ravivent les sentiments rebelles de soulèvement en moi. Je veux me rebeller. Pourquoi sommes-nous obligés de nous séparer, pourquoi l’amour n’est-il vécu qu’à moitié, pourquoi l’humain ne peut-il pas aimer comme son cœur le veut?
C’est l’impitoyable raison de la rébellion. Je suis en colère contre la réalité. Et je ne l’accepte pas. Je me battrai. Je planterai l’amour et me battrai pour une terre digne où nous ne serons plus jamais obligés de nous séparer.
Surtout, j’aurais aimé que tu sois ici aussi, et nous aurions pu nous battre côte à côte. Mais parce que la réalité impitoyable a pris une partie de toi (les deux pieds de Melsa ont été amputés par la guerre) et que tu ne peux pas être ici à cause de cela, et que nous ne pourrons pas respirer le merveilleux air de cette mystérieuse et mystique endroit ensemble, je suis en colère et je me battrai.
Ce n’est qu’ainsi que je pourrai calmer les sentiments qui me font constamment penser : “Et si tu pouvais venir?” Mes sentiments sont fous et difficiles à contrôler. Je suis une étrangère. Être seule dans un endroit inconnu a rendu tout encore plus difficile pour moi. Mais je comprends aussi que ma présence ici est une expression de la confiance du Parti en moi. Il y a un grand retard et des erreurs. Apparaître au Parti comme un enfant qui pleure et se plaint est une erreur. Il me reste beaucoup à faire. Melsa, ce sont les petites choses ici qui font toute la différence. Un petit détail peut mener au succès comme à la perte. Il est donc impératif que je devienne une personne organisée.
2 février 1997
La guerre a commencé. J’ai assisté à une réunion de groupe hier. Nous y avons mis à jour une clique et exposé les dirigeants. L’accusée est une femme intrigante, qui a utilisé la ruse pour un.e commandant.e de groupe inexpérimenté.e et inoffensif.ve à utiliser des méthodes imparfaites, afin de s’en servir pour grimper les échelons et ainsi le/la faire tomber. Dans le processus, elle a monté de très jeunes ami.es inexpérimenté.es contre le/la commandant.e qu’elle a réussi à dépeindre comme un monstre. Elle est tombée dans le piège qu’elle s’est tendue.
Après une longue et efficace période de propagande sur la camaraderie, elle est devenue de plus en plus concrète. Dès le début, sa voix et son expression faciale ne me semblaient pas crédibles. Une voix intérieure m’a dit: “Elle ne ressent pas ce qu’elle dit”. Vers la fin de son discours, l’accusée a révélé son atout et a suggéré que le commandant soit démis de ses fonctions et rédige un rapport d’autocritique. Une fois de plus, la femme classique est sortie avec toute son “originalité”. Heureusement, certain.es ont pris la parole, même s’ils n’ont pas tout à fait mis de côté leurs propres calculs, dans la mesure où cela était dans leur propre intérêt…
Sans trop toucher aux deux — l’accusé et le/la commandant.e en question -, i.elles ont touché à la vérité avec leurs critiques et ainsi la situation a pu être évaluée, comprise et révélée par nous. Nous sommes intervenu.es. La culpabilité de la femme a été établie. Nous avons exigé un rapport. Tou.tes nos ami.es ont accepté la proposition. L’accusée a été assez intelligente pour comprendre que de nouveaux efforts étaient inutiles. Elle regarda le sol, très en colère, ambitieuse et trompeuse, comme un commandant qui avait perdu mais n’avait pas encore complètement abandonné son atout. Elle ne semblait pas abandonner rapidement. Mais j’étais calme, paisible et heureuse, car je savais qu’elle ne pouvait pas influencer la volonté de fer du Parti avec ses regards dérangeants, et que la femme libre et droite en développement l’effrayerait plus qu’elle ne nous effrayait.
Hier comme aujourd’hui, j’essaye de comprendre et d’évaluer instinctivement les connexions. Il faut être fort et droit dans la lutte des classes. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut gagner. Pour être prise au sérieux, il faut être forte. Être contrôlée, impulsive, courageuse et contribuer à des solutions concrètes est essentiel. Si vous essayez de mener la lutte de classe pour des intérêts personnels étriqués et pour de minuscules raisons personnelles, vous subirez et vous causerez des dommages. Il faut être très droit dans la lutte et revendiquer le bien commun. C’est la seule façon de lutter avec succès contre l’arriération. Je suis persuadée que ce n’est pas possible autrement. Aujourd’hui, nous qui te connaissons, avons encore parlé de toi et regardé nos photos. L’image de nous deux assises sous un arbre, chacune de nous ressemblant à une feuille fanée à l’automne. C’était un jour où j’avais été blessée, et tu as pris tout ton temps pour me réconforter… Ensuite, nous avons chanté des chansons d’amitié. Ce jour-là, nous étions très mélancoliques car le temps heureux de notre amitié touchait à sa fin. Nietzsche dit: “La mémoire est une blessure qui se purifie.” J’aime de plus en plus ce qu’il dit. Parfois, j’ai l’impression qu’il me décrit.
