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Erdoğan et l’U­nion Européenne sont dans un bateau. L’UE tombe à l’eau. Qu’est-ce qui reste ? … “Des migrants”.

Le Reis a ful­miné con­tre l’Eu­rope et le prési­dent français à la télévi­sion. “Le peu­ple français sait-il le prix qu’il devra pay­er à cause de ses dirigeants cupi­des et incom­pé­tents ?” a‑t-il dit.

Non, non, il avait bien dit “le peu­ple français”. Et pour­tant le mes­sage s’adres­sait si bien à la Turquie. Je laisse aux français le soin de rester français et de con­stater eux-mêmes qu’­ef­fec­tive­ment, en fait de dirigeants cupi­des et incom­pé­tents, les qual­ités sont bien partagées dans le monde entier. Mais…

Le prix à pay­er” ? Celui du gaz ? On le con­naît déjà, et lorsque l’hiv­er arrivera, j’en con­nais plus d’unE qui y regardera à deux fois avant de l’allumer.

Et bien juste­ment, il paraît que tout cela va changer.

Le Reis l’avait déjà dit quand il a inau­guré un pipe-line avec Pou­tine. Pour­tant, on attend encore, et c’est la courbe de la livre turque qui sem­ble avoir été gazée.

Mais cette fois, ce serait sûr de sûr. Il va le sor­tir de la mer.

bateau

Il va fal­loir cer­tains arrange­ments, bien sûr, parce que selon les lois inter­na­tionales, le gaz serait chez le voisin.

Mais bon, c’est des Grecs, ça tombe bien, des enne­mis de tou­jours. Alors bran­le-bas de com­bat, Mustafa Kemal et tout et tout, sou­venirs des batailles, des pogroms salu­taires pour la patrie. Voilà du gaz qu’ils n’au­ront pas !

Il est une petite île, à quelques kilo­mètres de bateau des côtes turques, bien tran­quille il y a encore quelques années, qui depuis peu se décore de dra­peaux grecs, face aux vedettes de gardes-côtes qui elles, por­tent le crois­sant. Elle s’ap­pelle l’île de Kastel­lori­zo. Prenez une carte, vous ver­rez. Ne vous trompez pas, c’est plein d’îles. C’est celle qui est la plus éloignée des côtes grec­ques et la plus proche de la Turquie. Même qu’il y a peu encore, ses com­merçants fai­saient les 5 kilo­mètres et venaient sur le marché de Kaş, juste en face.

Pour celles et ceux qui ne ver­raient tou­jours pas, c’est dans la province d’An­talya, le par­adis à touristes d’a­vant la pandémie.

Et bien c’est dans ce coin là que le plateau con­ti­nen­tal regorg­erait de gaz. Pas de chance, l’île a fait par­tie du grand marchandage des traités de la fin de l’Em­pire Ottoman et de la suite, et les Grecs y sont sur papi­er chez eux. Du coup, la flotte devient trou­ble, quand il s’ag­it de touch­er au fond. Et on va bien­tôt nous dire cet hiv­er, que c’est ce con­flit qui fera mon­ter le prix du gaz. Le pipe line se mord la queue.

Tans pis, si j’ai froid, j’i­rai dormir sur les tapis de Sainte Sophie, paraît que c’est ouvert à tout le monde. C’est la laïc­ité ottomane.

Fini de rigol­er, parce que cette petite his­toire de bateau qui con­voque la grande à toutes les inter­ven­tions du Reis pour­rait bien encore sen­tir la poudre et le gaz moutarde. Et c’est d’ailleurs le but recher­ché, en plus des gros sous qui dor­ment sous la mer.

C’est comme si le Reis était déjà en cam­pagne élec­torale, seul con­tre tous, à la proue du bateau. S’ap­pelle com­ment déjà ?

Enfin, seul, oui et non. Parce qu’il cul­tive le copinage quand ça l’arrange, l’ac­teur du Titan­ic pour tous. Une fois Pou­tine, une fois le clown améri­cain (non, pas Mac Do, l’autre), par­fois même les Iraniens. Il évite de les inviter en même temps, mais il a leur télé­phone. C’est comme cela qu’en Syrie il peut con­tin­uer à cul­tiv­er du dji­hadiste, comme en Libye, traiter le Macron français de colo­nial­iste, et créer l’il­lu­sion du rêve ottoman. C’est comme ça aus­si qu’il peut bomber le torse et jeter à l’eau du migrant… quand il veut.

Alors, le petit bateau qui va sur l’eau, qui aus­culte le plateau con­ti­nen­tal, ceux qui escor­tent des trafics d’armes, et qui utilisent les fréquences radio de l’OTAN, trans­porteront-ils demain le fameux “prix à pay­er” ?

J’ai le sen­ti­ment qu’ils seront plutôt de caoutchouc, pos­ses­sion de passeurs turcs de préférence, et que c’est cela qui sera au cen­tre des dis­cus­sions d’une ren­con­tre qu’or­gan­is­erait l’UE pour sif­fler la fin de la récréation.

Alors, la vieille Europe va-t-elle encore céder devant le néo-ottoman ? Va-t-elle encore faciliter les alliances intérieures en Turquie entre nation­al­istes kémal­istes, ultra des Loups Gris, et big­ots affairistes de l’AKP, pour fêter une vic­toire con­tre l’en­ne­mi extérieur ? L’Alle­magne s’ap­prête-t-elle à calmer la Grèce en faisant mine de soulager ses camps d’in­terne­ment de migrantEs ?

Je regrette telle­ment ce temps où les gaz étaient lacry­mogènes, et où la jeunesse de Turquie promet­tait autre chose qu’une mil­i­tari­sa­tion, et voulait faire pay­er le prix aux dirigeants pour­ris et cupi­des de ce pays.


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…