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Un nou­veau prix est décerné à Zehra Doğan. En effet, Artis­si­ma (Foire ital­i­enne d’art con­tem­po­rain) et la Fon­dazione Sar­di per l’Arte ont cette année pro­mu un nou­veau prix dédié à l’artiste “Car­ol Rama” qui sera attribué pour “une artiste qui incar­ne, à tra­vers la recherche et le tra­vail, l’idéal de la créa­tiv­ité fémi­nine non con­ven­tion­nelle et de la lib­erté artis­tique que Car­ol Rama a incar­née et trans­mise avec ses œuvres et sa personnalité.”

Car­ol Rama a vécu et tra­vail­lé à Turin des années 1940 jusqu’à sa mort en 2015, accueil­lant autour d’elle de nom­breuses per­son­nal­ités et artistes. L’indépen­dance créa­tive de cette artiste qui a tou­jours échap­pé aux clas­si­fi­ca­tions et aux stéréo­types du monde des femmes ne fut recon­nue inter­na­tionale­ment qu’au début des années 2000. L’œuvre de Car­ol Rama s’étend pour­tant sur une péri­ode de soix­ante-dix ans, de 1936 à 2005, au cours de laque­lle l’artiste a occupé le même ate­lier, via Napi­one, à Turin.

Pour Zehra, ce prix décerné à son Art recon­naît, au delà de son his­toire per­son­nelle liée à son empris­on­nement, sa libre pra­tique artis­tique qu’elle place au ser­vice de la lutte des femmes. C’est son trait, la force qu’elle y emploie, le traite­ment des corps dans son oeu­vre, l’u­til­i­sa­tion libre de matéri­aux et pig­ments com­pos­ites (apprise et maîtrisée en prison), qui réson­nent ain­si incidem­ment avec l’oeu­vre de Car­ol Rama.

En cinq ans, Zehra Doğan aura ain­si été recon­nue comme jour­nal­iste, comme une pen­sée libre, comme artiste con­damnée pour avoir usé de sa lib­erté d’ex­pres­sion, avec de nom­breux prix.

Exposées en Europe durant ses années de prison, ses oeu­vres “évadées” lui val­urent en sou­tien l’at­ten­tion d’artistes comme Banksy et Ai Wei­wei, pour ne citer qu’eux, et celle d’un pub­lic large et nom­breux pour qui la cause kurde était alors bien sou­vent incon­nue. Le PEN Inter­na­tion­al, et de nom­breuses asso­ci­a­tions ont défendu sa libéra­tion, et on fait con­naître sa sit­u­a­tion. C’est cette sol­i­dar­ité, à laque­lle Kedis­tan, ses lec­tri­ces et lecteurs, toute une équipe d’amiEs, ont large­ment con­tribué égale­ment, qui a don­né la pos­si­bil­ité à Zehra de s’ap­puy­er sur elle pour déploy­er sa parole et son art dès sa libéra­tion en 2018, pour la cause kurde et celle des femmes.

Mais c’est tout sim­ple­ment la per­son­nal­ité sin­gulière et la force de Zehra Doğan qui ont fait le reste : expo­si­tions nom­breuses, en France, en Alle­magne, en Ital­ie à Bres­cia et Milan, Etats-Unis, films, per­for­mances lors de grands événe­ments où elle fait con­naître la cause kurde bien au delà des cer­cles mil­i­tants. Zehra se définit non comme une activiste poli­tique, mais comme une jour­nal­iste et une artiste poli­tisée, une femme qui se bat sans concession.

Que ce soit dans son oeu­vre, dans ses let­tres de prison, parues en français aux Edi­tions des Femmes (et bien­tôt dans d’autres langues), dans ses réc­its de prison en bande dess­inée (exposés à la Bien­nale de Berlin) à paraître début 2021 aux Edi­tions Del­court, elle archive, décrit, fait con­naître le sort des Kur­des, son peu­ple de nais­sance, et celui réservé par l’é­tat turc aux femmes en par­ti­c­uli­er qui se dressent con­tre lui.

Pour la deux­ième fois Zehra a pu expos­er en Turquie. La pre­mière fois fut au Kur­dis­tan, furtive­ment, entre deux empris­on­nements, et cette deux­ième fois à Istan­bul, en octo­bre.

Kedis­tan n’a pas à le cacher, Zehra est une amie chère, et nous sommes autant admi­rat­ifs et sol­idaires des com­bats qu’elle mène que nous y par­ticipons directe­ment nous mêmes. Aus­si invi­tons-nous large­ment à fêter ce nou­veau prix qui lui est décerné.

D’autres expo­si­tions se pré­par­ent, d’autres ren­con­tres aus­si, d’autres actions et per­for­mances, pour autant que la “fer­me­ture” due à la pandémie le per­me­t­tra, dès 2021.

Et nous prof­i­tons de cet arti­cle pour, une nou­velle fois, trans­met­tre les rires et les larmes de Zehra, ses utopies et colères, qui font tant avancer, à toutes celles et tous ceux qui, de 2015 à aujour­d’hui, ont, par leur présence, leur sou­tien, leurs con­cours directs, leur ami­tié, leurs réseaux, leur notoriété, con­tribué à con­stru­ire un pont vers l’avenir. Ils/elles sont trop nom­breu-ses pour les citer.

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Image à la Une: Zehra Doğan par Eren Karakuş, 2020.

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