4 février 1997
Nous sommes enfoncé.es dans la neige jusqu’à mi-hauteur du dos. Et la neige continue de tomber sans relâche. Si ce temps continue, nous y serons jusqu’au cou ce soir. Parce que l’unité ne pouvait pas venir d’en bas et que leurs tentes sont enneigées, nous ne pourrons pas faire de cours aujourd’hui. Les ami.es sont allé.es chercher du bois et nous avons nettoyé les tentes de la neige. Nous résistons à l’hiver, au froid et à la neige avec des tentes en plastique, ce qui n’est pas très utile. Peut-être que c’était approprié il y a deux ans, mais maintenant… Aujourd’hui, nous pourrions être dans des tunnels et des grottes bien construits, mais à cause de notre paresse, de notre paresse et de notre stupidité, nous vivons dans ces conditions. Un peu de neige ne viendrait pas saboter pas le rythme de nos vies. Avec nos amis, la volonté de continuer le rythme même dans des conditions difficiles diminue. Aujourd’hui, par exemple, à cause de la neige, les gardes sur la colline et les unités de patrouille n’ont pas rempli leurs fonctions. Tout le monde pense qu’aujourd’hui il neigera, et donc que l’ennemi ne viendra pas.
6 février 1997
La porte du four est ouverte. Les couleurs et les flammes indescriptibles, la vive lumière rouge qui scintille entre les braises rouge foncé me font me sentir sensible et pleines de pensées. Oui! Demain, je reprendrai mon sac sur le dos et partirai. Adieux et discussions. Aller dans un nouvel endroit est “Un autre nouveau départ de ma vie” — je dirai. Cette fois, je partirai pour Çiyayê Spî.
11 février 1997
Voici le bataillon de Çiyaye Sipi (une région du Kurdistan) et voici l’unité des femmes… Après une marche de 26 heures dans la neige, le froid et le vent, nous sommes arrivées chez nous. Je suis dans le Parti depuis plus de quatre ans maintenant et près d’un an et demi avec les guérillas. Mais il est évident que je n’ai pas vraiment vécu jusqu’à présent. Je vois que ce n’est que maintenant que je fais un pas vers la guérilla et que je n’en comprends que maintenant ses beautés, qui sont étroitement liées aux difficultés. L’activité de guérilla de luxe est terminée. Il est précieux de vivre la vraie vie de guérilla.
Hier, en chemin, nous sommes allées dans des villages. Nous avons vu des gens au visage amical et au regard effrayé, qui étaient manifestement pauvres et avaient le dos courbé. Ils étaient clairement emplis de peur. Ils se sont sentis obligés de nous féliciter et de dénoncer le PDK: c’était la première chose qu’ils ont faite quand ils nous ont vus. Comme s’ils l’avaient appris par cœur.
La réalité de notre peuple est très étrange. Combien de raisons trouvons-nous pour ne pas être nous-mêmes et dans quelle mesure sommes-nous obligés de le faire? Ces gens nous aiment et dans des circonstances normales, nous serions leur seul chef à leur demande. Mais en raison des pressions intérieures et extérieures, tout ce qui les concerne est devenu très artificiel. Nous doutons si nous devons croire leur amour ou non. Ils nous ont donné des dattes et du pain et nous l’avons mangé en chemin. Ce fut l’un des meilleurs moments avec les guérillas. Un des moments où je comprends ce pour quoi je vis, où et comment.
Nous avons marché un peu. Devant nous se trouvait une forêt de chênes épais d’où nous entendions des chants animés. C’était la première fois que j’entendais de telles chansons dans les montagnes. Je pensais qu’un lieu d’une telle beauté n’existait que dans les peintures. Plus nous nous rapprochions, plus les voix devenaient fortes. Une vingtaine d’enfants d’âges différents se tenaient la main et dansaient le halay. C’était un jour de vacance. Quand ils nous ont vus, ils sont devenus encore plus vivants et tous ensemble ils ont chanté: “Le sivaro, hey lele, hey lolo”.
