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On m’a dit : “à ton âge, pourquoi tu te mêles encore, alors que tu devrais pren­dre soin de toi, de ces his­toires d’Is­lam ?”.

Je ne veux pas faire un très mau­vais jeu de mots qui offenserait la douleur de la famille de l’en­seignant assas­s­iné, mais j’ai répon­du que je devais le faire pen­dant que j’avais encore toute ma tête, et que le “pas de vagues !” ne m’al­lait pas bien.

Parce que c’est de cela que le Reis Erdoğan accuse le Prési­dent Macron, devant ses fidèles, du haut d’une tri­bune : ne plus avoir sa tête. “Il a besoin d’un soin men­tal”, dit-il. Je ne l’ai pas enten­du dire cela du ter­ror­iste qui a com­mis le crime. A croire que le bon soin des vierges cen­sées l’accueillir au par­adis des mar­tyrs suffira.

Je me rap­pelle très bien que sa presse titrait sur le fait que les ser­vices spé­ci­aux français avaient organ­isé l’at­ten­tat, et injuri­ait au pas­sage la vic­time. La France tuerait ses enseignants, organ­is­erait des com­plots, pour mieux pour­fendre l’Is­lam. Je n’ou­blierai donc pas que quand Erdoğan s’adresse à ces troupes de fidèles big­ots, ceux là ont ça en tête, l’idée d’un grand com­plot con­tre l’Is­lam, et donc con­tre son seul représen­tant sur terre, Erdoğan le magnifique.

Je vous laisse le soin de faire le lien avec son besoin de vic­timiser la Turquie, de désign­er des agresseurs étrangers, de faire oubli­er que l’ar­mée turque aujour­d’hui est omniprésente autour du ter­ri­toire, et qu’elle tue.

L’as­sas­sin devient donc le mar­tyr à défendre, comme un frère. Erdoğan ne le dit pas comme cela, mais comme il con­sid­ère que le meurtre de l’en­seignant Samuel Paty fait par­tie d’un com­plot, l’as­sas­sin devient vic­time manipulée.

Ne croyez pas qu’il sort cela de son cha­peau. Cette poli­tique est la sienne depuis tou­jours : les enne­mis intérieurs, les enne­mis extérieurs, la nation attaquée et le ciment de la reli­gion pour y faire face. A peu de choses près, on a la con­ti­nu­ité de ce qui se pas­sait déjà avant lui. Il le fait de façon plus voy­ante et brail­larde, c’est tout. Et comme il se sent bien seul au milieu de tous les mafieux qui guig­nent sa place, il fan­faronne et joue les gros bras.

Erdoğan prend soin de n’ou­bli­er per­son­ne. Il y a très peu, il tenait dis­cours sur la néces­saire unité de l’Is­lam, mal­gré les “dif­férences entre nous”, dis­ait-il. Bien sûr, cela va de soi, le grand frère des frères, ce serait lui, dans l’e­sprit ottoman de con­quête. Il est mem­bre de l’OTAN quand même, ça compte pour s’im­pos­er. Avec la Grèce, c’est la marine qu’il caresse, tout en se méfi­ant d’of­ficiers issus du vieux sérail. Avec la Syrie, il flat­te tous les nation­al­istes réu­nis, y com­pris une par­tie de l’op­po­si­tion, anti kurde de tou­jours. Au pas­sage, il soulage les mil­i­taires qui n’ont plus qu’à com­man­der des dji­hadistes recy­clés sous uni­forme, mil­ices mer­ce­naires pra­tiques pour les bass­es oeu­vres… Il n’y a guère que l’é­conomie qui lui cause tou­jours du tra­cas. Entre la cor­rup­tion qui prend sa part, la chute con­stante de la lire et le retrait des investis­seurs, il ne sait plus quel soin prodiguer, surtout que la Covid s’en est mêlée.

Quelle belle occa­sion de mobilis­er les bou­tiquiers. Voilà qu’on voit à la télévi­sion des cad­dies rem­plis de “pro­duits français” retirés des rayons. Chaque bou­tiquier qui suit le Reis se doit de mon­tr­er qu’il par­ticipe à l’ef­fort nation­al de lutte con­tre l’en­ne­mi de l’Is­lam désigné.

Une fois la tem­pête passée, ces pro­duits du dia­ble auront cer­taine­ment pris 10% d’aug­men­ta­tion lors de leur remise en ray­on, comme prime de par­tic­i­pa­tion à l’ef­fort national.

