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Dans les villes de Turquie et du Kur­dis­tan, le pou­voir fas­ciste de l’AKP attaque con­stam­ment les femmes kur­des. Dernière­ment, lors d’opéra­tions dont l’épi­cen­tre était Diyarbakır, la porte parole de TJA, Mou­ve­ment des Femmes Libres, Ayşe Gökkan et des dizaines de femmes furent placées en garde-à-vue.

Ces infor­ma­tions, dev­enues rou­tines, ne sur­pren­nent désor­mais plus per­son­ne. Mal­gré cela, je suis de l’avis qu’il est impor­tant de se rap­pel­er et de point­er chaque fois, que ces attaques font par­tie d’une stratégie enrac­inée, et qu’à la base est l’inim­i­tié con­tre les femmes.

Il est utile de soulign­er, encore une fois, que le Mou­ve­ment des femmes kur­des, dans toutes les zones où il existe de façon organ­isée, forme son iden­tité et ses pris­es de posi­tions, en se bas­ant sur des cri­tiques rad­i­cales et pro­fondes ori­en­tées con­tre les poli­tiques d’as­sim­i­la­tion, poli­tique néga­tion­nistes de l’E­tat, con­tre toutes les ten­tac­ules de ces poli­tiques, et vers la struc­ture tra­di­tion­nelle de la société kurde et de la men­tal­ité machiste. Par ailleurs, bien que le Mou­ve­ment des femmes kur­des se forme, du point de vue de son cours de développe­ment, plutôt dans le Mou­ve­ment de libéra­tion kurde, du fait des pro­pos qu’il met en avant, les prob­lèmes qu’il pointe, les iden­tités qu’il s’ap­pro­prie, la per­spec­tive de lutte des femmes mise en avant, et le développe­ment qui lui est pro­pre, devi­en­nent le plus grand effroi des pou­voirs patri­ar­caux et des régimes fas­cistes. A cet égard, je voudrais pré­cis­er que l’inim­i­tié du pou­voir éta­tique fas­ciste turc, con­tre les femmes et la stratégie qu’il suit, ne con­cerne pas que ces dernières années, mais prend racines dans le passé.

En résumé, nous pou­vons affirmer que la con­cep­tion mod­erniste et moniste, causée par le proces­sus d’as­sim­i­la­tion nationale d’é­tat,  débuté dès la fon­da­tion de la République en Turquie, la néga­tion de toutes les couleurs en dehors de la couleur prin­ci­pale, reflè­tent de la façon la plus frap­pante sur les femmes de dif­férentes iden­tités, et par­ti­c­ulière­ment sur les femmes Kurdes.

Pour cette rai­son, le con­cept de “mod­erni­sa­tion”, de source occi­den­tale, qui est pro­posé comme ordon­nance pour la libéra­tion des femmes, peut lui-même devenir une source d’op­pres­sion et de dis­crim­i­na­tion pour les femmes de divers­es iden­tités en Turquie. Cette notion de mod­erni­sa­tion moniste et sou­verain­iste, à tra­vers des poli­tiques d’as­sim­i­la­tion, néga­tion, et anéan­tisse­ment, menées sur les per­son­nes d’autres couleurs que celle con­sid­érée prin­ci­pale, sura­joutés de valeurs tra­di­tion­nelles et de patri­ar­cat, a pu créer une oppres­sion sup­plé­men­taire des femmes appar­tenant à ces derniers milieux. Du côté du front des femmes, il ne serait pas faux de par­ler d’une grande vague de per­sé­cu­tion et d’a­gres­sion dont l’échelle est en hausse, en par­al­lèle aux efforts des femmes kur­des pour s’or­gan­is­er elles-mêmes si après le coup d’E­tat du 12 sep­tem­bre 1980, avec le rassem­ble­ment de l’op­po­si­tion et des mou­ve­ments des femmes dans le vide de l’op­po­si­tion de gauche, une péri­ode de sta­bil­i­sa­tion s’est déroulée.