Ensuite, ils nous ont accueillis chaleureusement et nous ont adressé les congratulations d’usage en ce jour férié. L’un d’eux a offert des cigarettes et j’aurais voulu les accepter. C’était un moment où j’aurais aimé fumer une cigarette, mais je ne l’ai pas prise. Un enfant de quatre à cinq ans aux yeux immenses me regardait avec beaucoup d’intérêt. Je lui ai demandé son nom, mais c’est un autre aux yeux brillants qui a répondu: “Son nom est Héjar”. Il s’appelait Serdar. J’ai offert à Hejar une petite photo du Président. Il était content et honteux. Les enfants avaient attaché une grande balançoire à l’un des chênes et m’ont invité à me balancer. J’étais pris entre l’enfant en moi et l’adulte que je devais être. Après quelques secondes d’indécision, j’ai calmé l’enfant en moi qui voulait se balancer, ai donné la priorité à l’âge adulte et j’ai dit au revoir aux enfants. Pendant une autre heure encore, vous pouviez les entendre se balancer et chanter. J’ai regretté mille fois, de ne pas m’être balancée…
Ensuite nous avons rejoint le bataillon. Notre vie, la façon dont nous vivons, les endroits où nous habitons et certains des événements ici ne sont pas très agréables, camarade, enfin souvent ils ne le sont pas. Les méthodes de cette lutte, que nous appelons la lutte des classes, changent la vie de telle manière que vous ne la reconnaissez pas. De la duplicité, des potins et des personnalités intrigantes se forment et deviennent la méthode, au lieu de cultiver une culture de partisan, ou du moins c’est ce qui est essayé. Déjà le premier jour de mon arrivée, même lorsque j’ai été envoyé pour la première fois, certaines choses me préoccupaient; Je veux être ouverte pour toi. Lorsque le Président m’a confié la responsabilité du YAJK dans cette région, il a dit que je devrais aussi être active dans les autres domaines et ne pas être limitée. Bien que cela soit su, j’ai été exclue du conseil exécutif général et placée uniquement à la tête d’un groupe à Ciyaye Spî, qui est en fait un détachement mais est organisé comme une unité. Ils ont même refusé de m’admettre aux assemblées régionales sous de faux prétextes. L’unité se compose en fait de femmes qui n’ont jamais été déployées dans des groupes de combat auparavant, soit au total 30 amies. Ce n’est pas un problème pour moi, c’est en fait un meilleur point de départ. Mais je crois que je peux transmettre mes trois années de formation et les grandes assemblées du Parti auxquelles j’ai assisté à un cercle plus large, et que c’est aussi l’attente du Parti et du Président. Comment puis-je m’expliquer cela? Nous devons essayer de le comprendre politiquement. Voilà à quoi ressemble la lutte des classes. Il y a des raisons pour lesquelles il en est ainsi. Je dois avoir plus de clarté à ce sujet et peut-être vous écrirai-je la raison plus tard.
Deux jours après mon arrivée ici, j’ai trouvé nécessaire d’intervenir dans certains aspects de la vie de tous les jours; ce n’était pas grand chose. Mais pendant mon absence, cela a beaucoup irrité la commandante en charge du bataillon. Des décisions qu’elle avait tacitement acceptées lors de la réunion, elle les a alors, en les transmettant à ses amis masculins, présentées comme si elle avait été contre et que j’avais laissé la commandante d’un bataillon faire n’importe quoi. J’étais estomaquée, mais je lui en ai aussi parlé. Je lui ai dit indirectement que son comportement était ambigu; elle a compris. Le matin suivant, son comportement avait changé.
Nous avons ici un ami intéressant, il s’appelle Bedir : “Quelles questions spécifiques les femmes devraient-elles avoir qu’elles gardent secrètes des hommes et qu’elles essaient de résoudre entre elles?” Cet ami curieux me regarde d’une manière étrange. Il veut probablement savoir ce que je vais devenir. Il est également très prudent envers le YAJK (branche armée du mouvement des femmes) et a de sérieuses craintes. Avant même que je ne commence le travail, il m’a averti de toute urgence, presque de manière menaçante: “Faites attention.” J’aurai probablement des problèmes avec cet ami commandant.
… C’est un mauvais pressentiment, je sais, et je sais aussi qu’il faut le surmonter, sinon ça finira mal. Mais je me sens étrange dans cet endroit. Mon cœur veut être un oiseau et voler vers Zagros. À Xanxurke et parfois sur les montagnes les plus puissantes jusqu’à Dersim et Munzur. Mon cœur pleure comme un orphelin, mon amour.
Une salutation de toi
Laisse le printemps venir sur les ailes des oiseaux
Au sommet du sanglant
Et de l’héroïque combat
Laisse le sang rouge se répandre
Faire germer une rose
Qui s’appellera ensuite “espoir”
Sous la nuit noire
Le soleil devrait fuir vers la terre
Le lait de l’espoir des mamelles
Pour le donner aux racines
17 février 1997
Si je vous disais maintenant la confusion de mes sentiments, ma chère amie, vous ne sauriez reconnaître ni la colère, ni le désespoir, ni la tristesse, ni la haine, ni le désir, ni rien d’autre. Car tous les sentiments se fondent dans la haine. Persévérance, vengeance et détermination. Oui! Je n’ai pas la force de vous dire mes sentiments, mais je peux vous faire part de mes propres observations. Comment l’homme et la femme asservie qui est son déguisement deviennent de plus en plus laids. Comme ils deviennent dégoûtants. Ils me dégoûtent. Si vous saviez à quel point ces hommes dégoûtants, grossiers et vides me dégoûtent. Ma haine pour les femmes collaboratrices qui sont la seule raison pour laquelle ces hommes existent est encore plus forte.
