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Depuis 5 ans un travail solidaire colossal est mené, main dans la main, par des soutiens et les exiléEs des deux camps de réfugiéEs à Lavrio en Grèce…
Le plus ancien de ces deux camps est une construction en dur, qui date de 1945, et a un passé historique, car il a hébergé de nombreux dirigeants kurdes, notamment Öcalan. A environ un kilomètre de distance de celui-ci, se trouve le camp le plus récent, constitué de bungalows. Ils fonctionnent d’une façon autogérée. Le refus des habitants du camp d’abandonner leur auto-gestion a souvent servi de prétexte au désengagement de l’état grec.
Pour les projets élaborés dans les camps, trois groupes se côtoient depuis des années. Les Kurdes des camps, les grecs-ques qui participent à des initiatives solidaires, et les internationaux, comme “Convoi solidaire, Anthropia, Enfants solidaires, Entraide internationale, Avec les grecs 56, Puissance 5, Carovana solidale per Lavrio”…
J’ai discuté à bâtons rompus avec Jacques Leleu, un syndicaliste français, qui oeuvre depuis plusieurs années pour les camps de Lavrio. A son actif, d’innombrables allers-retours, longs séjours sur place, contributions aux projets sur place… Egalement, cinq films documentaires, que vous pouvez visionner ici. Un sixième film à l’état de projet sur “Lavrio et l’autogestion”.
Jusqu’à aujourd’hui, les “convois solidaires” ont apporté aux habitants des camps 55 livraisons de nourriture et matériel. Un nouveau convoi est en phase d’organisation. Il est prévu pour début décembre prochain. Cette fois ce sera un convoi international. Des étudiantEs de Turin, qui font actuellement une tournée de projections des documentaires sur les camps Lavrio, en feront partie. D’autres participants associatifs, syndicalistes, caritatifs se joindront certainement à ce prochain convois.
Une importante livraison alimentaire fut d’ailleurs stoppée avec la mise en place de la quarantaine due à la pandémie. Un camion de 95 mètres cube rempli de 10 tonnes de nourriture, est resté bloqué le jour même de son départ… Depuis, son contenu est transporté par petites livraisons successives.
“Mais il n’y a pas que la nourriture…” dit Jacques. Il n’est pas difficile de comprendre tout de suite, que nourriture et abri sont des besoins fondamentaux pour la survie, mais ne suffisent pas à rester vivant, à garder le moral et le courage dans un camp, où le quotidien est rythmé par l’attente, l’incertitude, l’angoisse. Comment se préserver du désespoir et des conséquences psychologiques qui peuvent être lourdes. Le meilleur remède, c’est de rester en action…
“Par exemple, un atelier de couture fut mis en place. Au début avec 10 machines à coudre et la contribution de 10 femmes dont le nombre a augmenté depuis. Cet atelier produit des masques, des sacs, des vêtements et des bracelets. Ce projet, a un réel côté bénéfique car ils occupe les réfugiés. La vente des produits, est aussi un atout économique. En ce qui concerne les masques, devenus avec la pandémie un besoin essentiel, une livraison a été faite en décembre 2019, à l’hôpital public qui était alors en manque. Nous livrons depuis huit mois, et régulièrement, aussi du matériel médical.” dit Jacques. “Ce sont les Kurdes abandonnéEs par tous qui ont fourni 15 mille euros de matériel médical de protection à un hôpital public, dans une période où il n’avait encore même pas reçu son budget annuel” ajoute-t-il. “Une nouvelle livraison a été faite en septembre. Et, avec la rentrée cette fois, ce sont les écoles publiques qui réclament des masques, car le gouvernement grec n’a pas été en capacité de fournir des masques au personnel des écoles.”
En parlant des enfants, Jacques annonce : “Grâce à une militante de Strasbourg, Zozan, nous avons pu livrer récemment 450 livres scolaires en kurde. C’est la quasi totalité des livres scolaires en kurde existants ! Constituer une bibliothèque dans chacun des camps a une importance extraordinaire pour les enfants.”