Si on entre dans les détails du con­texte ; le fait que le Mou­ve­ment des femmes kur­des en Turquie, puise sa force à par­tir des années 90, que les femmes kur­des désor­mais “sujets” dans l’e­space poli­tique, aug­mentent leur vis­i­bil­ité, et devi­en­nent une force inter­locutrice, est une des raisons d’ex­is­tence de cette stratégie belliqueuse. Arrivant aux 2000, les femmes kur­des dont les per­spec­tives idéologiques et poli­tiques sont rad­i­cal­isées, la puis­sance et volon­té qu’elles ont acquis­es dans l’e­space poli­tique, leur rôle pio­nnier dans la résis­tance con­tre toutes les pra­tiques de capit­u­la­tion et d’anéan­tisse­ment du pou­voir fas­ciste turc, sont d’autres raisons qui ont apporté à cette stratégie belliqueuse une nature encore plus sauvage.

En Turquie, les femmes kur­des ont une influ­ence con­sid­érable, elles qui sont “codées” par le pou­voir, dans toutes agres­sions les ciblant, comme “des pau­vres femmes qui, vivant dans la tra­di­tion, s’ef­for­cent de lut­ter con­tre des assas­si­nats ‘tra­di­tion­nels’ et qu’il faut sauver”, pour­tant dignes et refu­sant la vic­tim­i­sa­tion, ayant une force organ­i­sa­tion­nelle ren­for­cée depuis les années 90.

En con­clu­sion, la poli­tique basée sur l’i­den­tité eth­nique, et menée par­al­lèle­ment à la lutte de genre sociale, par les femmes  kur­des, le fait que leur champs d’ac­tion ne se lim­i­tent pas aux régions kur­des, et qu’elles por­tent avec insis­tance leurs reven­di­ca­tions sociales et poli­tiques dans tous les endroits où elles sont organ­isées, qu’elles créent ain­si une syn­ergie qui déblaie la peur dans une empire de peur qu’on essaye d’in­stau­r­er comme c’est le cas aujour­d’hui, les trans­forme con­tin­uelle­ment en cibles prin­ci­pales des agressions.

De sur­croit, ces femmes placées en garde-à-vue, arrêtées à d’in­nom­brables repris­es, subis­sant chaque fois, les pra­tiques les plus sauvages, les plus bar­bares et inhu­maines, exposent une déter­mi­na­tion intariss­able et une volon­té qui ne se plie jamais. A l’oc­ca­sion des agres­sions du pou­voir turc subies par nos amies, dans cette dernière semaine, encore une fois, je voudrais exprimer à nou­veau que, aujour­d’hui comme ce fut le cas dans le passé, aucune opéra­tion géno­cidaire ne peut bris­er l’e­sprit révo­lu­tion­naire des femmes, ni anéan­tir leur pas­sion pour la liberté.

Sara Aktaş

Note du Kedistan :

Ayşe Gökkan a été libérée sous con­trôle judi­ci­aire, le 18 juil­let dernier. A sa libéra­tion, Ayşe a déclaré qu’elle avait été arrêtée des dizaines de fois. Elle lutte depuis 35 ans pour les droits des femmes, la paix et la lib­erté : “Si ce que je fais est un crime, d’ac­cord, j’ac­cepte ce crime. Jusqu’à présent, je suis passée devant près de 200 tri­bunaux. Et  chaque fois, je fus libérée, parce qu’ils ne trou­vent rien à blâmer. Ils gaspillent leur temps”.


Sara Aktaş
Sara Aktaş, poétesse, écrivaine et militante féministe kurde, membre du Congrès des Femmes Libres. Elle a publié deux recueils de poésie, “Aksi Yalandır”Le Contraire serait mensonge (2013) et “Savaş Yıkıntıları”Ruines de guerre (2005).
Emprisonnée à plusieurs reprises, et risquant de longues années d’incarcération, elle a pris la décision de se réfugier en France. Elle continue à écrire pour différents médias.

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