Aujourd’hui, ils étaient comme s’ils avaient remporté une victoire. Lorsque notre ami Metin a appris que les rapports d’activité seraient séparés par unités, il nous a appelées et nous a dit que les rapports devaient être remis individuellement. Bien sûr, je n’ai pas détaché sa façon de faire de l’attitude masculine générale, des approches patriarcales. Mais il faut dire que nos chers amis ont très bien utilisé cette opportunité. A la radio, ils ont dit à leur ami Metin que je crée des différences entre les hommes et les femmes du groupe et que j’empêche ainsi l’unité. Aux yeux des femmes, je nierais tout, je nierais moi-même le travail devant moi et, de l’avis d’autres amis commandants, j’interviendrais immédiatement sans écouter les autres et j’utiliserais les mauvaises méthodes pour le faire. Après cela, bien sûr, il a récité tous les lieux communs classiques. Cela ne ferait aucune différence entre l’homme et la femme. Il n’y aurait pas trop de particularités, seul l’emplacement du lieu serait précis, mais la vie serait la même. Par conséquent, les rapports d’activité ne doivent pas être présentés séparément, mais ensemble, et ainsi de suite. Nos amis masculins se sont ensuite sentis victorieux. Notre amie collaboratrice a observé les réactions très attentivement; elle aussi a supposé qu’elle avait gagné le premier tour, et tout le monde pensait que je réagirais fortement et émotionnellement. Mais j’ai réprimé ma colère et agi de manière très contrôlée. Je ne veux pas être considérée comme une femme faible, car je ne suis pas une femme faible. J’ai des problèmes avec le choix et l’application des méthodes, mais j’ai accepté ce combat. Je ne capitulerai pas; mon estimé Président me donne de la force. Peu m’importe ce qu’ils me disent, je sais que mon Président sera avec moi dans mon combat pour la liberté tant que j’y investirai du travail. Je suis convaincu qu’à la fin, la femme qui se libère gagnera. Cet événement a alimenté encore plus ma passion. Je vais le faire, même si je me fais dévorer par ça, mes efforts viseront à être un souffle libre pour toutes les femmes, sans se plaindre et sans pleurer. Personne, ni un homme dégoûtant ni une femme esclave et collaboratrice, ne parviendra à m’arrêter.
20 février 1997
Cette phase me cause des difficultés, et cela m’en causera encore plus. Mais je ne vais pas me laisser abattre. Les complexes dégoûtants et insatisfaits de l’homme, l’aliénation et l’esclavage de la femme d’une part et mes rêveries d’autre part, ma concentration insuffisante et la superficialité dans le développement des sentiments et des pensées me causeront beaucoup de difficultés. Je ne succomberai ni à l’homme, ni à la femme, ni à moi-même. Alors que je suis très déprimée et agitée à l’intérieur, je sens que mes problèmes à long terme se déplacent vers la lumière, vers la sortie, et qu’il y aura une explosion. Soit j’accepterai ma propre aliénation ou celui des autres, ce qui signifierait un échec face à l’histoire, face au président et à tou.tes mes camarades, face à toutes les valeurs et beautés partagées. Ou je sortirai plus forte encore de cette situation. Je remarque que j’aborde la construction du parti (party building) avec des idées acérées. Je ressens le besoin d’une révolution et d’une nouvelle vie, et je suis convaincu que c’est la manière de devenir un parti. J’ai honte de la paresse de mes pensées et de mes sentiments. Pour la première fois, l’idée de gagner et de construire le parti est consolidée.
Je condamne mes sentiments fugaces à l’horizon du soulèvement. Parce que je vois que mes fluctuations de sentiments sont très égoïstes, qu’elles dévorent mes sentiments, mon esprit, mes pensées, ma créativité et mon temps comme un monstre. (…) Oui, je me suis rebellée contre mes sentiments et mes rêves éphémères. Je me rends compte que pour vaincre le monde extérieur, je dois d’abord me vaincre moi-même. La colère contre moi-même, la colère contre tout ce qui nous contredit, me ramène à moi-même. (…) Je sens la lumière après une phase douloureuse. Melsa, une personne ne peut pas vivre sans lumière. L’obscurité me donne envie de chercher la lumière comme une folle jusqu’à la mort. Je mourrai ou j’embrasserai la seule lumière, la révolution, Melsa.