Je demande où en est le nouveau projet de construction d’une “maison des enfants” dont le commencement était annoncé pour septembre. Jacques souligne qu’avec le réveil du Covid “il a fallu prendre à nouveau des mesures. Le projet dont le départ était prévu initialement pour septembre, progresse sans précipitation”. Ce projet de construction est bâti sur trois grandes lignes :
Lutter contre l’ennui. La vie des réfugiéEs dans les camps est rythmée par l’attente, le désoeuvrement, l’incertitude de l’avenir et l’ennui. En fait de rythme il faut plutôt parler d’un grand vide aux conséquences psychologiques importantes. Subir une telle vie dans un lieu de “non terre”, un lieu de transit sans perspective ni sortie, peut paralyser les volontés les plus farouches et détruire les relations sociales. Cette mobilisation commune permet de “panser/penser le lieu” et donc de se l’ approprier.
Coopérer à un projet collectif. Plusieurs groupes (kurdes, grecs, internationaux) différents se côtoient dans les camps. Différents par la langue, la culture, la vie quotidienne. L’enjeu est de créer les conditions pour que ces groupes coopèrent au sein d’un projet collectif, ce qui permet de se rencontrer et de tisser des liens à travers une expérience commune.
Créer pour la durée. Les conditions de vie mais aussi le fait que les réfugiéEs soient en transit (toujours en partance) font qu’il y a peu d’actions qui oeuvrent (s’inscrivent) dans la durée. Tout est éphémère. La conséquence est qu’il y a rarement de passage de relai. C’est pourquoi l’idée de créer la “maison des enfants” permettra à ceux-ci de jouer et de transmettre un “jouet commun”. Depuis 5 ans que nous intervenons dans les camps nous avons dépensé des sommes importantes en achat de jouets qui n’ont pas survécu aux premières semaines de leur utilisation.
Un grande importance est donnée à la participation de tous les acteurs présents sur place, dans différentes phases et domaines concernant ce projet. Il est également ouvert à tout groupe qui souhaiterait agir concrètement.
Dans un premier temps, il était prévu pour septembre, un atelier pédagogique avec trois groupes d’enfants et de mamans. Des dessins seront produits sur l’idée : “imaginez votre maison de rêve”. Suivra dans le camps une exposition de ces maisons rêvées. Ensuite, un schéma de la maison à construire sera défini collectivement. L’étape suivante est la définition du budget. Un groupe de réfugiéEs se chargeront des démarches auprès des commerçants. Les dépenses seront prises en charge par les solidaires de France et de Suisse et d’Italie. L’objectif étant de limiter les frais, réfugiéEs et solidaires se chargeront de recherches de matériaux de récupération, comme des palettes, qui, une fois démontées fourniront le bois, et les boites métalliques d’huile seront recyclées pour construire le toit de la maison. La phase finale, la construction de la maison, sera prise en charge par les réfugiéEs, et les solidaires de Grèce, de France et de la Suisse et d’Italie.
Comme la prochaine arrivée du Convoi solidaire est prévue pour début décembre, son équipe participera également à ce projet.
Ajoutons ici, une liste non exhaustive des matériaux de construction nécessaires pour le projet : bois (tasseaux, planches), revêtement pour la toiture, moquette, plaque de caoutchouc pour le sol… vis, clous, angles métalliques… outils de construction : perceuse, scie, cloueuse, marteaux, roues grand diamètre (la maison sera mobile). Rappelons que les équipes pourront acheter tous ces matériaux sur place et que le budget sera fixé par le groupe de travail. Mais, pour ces achats, il faut récolter de l’argent et bien évidemment les dons financiers sont précieux (défiscalisation de vos dons possible).
Et là, appel à nos lecteurs et lectrices ; vous pouvez contribuer à ce projet. N’hésitez pas à contacter Jacques au jacques.leleu0449[a]orange.fr ou sur Facebook.
Photographies : Jacques Leleu