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Je pense sincère­ment que la plus belle prime pour Erdoğan, c’est l’é­cho que sa “sor­tie” a eu en France. Le Prési­dent Macron, touché au vif, on le com­prend, a fait jouer du cor sur ses télévi­sions, comme le Roland de l’his­toire. Mais Erdoğan s’en moque, il a réus­si a déclencher une vague de rassem­ble­ments islamistes un peu partout. Comme dans l’his­toire, les protes­ta­tions de la France sont un com­bat d’ar­rière garde.

Si la France n’avait pas lais­sé la Turquie faire ce qu’elle veut, “avec mod­éra­tion” comme dis­ait un min­istre lors de l’in­va­sion d’Afrin, si pour sat­is­faire sa xéno­pho­bie intérieure, elle n’avait pas par­ticipé au grand marchandage sur les migrantEs… Si… Si… Je ne vais pas réécrire tout ce que je dis depuis des années. La diplo­matie française est dev­enue un nain pour la Turquie, à force de con­ces­sions intéressées, de change­ments de cap, de com­pro­mis­sions libérales… Et du coup, l’is­lamisme poli­tique se réjouit et attaque. Il me sem­ble bien que face aux Pays du Golfe, ce n’est guère mieux pour ce mem­bre du Con­seil de Sécu­rité de l’ONU qu’est la France.

J’ai cru devin­er aus­si dans le dis­cours du “patron” qu’il souhaitait que le Prési­dent Macron perde ses prochaines élec­tions. Un mes­sage envoyé à la dias­po­ra turque en France, sans doute… Je remar­que aus­si que le soin men­tal demandé s’adresse au prési­dent, pas à la classe poli­tique qui s’est lais­sée aller au racisme anti-musul­man ces derniers jours. Ce qui a mis en rage Erdoğan, même fausse­ment, c’est le dis­cours con­tre l’is­lamisme poli­tique, pas le racisme con­tre les musul­mans. Le racisme lui, il con­naît, c’est même une pra­tique de son pou­voir. Et pour lui, tous les musul­mans sont enfants de l’Is­lam poli­tique, ou pas. Un enfant de la Turquie n’oc­cupe-t-il pas une place de choix dans le dis­posi­tif représen­tatif en France ? Mais j’e­spère qu’il ne vont pas nous les ren­voy­er, on en a déjà assez comme ça.

Votre prési­dent français ferait donc bien de réfléchir à sa réponse avec soin. C’est l’is­lamisme poli­tique et son chef auto-proclamé en Turquie qui lui a lancé une sorte de fat­wa, et elle pour­rait bien être exé­cutée par vos extrêmes droites nation­al­istes, curieusement.

Vous aviez rai­son, me mêler de ces his­toires me fait per­dre mon humour. Je vais pren­dre soin de moi men­tale­ment.

Et pour la bonne compréhension :

Macron, au point de vue men­tal, a besoin d’un traite­ment… Que peut-on dire d’autre à un chef d’E­tat qui ne com­prend pas la lib­erté de foi, et qui se com­porte de cette façon envers les gens de dif­férentes croy­ances, qui vivent dans son pro­pre pays ? Avant tout, un exa­m­en, au niveau mental… 

Tous les qua­tre matins, tu te préoc­cu­pes d’Er­doğan. Hé, t’oc­cu­per d’Er­doğan ne t’ap­porteras rien… De toutes façons, qua­si dans un an, il y aura les élec­tions. Et aux élec­tions on ver­ra ton sort…”

[Traduction fidèle des propos, sans correction rédactionnelle comme sur la vidéo de l’Agence Anadolu… mégaphone du régime, ne lui donnons pas plus d’audience qu’elle ne mérite…]

Note de Kedis­tan : Sur les réseaux soci­aux, défer­lement de “car­i­ca­tures” ou mon­tages de pho­tos, représen­tant Macron comme chien,  ou porc… Embar­ras du choix, tout y est. Homo­pho­bie assumée, Macron en “femme”. Au pas­sage Brigitte Macron n’est pas épargnée, attaques par­ti­c­ulière­ment sur son âge et son physique… Bref, le meilleur de la bêtise et le pire de la haine qu’on puisse trou­ver. Ces images reflè­tent un état d’hys­térie hors de toute énon­ci­a­tion poli­tique. Preuve que le régime ouvre une soupape là aus­si, fort utile pour lui. A remar­quer que cer­taines de ces images datent et sont des repris­es “made in France”.

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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…