Nous nous appuyons là, sur l’ar­ti­cle de Gazete Duvar (en turc / en anglais) du 26 novem­bre 2020, que nous pro­lon­geons par quelques observations.

Alors que la crise économique s’ag­grave en Turquie, le 26 novem­bre, la Turquie et le Qatar ont signé 10 nou­veaux accords d’in­vestisse­ment d’une valeur de plusieurs mil­lions de dol­lars pour l’é­conomie turque, dans un con­texte de crise moné­taire. Par­mi les accords qui ont été signés fig­ure le trans­fert de 10 % des actions de la bourse de Bor­sa Istan­bul au Qatar.

L’ac­cord a été signé par Zafer Sön­mez, PDG du Fonds de la richesse de la Turquie (TVF), et Man­soor bin Ebrahim Al-Mah­moud, PDG de l’Au­torité d’in­vestisse­ment du Qatar, au Palais prési­den­tiel, dans la cap­i­tale turque Ankara.

La céré­monie de sig­na­ture a eu lieu après que le prési­dent turc Recep Tayyip Erdoğan ait accueil­li l’émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, lors de la réu­nion du Comité stratégique suprême Turquie-Qatar à Ankara.

Turkey Wealth Fund est l’ac­tion­naire majori­taire de Bor­sa Istan­bul, avec une par­tic­i­pa­tion de 90,6 %. Après la vente, le fonds con­tin­uera à détenir 80,6 % des actions de Bor­sa Istanbul.

Qatar Invest­ment Author­i­ty est le fonds sou­verain de l’É­tat du Golfe.

Ankara et Doha entre­ti­en­nent de solides rela­tions, notam­ment depuis le blo­cus de 2017 des pays du Golfe par l’Ara­bie saou­dite et d’autres pays.

Les deux pays ont ren­for­cé leurs liens mil­i­taires et économiques au cours des dernières années.

Le 26 novem­bre, out­re la vente des actions de Bor­sa Istan­bul, neuf autres accords ont été signés entre la Turquie et le Qatar. Ces accords se traduiront par des flux de cap­i­taux de 300 mil­lions de dol­lars vers la Turquie.

Les accords signés sont les suivants :

  • Accord con­cer­nant le trans­fert des actions de İstinye Park,
  • Mémoran­dum d’ac­cord con­cer­nant les investisse­ments con­joints poten­tiels à réalis­er dans le pro­jet de la Corne d’Or d’Is­tan­bul, entre Glob­al Port Oper­a­tions et QTer­mi­nals WLL Antalya Port Oper­a­tions AŞ Trans­fert de parts et accord d’achat,
  • Zones franch­es Activ­ités de pro­mo­tion con­jointes du pro­to­cole d’accord,
  • Déc­la­ra­tion rel­a­tive à l’étab­lisse­ment de la com­mis­sion économique et com­mer­ciale commune,
  • Mémoran­dum d’ac­cord de coopéra­tion sur la zone de ges­tion de l’eau
  • Amélio­ra­tion du pro­to­cole d’ac­cord économique et financier sur les domaines de coopération
  • Coopéra­tion en matière de ser­vices soci­aux, et ser­vices con­cer­nant la famille et les femmes,
  • Inten­tion con­cer­nant l’échange de diplo­mates Insti­tut de diplomatie.

Dans le passé, les deux pays ont con­clu un total de 52 accords et cinq déc­la­ra­tions communes.

Avec la dernière réu­nion, le nom­bre total d’ac­cords est passé à 62.

Cet arti­cle détaille cer­tains points des “négo­ci­a­tions” et n’en­tre pas dans l’é­moi poli­tique que celles-ci sus­ci­tent. Il est com­pliqué pour le gou­verne­ment de s’ap­puy­er à la fois sur les courants nation­al­istes turcs et le “sou­verain­isme” et de faire la démon­stra­tion qu’en cas de dif­fi­cultés économiques et finan­cières la solu­tion viendrait de “ventes à la découpe” de secteurs économiques de Turquie.

Le car­ac­tère ultra libéral de la démarche ne peut que heurter le nation­al­isme vis­céral. Un député du CHP (Par­ti répub­li­cain du peu­ple) par exem­ple, n’a pas man­qué de soulign­er que cet accord vendait au Qatar un élé­ment lié à l’ap­pro­vi­sion­nement de l’ar­mée turque… Et il vient de faire sérieuse­ment l’ob­jet d’une mise en garde sur d’éventuelles poursuites.

Le seul liant qui per­met à Erdoğan de faire assumer ce qui ne dis­simule qu’une lev­ée de fonds pour redress­er les sta­tis­tiques est celui de l’ap­par­te­nance à la grande con­frérie musul­mane, et bien sûr, au bon camp de celle-ci, par rap­port à l’Ara­bie Saoudite.

La Turquie appar­tient bel et bien pour ceux qui en douteraient, à la grande con­frérie du cap­i­tal­isme libéral mon­di­al­isé. Et les rela­tions qu’elle entre­tient, tant avec l’UE sa voi­sine, qu’avec le monde des “frères”, sont dic­tées par la mon­di­al­i­sa­tion cap­i­tal­iste tout autant, dès lors où il s’ag­it de l’é­conomie financiarisée.

Certes le cap­i­tal n’a pas de reli­gion, mais le sen­ti­ment pop­uliste d’être ven­du au plus offrant que pour­rait éprou­ver une par­tie des pop­u­la­tions de Turquie chauf­fée à blanc par le nation­al­isme pour­rait bien desservir Erdo­gan, dans sa ten­ta­tive de col­mater les fis­sures de l’ef­fon­drement de l’é­conomie turque.

zaytung turquie turkey

Zay­tung, média satirique, annonce : “Nou­veau ser­vice d’E­tat  : Les citoyens pour­ront con­sul­ter en ligne, avec leur numéro d’i­den­tité, pour savoir s’ils sont ven­dus ou non au Qatar.”


Image à la Une : Le prési­dent turc Recep Tayyip Erdoğan et l’émir qatari Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani assis­tent à la céré­monie de sig­na­ture au palais prési­den­tiel à Ankara le 26 novembre.

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